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5 Datations AFT détritiques dans la vallée de l’Awatere, Nouvelle-Zélande : exhumation de la

5.4 Résultats

5.4.3 Inversion des données AFT et histoires thermiques

Les données montrent (1) des dispersions importantes d’âges pour chaque échantillon, (2) avec des distributions de composition en chlore de ~0.01 à 3.5 wt%, et (3) des incertitudes sur les âges AFT importantes (> 30%). Ainsi, pour la modélisation des histoires thermiques avec QTQt, j’adopte une stratégie d’exploration « naïve » des données détritiques dans laquelle je suppose que dans chaque échantillon, les âges AFT observés partagent la même histoire thermique et peuvent donc être regroupé en un profile vertical. Je suppose que la variation des âges observés peut être expliquée par les variations de composition en chlore des apatites (Figure 5.4). Pour tester cette hypothèse, je considère deux stratégies de modélisation. Tout d’abord, je commence la modélisation des histoires thermiques par des paramétrisations simples, considérant une composition moyenne en chlore, afin de tester si la distribution d’âges AFT détritiques observée pour chaque échantillon peut être prédite avec assez de précision (Test 1). Ensuite, je considère une gamme de composition en chlore pour les apatites, déterminée par la gamme observée dans chaque échantillon (Figure 5.4), suivant un pas de 0.3 ou 0.4 Cl wt% suivant les échantillons (Test 2). La procédure d’échantillonnage McMC dans QTQt va ainsi considérer un modèle d’histoire thermique pour chaque composition et additionner leur vraisemblance individuelle pour calculer la vraisemblance totale de l’échantillon (Gallagher, 2012). Pour chacune des modélisations d’histoire thermique, je compare les distributions d’âges prédites avec les distributions observées.

Pour l’ensemble des histoires thermiques détritiques inférées pour chaque échantillon, les meilleures prédictions ont été obtenues pour le test 1 (Annexe 5.3), ne considérant qu’une seule valeur de composition en chlore pour le processus d’échantillonnage McMC. La qualité des prédictions des différents modèles thermiques a été évaluée par le critère d’information bayésien (BIC en anglais « bayesian information criterion »), qui pénalise les modèles complexes (i.e. avec plus de paramètres) pour des prédictions relativement similaires. Ainsi, les histoires thermiques du test 2, considérant une gamme de composition en chlore pour l’exploration des paramètres, augmente la complexité des modèles en augmentant le nombre de paramètres (Gallagher et al., 2009). Les prédictions entre les deux tests sont souvent relativement similaires (Annexe 5.3), c’est pourquoi les modèles du test 1 sont préférentiellement choisis (i.e. suivant le BIC). Ainsi, les modèles retenus pour les trois échantillons récoltés dans la rivière Awatere (échantillons 1, 4 et 8 ; Figure 5.2B) sont présentés à la Figure 5.5 et ceux des tributaires (échantillons 2, 5, 6, et 7) à la Figure 5.6.

Les histoires thermiques des trois échantillons récoltés le long de la rivière Awatere (Figure 5.5), sont assez contrastées. Les modèles thermiques moyen et montrant le maximum de probabilité a postériori (MP) de l’échantillon en amont (n°1), suggèrent un réchauffement progressif des apatites jusqu’à ~30-20 Ma, suivi d’un refroidissement à taux constant depuis ~20 Ma (Figure 5.5a-b). Les distributions d’âges prédites pour ces deux modèles reflètent assez bien le pic d’âge observé à ~15-20 Ma, bien qu’elles surestiment toutes la magnitude de ce dernier (Figure 5.5c). La queue de distribution, observée jusqu’à des âges de ~300 Ma, est également bien prédite par les histoires thermiques modélisées. L’échantillon suivant (n°4), situé plus bas dans la vallée (Figure 5.5B), suggère un séjour prolongé dans la zone de cicatrisation partielle (ZCP), avec les apatites les plus froides (i.e. les plus vieilles) résidantes à la limite de la ZCP, avant un refroidissement généralisé autour de 35-30 Ma (Figure 5.5d). Cependant, la distribution d’âge prédite pour l’histoire thermique moyenne ne correspond pas à la distribution observée (Figure 5.5f). En effet, elle prédit un pic d’âge autour de 200 Ma, or que la distribution observée montre deux pics d’âges à ~27 Ma et ~58 Ma. La distribution moyenne d’âges prédits (i.e. distribution moyennée sur l’ensemble des itérations post-burn-in dans la procédure McMC), s’y rapproche en revanche, en montrant un pic d’âge à ~68 Ma. Le modèle maximisant la prédiction avec les données observées (maximum de vraisemblance) montre un pic d’âge à ~47 Ma et surestime la queue de distribution pour les âges >100 Ma (Figure 5.5f). Ce modèle montre une histoire thermique avec un long séjour des apatites dans la ZCP (>140 Ma) avec un refroidissement brutal au dernier Ma (Figure 5.5e). Ce refroidissement instantané se produit car une contrainte est imposée pour que l’histoire thermique se termine à une température de 7±7°C correspondant à la température de surface, et est donc extrêmement improbable d’être réel. Dans cet échantillon (n°4), la dispersion des âges est grande, et pour expliquer cette dispersion un séjour prolongé dans la ZCP est requis. De plus, la distribution d’âge observée n’est contrainte que par 13 apatites ce qui n’est pas significatif au sens statistique (Vermeesch, 2004) pour représenter la distribution réelle des âges dans le bassin de drainage. Ainsi, je considère les

