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III. Impact des TIC sur la performance des entreprises

5. Le rôle des facteurs complémentaires

Malgré le nombre d’études et de preuves empiriques présentées sur l'impact des TIC sur la performance ces dernières années, l'importance relative des différents canaux par lesquels les TIC influent sur la productivité laisse encore plusieurs questions à débattre notamment sur l’importance du rôle joué par les facteurs complémentaires dans l’explication des contributions des TIC dans la performance.

Dans l'ensemble, la littérature sur la performance et l'investissement dans les TIC nous permet de conclure quelques faits essentiels. Tout d'abord, la plupart des études montrent un impact positif, important et significatif des investissements dans les TIC sur la performance. Cependant, il est important de mentionner que cette littérature se réfère dans la plupart des cas à des moyennes et grandes entreprises.

Deuxièmement, la littérature comprend également d'autres facteurs qui peuvent amplifier l'impact des investissements en TIC ou qui peuvent être complémentaires. En effet, les études empiriques montrent que, bien qu'il soit possible d'envisager un impact positif de l'investissement en TIC, cet impact est lié aux complémentarités avec le capital humain, les changements organisationnels et les innovations.

Certains auteurs ont souligné que pour avoir un impact sur la performance des entreprises, les investissements dans les TIC doivent être combinés avec des investissements complémentaires dans les pratiques de travail, le capital humain et la restructuration des entreprises (Van Reenen et al., 2010 ; Bloom et al., 2007, 2009 ; Crespi et al., 2007 ; Black et Lynch, 2004, 2001 ; Brynjolfsson et Hitt, 2003, 2000 ; Greenwood et Jovanovic, 1998). Crespi et al., (2007) ont montré l’existence d'une interaction entre les changements organisationnels et les TIC dans leurs effets sur la productivité. Les changements organisationnels sont spécifiques à chaque entreprise. L'impact des investissements en TIC sur la productivité sont très variables d’une entreprise à une autre. En d'autres termes, certaines entreprises vont être beaucoup plus performantes que d’autres (Pilat, 2005). Brynjolfsson et Hitt (2003) ont démontré que le rendement de l'investissement dans les TIC ne se produit pas immédiatement, mais avec un décalage de temps important. Dans le même esprit, Hempell (2002) a affirmé que les entreprises ayant une expérience innovante sont particulièrement bien préparées à faire un usage productif des TIC en introduisant des innovations complémentaires appropriées. Bertschek et Kaiser (2004) ont montré que les TIC ont des effets indirects sur la productivité en permettant la réorganisation du travail et le changement organisationnel, en insistant sur de fortes complémentarités entre ces investissements. Askenazy (2000) a montré l’existence d’un impact négatif des TIC sur les performances des entreprises lorsqu’il n’y a pas de changement organisationnel qui accompagne l’adoption des TIC.

Brynjolfsson et Hitt (1995) ont estimé que ces effets-entreprises peuvent représenter jusqu'à la moitié des gains de productivité attribuables à l'investissement en TIC, mais l'élasticité des TIC demeure positive et significative, même après la prise en compte de ces effets. Deux facteurs se détachent pour expliquer ces effets. Premièrement, il y a les caractéristiques de

l'entreprise telles que sa position sur le marché, la rigidité des structures de coûts (par exemple, les contrats de travail) et les capacités de leadership des dirigeants, qui ont une incidence sur les options stratégiques de l'entreprise et donc sa capacité à tirer profit de l'investissement en TIC. Deuxièmement, d’autres caractéristiques spécifiques de la structure organisationnelle, la stratégie et les pratiques de gestion peuvent intervenir. La gestion d'une entreprise par la restructuration, les nouveaux systèmes de contrôle de gestion, la refonte des processus, ou par la formation des employés, peut influer directement sur ces caractéristiques. En outre le lien entre l’investissement dans les TIC et la performance au niveau de l’entreprise, est plutôt indirect et les effets positifs sont subordonnés à des investissements supplémentaires dans le capital humain et le changement organisationnel. Les utilisateurs les plus avancés des TIC sont plus susceptibles d'éprouver des gains de productivité. Ces résultats suggèrent que l'utilisation intense des TIC combinée à des investissements organisationnels complémentaires soit positivement liée à la croissance de la performance de l'entreprise.

