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III. Les TIC, le capital humain, les changements organisationnels et la performance des

3. Impact des TIC, du capital humain et des changements organisationnels sur la

3.2 Impact des TIC et des changements organisationnels sur la performance

La majorité des différentes études réalisées a montré la complémentarité entre les TIC et les changements organisationnels. Les incidences des TIC sur la performance des entreprises dépendent et varient du niveau d’implication dans les nouvelles pratiques organisationnelles. Malgré le fait que les TIC contribuent directement à la performance des entreprises, leur impact peut être renforcé par l'existence de facteurs complémentaires : ces facteurs sont le capital humain, l'innovation et le changement organisationnel. Brynjolfsson et Hitt (2003) ont examiné les implications de ces complémentarités et ont conclu qu’un temps plus long peut être nécessaire afin d’observer un impact positif des TIC sur la productivité.

Les premières études empiriques pionnières ont montré que les TIC permettaient des gains de productivité plus grands lorsque les entreprises passaient d’une structure centralisée à une structure plus décentralisée (Black et Lynch, 1997, 2001 ; Bresnahan et al., 2002 ; Askenazy et Gianella, 2000 ; Brynjolfsson et Hitt, 2000, 2004). Les TIC permettent à l’entreprise d’avoir une plus grande flexibilité organisationnelle et une délégation des prises de décision plus facile (Aghion et Tirole, 1997, Brynjolfsson et Hitt, 2000). L’implication et la participation des employés est particulièrement importante ainsi que la proportion de travailleurs impliqués dans la prise de décision régulière dans une entreprise. Pour Brynjolfsson et Hitt (1997), les entreprises qui adoptent les TIC et qui procèdent à une décentralisation organisationnelle sont plus productives que celles qui n’adoptent que l’une de ces mesures.

Brynjolfsson et Hitt (2004) ont suggéré que la contribution des TIC à la productivité est significative si ces TIC s’intègrent dans un système de changement technologique et organisationnel au sein de l’entreprise, autrement dit, l’achat de TIC n’explique pas à lui seul l’amélioration de la performance de l’entreprise. Pour Brynjolfsson et al., (2000), la valeur marchande d’un USD de capital des TIC est plus élevée de 2 à 5 USD dans les entreprises décentralisées que dans les entreprises centralisées. Pour Black et Lynch (2001), les nouvelles pratiques de GRH telles que la décentralisation de la décision et l’intéressement aux bénéfices associés à l’adoption des TIC a engendré un accroissement de la productivité. Brynjolfsson et Hitt (2000) et Bresnahan et al., (2002) ont montré que les entreprises avec un ensemble ou

une grappe de pratiques organisationnelles (le capital organisationnel), y compris la prise de décision décentralisée ainsi que des niveaux élevés d'investissements en TIC, enregistrent les meilleures performances. Les entreprises avec des organisations traditionnelles centralisées et des investissements en TIC ont une performance moins élevée que celles qui investissent moins dans les TIC.

Tallon et al., (2000) ont constaté qu’intégrer l’adoption des TIC dans la stratégie globale de l’entreprise permet d’augmenter les gains des investissements en TIC. En outre, les entreprises avec les niveaux les plus élevés de TIC sont les plus performantes. Ramirez et al., (2001) ont constaté que les entreprises qui ont davantage investi dans les TIC et la mise en œuvre des pratiques organisationnelles telles que la participation des employés et la certification ont une meilleure performance. En Allemagne, Falk (2001) a observé que les TIC associées à la formation, à l’introduction de la certification dans une politique de gestion de la qualité et à la décentralisation de la prise de décision contribuent à une meilleure performance de l’entreprise. Black et Lynch (1997) ont étudié l'impact des TIC, des pratiques de travail et du développement du capital humain sur la productivité. Elles ont constaté que ce qui a affecté la productivité a été moins la présence ou l'absence d'une pratique de gestion particulière, tels que la gestion de la qualité totale, que la manière dont la pratique a été mise en œuvre.

Plus récemment, Calza et Rovira (2011) ont analysé comment et dans quelle mesure les TIC peuvent affecter la productivité des entreprises dans le secteur manufacturier en Argentine. Ils ont analysé le rôle du capital humain et les changements organisationnels qui peuvent renforcer l'impact des TIC sur la productivité des entreprises. Leur analyse empirique confirme l'existence d'une relation positive entre les TIC et la productivité des entreprises manufacturières argentines. En outre, les résultats semblent appuyer l'hypothèse de complémentarité entre les TIC, le capital humain et le changement organisationnel. Koski (2010) a analysé l’impact des TIC, des innovations organisationnelles et des pratiques de GRH sur la performance de 398 entreprises manufacturières finlandaises mesurée par la croissance du chiffre d’affaires et le taux de rentabilité. Il a montré que les TIC utilisées seules ne sont pas fortement liées aux mesures de performance. Il a aussi observé que des mesures de GRH telles que l’incitation par des primes et des salaires basés sur la performance contribuent positivement à la rentabilité. De même, il a prouvé la contribution des changements organisationnels sur la croissance de l’entreprise mais pas sur sa rentabilité. Giuri et al., (2008) ont étudié la relation entre l'adoption des TIC, le capital humain, les changements organisationnels et la productivité en Italie pour la période 1995-2003. Ils ont