résultats d’inversion avec précaution. L’inversion des données pour l’échantillon le plus en aval dans la vallée de l’Awatere (n° 8 ; Figure 5.2B), montre des histoires thermiques simples avec un refroidissement à travers la ZCP autour de 60-25 Ma, pour le modèle moyen et celui maximisant la probabilité a postériori (Figure 5.5g-h). Cependant, les distributions d’âges prédites montrent un seul pic d’âges autour de 60 Ma, manquant ainsi le pic d’âge observé à ~15-20 Ma (Figure 5.5i). De plus, la queue de distribution observée diminue graduellement de 15-20 Ma à 300 Ma, et les distributions prédites manquent les âges les plus vieux. Ces faibles prédictions sont expliquées par la faible exploration de l’espace des paramètres lors de la modélisation des histoires thermiques illustrée par les taux d’acceptance très bas pour la perturbation des paramètres en fin de simulation (Annexe 5.3, Tableau

Figure 5.5. Histoires thermiques détritiques modélisées et distributions d’âges AFT prédites via le logiciel QTQt (Gallagher,

2012), pour les trois échantillons collectés dans la rivière Awatere. Les échantillons sont présentés de l’amont vers l’aval (voir figure 5.2B). Les modèles thermiques moyens sont présentés pour chaque échantillon (a, d, g), avec soit le modèle qui maximise la probabilité a postériori (b, h), soit la probabilité de vraisemblance (e). Le choix des modèles est présenté en annexe 5.3. Enfin, les distributions d'âges prédites par les modèles thermiques sont également montrées pour chaque échantillon (c, f, i). Dans les histoires thermiques, les courbes bleues montrent l’histoire thermique de l’âge le plus vieux (i.e. le plus froid) et les courbes rouges, celle de l’âge le plus jeune (i.e. le plus chaud). Les courbes grises représentant les histoires thermiques des échantillons intermédiaires, définies par interpolation linéaire et suivant le gradient géothermique (autorisé à varier avec le temps). Les courbes en bleue et rouge (a, d, g) sont les intervalles de crédibilité à 95%, et la zone de cicatrisation partielle (ZCP) est délimitée par les traits noirs en pointillés.

A5-1). Ainsi, les histoires thermiques de l’échantillon n°8 ne reproduisent pas la distribution observée, et une exploration plus poussée des paramètres initiaux (e.g. influence du gradient géothermique) pour l’exploration de l’espace des paramètres est requise.

Les histoires thermiques de l’échantillon n°1, situé en amont dans la vallée de l’Awatere, prédisent le mieux les données et montrent un refroidissement autour de 20 Ma. Je poursuis l’analyse des résultats d’inversion en me focalisant maintenant sur les échantillons récoltés dans les bassins tributaires situés plus en aval (échantillons n°2, 5, 6, et 7).

L’échantillon n°2 a été collecté à l’exutoire d’un bassin de drainage situé proche de l’échantillon n°1 dans la partie amont de la vallée (Figure 5.2B), d’environ 15 km² de surface. Les histoires thermiques du modèle moyen montrent un séjour prolongé des apatites (>100 Ma) dans la ZCP, avec les plus froides (i.e. les plus vieilles) à la limite de la ZCP voire très au-dessus (< 60°C), suivie d’un réchauffement d’environ 20°C de 60 à 40 Ma, puis d’un refroidissement constant jusqu’en surface depuis ~40-20 Ma (Figure 5.6a). Cependant, la distribution d’âge prédite reproduit mal les âges observés en manquant le pic d’âges jeunes à ~25 Ma, et prédisant un pic d’âge à ~100 Ma, surestimant ainsi la queue de distribution (les âges vieux ; Figure 5.6c). Une meilleure prédiction est obtenue par le modèle présentant le maximum de probabilité à postériori, où l’ensemble des apatites séjourne dans la ZCP de >150 à 20 Ma, puis refroidissent jusqu’en surface à travers la ZCP à ~20 Ma (Figure 5.6b). La distribution moyenne d’âges prédits est également proche des données observées (Figure 5.6c), suggérant ainsi que l’histoire thermique se trouve dans l’intervalle de crédibilité, montrant un refroidissement pour l’âge le plus vieux entre 30 et 20 Ma, et entre 30 et 10 Ma pour l’âge le plus jeune (Figure 5.6a).