SECTION 4

LES TIC, LE CAPITAL HUMAIN ET LES

CHANGEMENTS ORGANISATIONNELS

Plusieurs facteurs complémentaires influent sur les retombées des investissements dans les TIC :

- Au niveau des entreprises : l'organisation et les pratiques managériales (Van Reenen et al., 2010 ; Bloom et Van Reenen, 2010 ; Bloom et al., 2007, 2009 ; Crespi et al., 2007 ; Black et Lynch, 2004, 2001 ; Brynjolfsson et Hitt, 2003 ; Brynjolfsson 1996 ; Bresnahan et al., 2002 ; Brynjolfsson et al., 2000),

- au niveau de l'industrie : l'organisation industrielle (Melville 2001) et

- au niveau macroéconomique : la structure économique, la politique du gouvernement, et l'investissement dans le capital humain (Tan et al., 2009 ; Haller et al., 2007 ; Arvanitis, 2005 ; Dewan et Kraemer, 2000).

Depuis l’évocation du paradoxe de Solow (1987) à la fin des années 80, plusieurs études ont été effectuées tant au niveau sectoriel qu’au niveau de l’entreprise. Ces études ont permis la compréhension du rapport existant entre TIC et performance. Une des explications avancée par plusieurs études au « paradoxe de la productivité » de Solow est que les TIC n’ont pas été accompagnées par un changement adapté au niveau de la gestion des connaissances, des ressources humaines et des relations avec les fournisseurs et les clients (OCDE, 2002; Sharpe, 1999).

L’adoption des TIC dans l’entreprise peut s’accompagner de changements au niveau des procédés de production, au niveau de l’organisation de l’entreprise et de son capital humain. Ces changements sont connus dans la littérature sous l’appellation changements organisationnels.

Les TIC sont les technologies de pointe qui procurent la meilleure performance à l’entreprise. Cette performance dépend d’une stratégie réussie d’adoption de ces TIC au sein de l’entreprise. Cette stratégie repose sur un facteur essentiel, à savoir le capital humain, et sa réussite est liée à une gestion optimale des ressources humaines et une mise en valeur des compétences au sein de l’entreprise. Aussi, la mise en place de ces nouvelles technologies doit s’accompagner de nouvelles pratiques en matière de contrôle de la qualité des produits et

des procédés de fabrication. Les entreprises qui combinent les TIC et les changements organisationnels ont une meilleure performance et sont généralement plus innovantes. Les entreprises avec les niveaux de TIC les plus élevés et le capital humain le plus qualifié ont une meilleure performance. Les premières études sur les entreprises américaines et canadiennes ont montré que les investissements dans les TIC lorsqu’ils sont accompagnés de facteurs complémentaires et de changements organisationnels et d’investissements en capital humain ont des effets positifs et significatifs sur la performance des entreprises (Van Reenen et al., 2010 ; Bloom et al., 2007, 2009 ; Crespi et al., 2007 ; Black et Lynch, 2004, 2001; Brynjolfsson et Hitt, 2000 ; Bresnahan et al., 2002 ; Baldwin et Sabourin, 2002 ; Baldwin et al., 2003). Depuis, plusieurs études ont révélé que les avantages de l'investissement dans les TIC varient considérablement entre les entreprises en fonction dans une large mesure de la présence de nouvelles pratiques organisationnelles, du capital humain et des compétences (Van Reenen et al., 2010 ; Arvanitis et Loukis, 2009 ; OCDE, 2004, 2003; Melville et al., 2004).

Dans cette thèse nous soutenons que l’examen approprié de l’impact des TIC, des changements organisationnels et du capital humain sur la performance des PME dans l'industrie manufacturière tunisienne doit être fait dans le cadre théorique du changement technologique et du développement des connaissances et des compétences. Dans un premier temps nous définissons les différentes approches et concepts du capital humain, des compétences et de l’apprentissage ainsi que les changements organisationnels avant d’aborder leur complémentarité et leur impact conjoint avec les TIC sur la performance des entreprises.