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Composantes d’âges et histoires thermiques détritiques au mont Tapuaenuku

5 Datations AFT détritiques dans la vallée de l’Awatere, Nouvelle-Zélande : exhumation de la

5.4 Résultats

5.4.4 Composantes d’âges et histoires thermiques détritiques au mont Tapuaenuku

Les modèles thermiques présentés précédemment, ont été modélisés sous l’hypothèse que les âges détritiques observés dans chaque échantillon partagent la même histoire de refroidissement, et ont donc été regroupé en profiles verticaux pour l’inférence d’histoire thermiques détritiques. Cependant, cette dernière est une hypothèse forte, et des mélanges de sources sont probables dans les distributions d’âges observées, surtout pour les échantillons collectés dans la rivière Awatere, où l’aire de drainage augmente exponentiellement vers l’aval (Figure 5.2B). Il paraît ainsi pertinent de pouvoir explorer les distributions d’âges détritiques afin d’extraire les composantes d’âges principales et ainsi modéliser les histoires thermiques de ces composantes. Je m’intéresse ici à cette exploration sur l’échantillon n°6, collecté à l’exutoire du bassin de drainage du mont Tapuaenuku. Je choisi cet échantillon car (1) la fertilité en apatite est satisfaisante (i.e. 191 apatites récoltées), (2) le bassin de drainage est relativement petit (~10 km²), et la source des apatites est bien identifiée (i.e. le CIT), et (3) un profil vertical d’âges AFT in-situ est disponible dans la littérature (Baker and Seward, 1996). Cela me permet ensuite de modéliser les histoires thermiques en combinaison d’âges in-situ et comparer les prédictions des distributions d’âges résultantes, similaire à Gallagher et Parra (2020).

Afin d’extraire les composantes d’âges présentes dans la distribution d’âges détritiques de l’échantillon n°6, j’utilise le logiciel BayesMixQT v3.2 (Gallagher et al., 2009; Jasra et al., 2006). La distribution d’âges détritique est explorée avec la méthode d’échantillonnage itérative de Monte-Carlo par chaines de Markov à sauts réversibles (RJMcMC, en anglais). Combinée à une formulation bayésienne, cette approche explore l’espace des paramètres, correspondant au nombre de composantes présentent a priori, aux paramètres de leur distribution (e.g. moyenne et écart-type pour une distribution normale), ainsi qu’à la proportion de chaque composante dans la distribution d’âges totale. De façon similaire à l’approche définie dans QTQt (Gallagher, 2012), un nombre d’itération « burn-in » et « post-burn-in » doit être renseigné pour l’exploration des paramètres (voir chapitre 2, section 2.3). A chaque itération, un paramètre est perturbé (e.g. le nombre de composante) et des âges synthétiques sont échantillonnés à partir des distributions de chaque composante modélisée, puis combinés, et une probabilité de vraisemblance avec les données observées est calculée (Jasra et al., 2006). L’efficacité de la procédure d’échantillonnage est évaluée à la fin de la simulation en regardant les taux d’acceptance des perturbations des paramètres autorisés à varier. Une description détaillée de la méthode est présentée par Jasra et al. (2006).

Figure 5.7. Composantes d’âges détritiques inférées avec BayesMixQt v3.2 (Jasra et al., 2006) pour l’échantillon n°6,

prélevées à l’exutoire du bassin de drainage du complexe igné du mont Tapuaenuku. (a) Distribution de probabilité du nombre de composantes inférées par la méthode d’échantillonnage et représentée sous forme d’histogramme. (b) Diagramme radial montrant les composantes d’âges prédites par le modèle maximisant la probabilité a postériori. Les moyennes ainsi que les modes des distributions de chaque composante sont également montrées. Les lignes courtes en pointillées sont les intervalles de crédibilité à 95% pour chaque composante. (c) Probabilités de classification des composantes pour chaque âge détritique individuel. Chaque âge se voit attribuer une probabilité d’appartenir à chacune des composantes. (d) La distribution d’âges AFT détritiques est montrée pour chacune des composantes. L’histogramme grisé est la distribution des âges observés dans l’échantillon n°8.

Pour l’échantillon n°6, je souhaite donc identifier le nombre de composantes d’âges dans la distribution observée. Pour renforcée la discrimination des composantes, j’utilise également les compositions en chlore (wt%), ainsi que les âges U-Pb des apatites détritiques déterminés grâce à l’analyse par LA-ICP-MS (voir Annexe 5.2). Je considère un a priori large sur le nombre de composantes, avec une distribution de probabilité uniforme entre 1 et 50. Je suppose également que les distributions des composantes suivent une loi normale. La procédure d’échantillonnage a été efficace en termes de perturbations des paramètres en montrant des taux d’acceptance compris entre 32 et 49% (voir Tableau A5-2, Annexe 5.4).