L’échantillon n°5 est situé dans la partie centrale de la vallée et draine un bassin d’environ 10 km² en amont du complexe igné du Mont Tapuenuku (Figure 5.2B). Les histoires thermiques moyennes sont relativement similaires à l’échantillon précédent montrant un séjour prolongé dans la ZCP, avec les apatites les plus froides restant en marge de la ZCP (<60°C) pour au moins 140 Ma. Cependant, le timing de refroidissement est plus récent et autour de 20-10 Ma (Figure 5.6d). La distribution d’âges prédite pour cette histoire thermique représente cependant mal les données observées en montrant un pic d’âge autour de 100±25 Ma, manquant ainsi les âges jeunes <50 Ma observés (Figure 5.6f). Toutefois, la distribution moyenne des âges prédits se rapproche des données observées avec un pic d’âge à ~34 Ma, suggérant un refroidissement des apatites compris dans l’intervalle de crédibilité, entre 20 et 5 Ma. Le modèle montrant le minimum d’écart aux données observées (i.e. maximum de vraisemblance), montre une histoire thermique plus complexe où une histoire plus ancienne de refroidissement entre 120 Ma et 45 Ma, suivi d’un réchauffement à travers la ZCP entre 45 Ma et 20 Ma, est suggérée. Cependant le dernier refroidissement est toujours contraint à ~20 Ma.

L’échantillon n°6 est collecté à l’exutoire du bassin de drainage du complexe igné du mont Tapuaenuku (CIT ; Figure 5.2B), d’aire de ~70 km². Les histoires thermiques moyennes suggèrent un

séjour prolongé des apatites dans la ZCP entre >150 et ~18 Ma, puis un refroidissement jusqu’en surface depuis 18-10 Ma (Figure 5.6g). La distribution d’âge prédite représente bien le pic d’âge observé à ~10 Ma, en revanche elle sous-estime le pic à ~90 Ma et surestime celui à ~168 Ma et ~444 Ma (Figure 5.6i). La distribution d’âge prédite par le modèle maximisant la probabilité a postériori, réduit cet écart et suggère également un refroidissement récent autour de 10 Ma (Figure 5.6h). La distribution moyenne des âges prédits représente au mieux les données (Figure 5.6i), suggérant un refroidissement situé entre 24 Ma et 5 Ma suivant les intervalles de crédibilité (Figure 5.6g).

Figure 5.6. Histoires thermiques détritiques modélisées et distributions d’âges AFT prédites via le logiciel QTQt (Gallagher,

2012), pour les quatre échantillons collectés dans les bassins tributaires à la rivière Awatere (voir figure 5.2B). Les échantillons sont présentés de l’amont vers l’aval. La signification des courbes est similaire à la figure précédente.

Enfin, l’échantillon n°7, collecté à l’exutoire d’un bassin tributaire situé en aval du mont Tapuaenuku (~20 km²), montre des histoires thermiques moyennes relativement similaires, avec un séjour prolongé des apatites dans la ZCP, suivi d’un refroidissement ici à ~11 Ma pour les apatites les plus chaudes (i.e. les plus jeunes), mais un refroidissement plus ancien pour les apatites les plus froides (i.e. les plus vieilles) situé entre >150 Ma et 120 Ma (Figure 5.6j). La distribution d’âges observée est contrainte par 31 apatites, où un pic d’âge est observé à ~10 Ma, avec une composante plus faible à ~100 Ma, et deux âges vieux sont observés à ~238 Ma et ~272 Ma. Les distributions d’âges prédites représentent assez bien celle observée, bien que le pic d’âge à ~10 Ma soit légèrement surestimé pour chacune des prédictions (Figure 5.6l). Le modèle thermique maximisant la probabilité a postériori, suggère un refroidissement à travers la ZCP autour de 10 Ma, avec un refroidissement des échantillons les plus vieux > 150 Ma (Figure 5.6k). Ce refroidissement ancien est nécessaire pour expliquer les âges vieux observés (~238 Ma et ~272 Ma), menant ainsi à un écart de température entre l’apatite la plus froide et la plus chaude d’environ 80°C pour une grande part de l’histoire thermique.

Les histoires thermiques modélisées dans la vallée de l’Awatere montrent en majeure partie, qu’un séjour prolongé des apatites dans la zone de cicatrisation partielle (120°C-60°C) pour l’histoire mésozoïque (350-65 Ma) est requis pour prédire au mieux les distributions d’âges détritiques observées. Bien que la modélisation de certaines histoires thermiques soit à revoir (échantillons n°8), l’ensemble des modèles thermiques suggèrent un épisode de refroidissement compris entre ~40 et ~10 Ma, avec une préférence autour de 20-10 Ma (échantillons n°1, 5, 6 et 7).