montré une relation positive entre les TIC et la productivité mais des relations négatives dans les interactions des TIC, du capital humain et du changement organisationnel. En tenant compte des effets dynamiques, ils ont trouvé que seule l'interaction entre les TIC et le capital humain est positivement associée à la productivité. L'interaction entre les TIC, le capital humain et le changement organisationnel est associé négativement à la productivité.

Arvanitis (2005) a analysé la relation entre les TIC, la productivité et le changement organisationnel (pourcentage du travail en équipe, la rotation des employés et la rémunération à la performance). Il a montré que les TIC accompagnées du changement organisationnel sont significatives et positivement associée à la productivité. Dorgan et Dowdy (2004) ont menée une étude au cours de 1994-2002 dans 100 entreprises manufacturières situées au Royaume- Uni, aux Etats-Unis, en France et en Allemagne. Ils ont montré que l'utilisation des TIC accompagnée de nouvelles pratiques organisationnelles peut permettre une augmentation de jusqu'à 20% de la productivité des entreprises.

DEUXIEME PARTIE

METHODOLOGIE GENERALE

Pour les besoins de notre recherche relative à l’influence des différents facteurs facilitant l’adoption des TIC, et en suivant la méthodologie de Lal (1995, 1999), nous en avons élaboré une typologie. Celle-ci nous permet de classer les entreprises de l’échantillon en 4 catégories en fonction de l’intensité de l’utilisation des TIC : aucune utilisation, SIG, systèmes CIM (FAO/CAO) et système SFP.

Le système intégré de gestion SIG (Integrated Management Information System IMIS) ou encore système de pilotage, est régulièrement utilisé pour l’acheminement de l’information au sein de l’organisation (Loilier et Tellier, 2001). Il repose sur la mise en place d’un tableau de bord structuré autour d'indicateurs permettant de suivre en permanence les principaux résultats des divers secteurs d'activité de la firme (fonction commerciale, production, finance, ressources humaines, etc.) par rapport aux prévisions, objectifs et budgets. Il aide aussi à la prise de décision, tant au niveau stratégique qu'au niveau opérationnel courant.

Le CIM (Computer Integrated Manufacturing) ou production automatisée par ordinateur, se caractérise par l'automatisation complète des processus de fabrication sous le contrôle permanent des ordinateurs, automates programmables et autres systèmes numériques. Le CIM intègre notamment les équipements de Conception et de Fabrication assistées par ordinateur (CAO et FAO ou CAD/CAM, Computer-aided Design/Computer-aided Manufacturing) (Roussel, 2005). La conception assistée par ordinateur (CAO) comprend l'ensemble des logiciels et des techniques de modélisation permettant de concevoir, de tester virtuellement (à l'aide d'un ordinateur et des techniques de simulation numérique) et de réaliser des produits manufacturés ainsi que les outils pour les fabriquer.

Quant au système flexible de production SFP (Flexible Manufacturing System FMS), il se base généralement sur une robotisation très avancée et des machines-outils à commande numérique. Ce système permet une réaction rapide en cas de changements attendus ou inattendus dans le processus de production.

Présentation de l’échantillon :

Les données utilisées ont été recueillies au cours d’une enquête sur « l’innovation technologique, la compétitivité et le capital humain » menée en 2009 sur la population des entreprises manufacturières tunisiennes du secteur des IEEE (Industries Electriques,

Electroniques et de l’Electroménager) implantées sur tout le territoire (principalement le Grand Tunis, Bizerte, Sousse et Nabeul). En 2009, le secteur des IEEE tunisien comptait 351 entreprises de plus de 10 salariés22.

Un questionnaire a été administré à soixante-dix entreprises de moins de 100 salariés du secteur des IEEE implantées à Tunis, Sousse, Nabeul et Bizerte et concernées par cette enquête. Nous avons collecté des informations sur l’utilisation des TIC auprès de 50 entreprises soit un taux de réponse de 71 %. Sept entreprises étaient totalement exportatrices.