Les résultats montrent une plus grande probabilité pour un nombre de quatre composantes (0.38, Figure 5.7a). Cependant, la probabilité d’avoir trois composantes est proche (0.33). La quatrième composante est surtout représentée par l’âge vieux (689.7 Ma) est n’est donc pas significative. Cette composante n’est d’ailleurs pas présente dans le modèle maximisant la probabilité a postériori (Figure 5.7). Je considère donc ce dernier pour l’interprétation des résultats. Ainsi, trois composantes à 279.3±70 Ma (mode à 269.6 Ma), à 105.0±25 Ma (mode à 107.5 Ma), et à 35.3±9.5 Ma (mode à 23.0 Ma) sont identifiées dans l’échantillon n°6 (Figure 5.7b). Les probabilités de classification pour chaque âge détritique observé (i.e. sa probabilité d’appartenir à la composante k) montrent que les âges <50 Ma ont plus de chance d’appartenir à la première composante, et que les âges >166 Ma à la troisième (Figure 5.7c). La deuxième composante présentant des âges intermédiaires. Je note une légère augmentation de probabilité pour la troisième composante à ~57 Ma. En regardant les distributions d’âges prédites pour chacune des composantes (Figure 5.7d), j’explique cette légère augmentation par l’effet de la combinaison de la distribution d’âges étroite observée pour la première composante et de l’étalement large de la troisième composante jusqu’à des âges approchant zéro. Les âges AFT montrant une incertitude élevée (> 30%), les distributions des composantes se chevauchent et certains âges ont une probabilité égale d’appartenir à deux composantes (e.g. les âges à ~50 Ma ont 0.5 de probabilité d’appartenir à la première et à la seconde composante, Figure 5.7c).

Ayant identifié les composantes d’âges, j’extrait les âges de la première composante, en considérant qu’ils représentent le dernier épisode de refroidissement. Je les regroupe ainsi en un profil vertical et modélise des histoires thermiques. Des âges AFT in-situ sont disponibles pour le complexe igné du mont Tapuaenuku (Baker and Seward, 1996), et me permet donc une stratégie d’exploration des histoires thermiques où je considère l’inversion des données détritiques seules, puis avec les âges in-situ, similaire à Gallagher et Parra (2020).

Les histoires thermiques modélisées pour la composante à 35.3±9.5 Ma montrent un premier refroidissement des apatites détritiques entre 60 et 30 Ma, suivi d’un faible réchauffement de 20-10°C, puis d’un refroidissement final jusqu’en surface depuis 12-10 Ma. Les apatites les plus vieilles restant en marge de la zone de cicatrisation partielle (50-60°C) entre 50 et 10 Ma (Figure 5.8a). Cependant, la distribution d’âge prédit un pic d’âge autour de 31±5 Ma, manquant ainsi le pic d’âge observé à ~6 Ma (Figure 5.8a). La distribution moyenne des âges prédits se rapproche de la distribution observée avec un

pic d’âge à ~13 Ma (Figure 5.8a). Toutefois, les données observées sont assez dispersées, et la distribution d’âges décroît graduellement de 6 Ma à 80 Ma. L’inclusion des âges in-situ ne réduit pas de manière significative l’écart entre la distribution d’âge prédite et observée, qui montre toujours un pic à

~33 Ma (Figure 5.8b). L’inclusion de ces âges augmente même la prédiction d’âge plus vieux >60 Ma. L’histoire thermique reste relativement similaire à celle modélisée avec les âges détritiques seuls, sauf pour les âges les plus jeunes qui séjournent dans la partie basse de la ZCP de >90 Ma à 40 Ma. De façon similaire à Gallagher et Parra (2020), les âges in-situ, ici originaires du CIT (Baker et Seward, 1996; Annexe 5.5), montrent des âges plus vieux aux altitudes intermédiaires du bassin de drainage (1300-1700 m), que celles prédites par la modélisation des âges détritiques seuls. Cela force ainsi la prédiction d’âge plus vieux à plus haute altitude, et donc au décalage de la distribution d’âges prédite vers les âges plus vieux.

Figure 5.8. Histoires thermiques et distributions d’âges détritiques modélisées pour la composante d’âges identifiée autour de

35.3±9.5 pour l’échantillon n°6, du bassin de drainage du mont Tapuaenuku. Les histoires thermiques ont été modélisées à partir des données détritiques seules (a) et en combinaison avec des âges in-situ (b). La signification des courbes est similaire à celle à la Figure 5.5. Toutefois, pour l’inversion avec les âges in-situ (b), les courbes orange montrent les histoires thermiques pour les échantillons in-situ du profil vertical. LV : log de vraisemblance.