En fonction du niveau d’utilisation des TIC, notre échantillon se présente ainsi : - 20 entreprises qui n’ont aucune utilisation de TIC Non (0) : Pas de TIC) soit 40 % - 18 entreprises avec un niveau bas (1) : SIG (système intégré de gestion IMIS) soit 36 % - 8 entreprises avec un niveau moyen (2) : SIG et CIM (CAO/FAO) soit 16 %

- 4 entreprise avec le niveau haut (3) : SIG, CIM (CAO/FAO) et SFP (FMS) soit 8 %

Afin de mesurer la variable dépendante UTIC (utilisation de TIC) nous avons classé les entreprises de notre échantillon selon l’intensité d’utilisation des TIC en 4 niveaux :

-- Non (0) : les entreprises de l’échantillon ne recourent pas aux TIC -- Bas (1) : les entreprises de l’échantillon n’utilisent que les SIG

-- Moyen (2) : les entreprises de l’échantillon utilisent les SIG et les systèmes de CIM (CAO/FAO)

-- Haut (3) : les entreprises de l’échantillon utilisent les SIG, les systèmes de CIM (CAO/FAO) et les solutions SFP (FMS).

Concernant la certification nous avons identifié les normes de certification suivantes dans les entreprises de notre échantillon23 : La famille des normes ISO 9000, relatives aux systèmes de gestion de la qualité, définies par l'organisme international de standardisation (ISO

International Organisation for Standardization) :

- La norme ISO 9000 : Systèmes de management de la qualité (Principes essentiels et vocabulaire). Elle décrit les principes d'un système de management de la qualité et en définit la terminologie.

22

Source : Agence de Promotion de l’Industrie (2009)

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- La norme ISO 9001 : Systèmes de management de la qualité (Exigences pour la conception, le développement, la production, l'installation et le service après-vente). - La norme ISO 9002 : Systèmes de management de la qualité (Exigences pour la

production, l'installation et le soutien après-vente).

- La norme ISO 9003 : Systèmes de management de la qualité (Exigences pour les procédures de contrôle qualité contrôle final + essais).

Les trois normes précédentes ont été créées à la demande des industriels, sous-traitants de grands donneurs d'ordres, qui souhaitaient une reconnaissance officielle de leur système de gestion de la qualité sans devoir être audités individuellement par chaque client.

- La norme ISO 14001 : la plus utilisée des normes de la série des normes ISO 14000 qui concernent le management environnemental.

- Et enfin la norme ISO/TS 16949 qui est la norme concernant la démarche qualité dans l'industrie automobile. L'ISO/TS 16949, conjointement avec l'ISO 9001, définit les exigences en matière de système de management de la qualité pour la conception, le développement, la production et, le cas échéant, l'utilisation, et les prestations de service associées aux produits du secteur automobile.

SECTION 1

LES DETERMINANTS D’ADOPTION DES TIC PAR

LES PME TUNISIENNES

La révolution numérique est d’ores et déjà une réalité dans les pays avancés et les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) et commence à se diffuser dans les autres pays émergents ouvrant des perspectives de croissance nouvelles entraînant de profondes mutations organisationnelles et managériales (Black et Lynch, 2001, 2004 ; Koivunen et al., 2008 ; Meinert, 2005 ; Katrak, 1997 ; Caroli et Van Reenen, 2001). Il convient dès lors de s’interroger sur les déterminants de l’adoption des nouvelles TIC et sur le rôle central que jouerait le capital humain dans le processus de numérisation des entreprises issues des pays émergents.

L’objet de cette section est précisément d’apporter un éclairage empirique à cette interrogation. Pour ce faire, après avoir identifié dans la première partie de notre thèse, au moyen d’une revue de la littérature, les principaux déterminants de l’adoption des nouvelles TIC, nous formulons huit propositions que nous testons sur la base d’un échantillon de 50 PME tunisiennes de moins de 100 salariés du secteur des IEEE (Industries électriques, électroniques et de l’électroménager) en utilisant la méthode économétrique du Probit Ordonné (Ordered Probit Method) (Aitcheson et silvey, 1957, Terza, 1985 ; Cheung, 1996 ; Tsay, 2005).

Notre modèle est construit afin de tester la robustesse de la relation statistique entre une variable dépendante multinomiale, mesurant l’intensité d’utilisation des TIC et huit variables indépendantes (trois variables qualitatives d’opinion, une variable qualitative ordonale et quatre variables quantitatives). Il a notamment pour objectif de déterminer si le capital humain est un déterminant essentiel de l’adoption et de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC).

L’originalité de cette modélisation est double : d’une part nous nous appuyons sur une enquête récente (2009) fondée sur un échantillon d’entreprises tunisiennes alors que la plupart des recherches portant sur les TIC traitent des entreprises des pays avancés ; d’autre part nous recourons à la méthode économétrique du Probit Ordonné permettant de traiter des variables qualitatives multinomiales (prenant plusieurs modalités).

Nous montrons que le capital humain des salariés et des dirigeants sont des variables explicatives significatives de l’intensité d’adoption des TIC.