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Rôle  de  l’adresse  de  la  liaison  dans  l’input

CHAPITRE  4.   Variation  et  développement

6.   Rôle  de  l’adresse  de  la  liaison  dans  l’input

Mon souhait était ici de savoir s’il existe des différences dans l’input parental (discours adressé à l’enfant versus adressé à l’adulte ou à tous) concernant la production de la liaison. Les données qui vont suivre ont été présentées aux journées du Réseau Français de Phonologie (Liégeois et al, 2010). Elles concernent l’input parental de Prune et de Salomé et sont extraites du corpus « Phonlex ».

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6.1.

Distribution générale en fonction des contextes

Les données sont classées selon l’adresse des parents. Comme nous l’avons précisé, dans le corpus sont codés l’adresse à tous (AT), l’adresse à l’enfant (AE) et l’adresse à l’adulte (AA). Cette dernière a lieu quand par exemple le père s’adresse à la mère.

 

Figure 23 : distribution des contextes de liaison issus des productions parentales en fonction de l’adresse du discours

Ces données traduisent une répartition des adresses équivalentes chez les parents de Prune et de Salomé. Par ailleurs, les liaisons sont majoritairement adressées à l’enfant.

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Figure 24 : Distribution des contextes syntaxiques de liaison issus des productions parentales en fonction de l’adresse du discours (Prune)

Figure 25 : Distribution des contextes syntaxiques de liaison issus des productions parentales en fonction de l’adresse du discours (Salomé)

 

Qu’il s’agisse de Prune ou Salomé, la distribution des contextes dans les énoncés adressés à l’adulte et à l’enfant est très similaire. Les parents ne modifient pas leur type de liaison en fonction de l’interlocuteur.

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6.2.

Discours parental et liaisons facultatives

Nous résumons les résultats issus des réalisations de LF en fonction de l’interlocuteur

Figure 26 : taux de réalisation des liaisons variables en fonction de l’interlocuteur

Les parents réalisent davantage la LF lorsqu’ils s’adressent aux enfants. Ces données sont issues de l’ensemble des liaisons produites, il nous faudrait aussi regarder si cette tendance est liée plus particulièrement à certains contextes ou si elle se vérifie sur l’ensemble des contextes. L’analyse s’est restreinte à la production de LF à partir des mots1 après lesquels la liaison variable est réalisée au moins une fois.

Figure 27 : taux de réalisation des liaisons variables en fonction de l’adresse du discours selon mot 1

La différence est encore plus significative dans ce cas-là et démontre la volonté des parents de produire un discours plus tourné vers la norme orale. Nos données sur la LF révèlent une sensibilité au DAE.

186 Les liaisons variables réalisées par les fillettes (99,1%) sont des liaisons variables réalisées en DAE. Par ailleurs, dans 60% des cas, les liaisons variables réalisées par les fillettes sont des liaisons variables exclusivement ou davantage réalisées en DAE.

6.3.

Discours parental et liaisons obligatoires

Afin d’observer d’éventuels différences de production sur les LO en DAE et DAA, nous avons focalisé notre attention sur la diversité des constructions « mots 1 + X» dans les deux types de discours. En clair, nous voulions savoir si les parents produisent davantage de collocations identiques (mot1 –mot2) lorsqu’ils s’adressent à leur enfant où s’ils offrent des collocations variées. Pour mémoire, la distribution des contextes de LO chez les parents indique une grande variété après lesquels une LO est réalisée.

Cependant, seulement 6 (parents de Prune) et 3 (parents de Salomé) Mots1 représentent plus de 60% des contextes de liaison catégorique. Pour rendre compte de ces tendances, nous avons décrit la distribution cumulative des mots 1. Dans les figures ci-dessous, chaque carré représente un mot 1.

Par exemple, pour le carré le plus bas un mot 1 représente 20% environ, donc chez Salomé, les 3 mots 1 les plus fréquents représentent 60% des cas de liaison obligatoires et les 100% représentent la totalité des mots 1.

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Figure 29 : distribution des mots 1 en contexte de liaison obligatoire dans les productions parentales pour Salomé

A partir de cette distribution, nous nous sommes intéressés aux mots 1 présents au moins 20 fois dans le corpus. Nous avons calculé la fréquence des collocations Mot1-Mot2 sur la base du rapport Mot1/Mot2 qui est un indice de la variation des collocations.

Ce type de calcul a déjà été utilisé pour la liaison dans le cadre d’une autre étude (Chevrot et al, 2007 : 114). Nous en avions donné la définition suivante : « Ce rapport estime le nombre moyen de séquences mot1-mot2 dans lesquelles apparaît chaque mot1 en contexte de liaison ».

Par exemple, puisque le clitique « elles » comptabilise 8 occurrences précédant quatre mots2, chacun des contextes lexicaux de liaison mot1-mot2 où le clitique est inclus apparaît en moyenne deux fois. Plus ce rapport est grand et plus un mot1 apparaît dans des contextes mot1-mot2 fréquents ». Autrement dit, si nous trouvons dans un corpus : « un ours », « un éléphant », « un

âne » et « un ours » nous obtenons 4 occurrences de Mot1 pour 3 Mots2 différents, soit un

rapport de 4/3 = 1,33.

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Figure 31 : Rapports Mot1/Mot2 en fonction de l’adresse du discours parental pour Salomé

Les rapports Mot1/Mot2 sont généralement plus élevés en DAE. Il y a donc moins de diversité lexicale après Mot1 en DAE, ce qui signifie que les parents adressent plus souvent des mêmes contextes de liaison obligatoires lorsqu’ils s’adressent à leurs enfants.

6.4.

Evolution du discours parental suivant l’adresse pour les LO

Les contextes de liaison catégorique davantage « figés » en DAE le sont-ils plus ou moins dans le temps ? Nous avons observé à huit mois d’intervalle les mots1 présents au moins dix fois au C1 et au C2, en DAA comme en DAE. Pour Salomé, seulement 2 mots1 étaient dans ce cas, nous avons donc focalisé notre attention sur Prune.

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Figure 33 : Rapports Mot1/Mot2 dans le discours adressé à l’adulte

On note une diminution du rapport Mot1/Mot2 en DAE. Les parents produisent une plus grande variété de Mots2 à leur fillette en C2, ils évoluent donc vers une plus grande diversité lexicale l’âge des enfants avançant. En DAA, aucune différence majeure n’est observée entre C1 et C2.

6.4.1. Impact  du  discours  parental  sur  les  productions  de  LO  chez  Prune  

Nous avons observé si Prune a des rapports mots1/mots 2 plus élevés. Si ce n’est pas le cas, cela pourrait indiquer que le discours parental adressé à elle joue un rôle dans l’acquisition de la LO.

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Figure 35 : rapports mots1/mots 2 dans le discours de Prune

La figure 34 reprend les données de la figure 30. Elle atteste de l’effort des parents à produire davantage de mot2 différents au T2, comme s’ils voulaient s’adapter au progrès de leur enfant. ce changement chez les parents a une répercussion directe chez les enfants car ces rapports diminuent également dans le discours de la fillette et se rapprochent de ceux en DAE des parents.

6.5.

Effets de l’adresse sur l’acquisition de la liaison

La liaison variable est davantage réalisée en discours adressé à l’enfant qu’en discours adressé à l’adulte. Il y a donc un effort de la part des parents pour produire un discours plus contrôlé.

En contexte de liaison catégorique, les parents produisent une plus faible diversité de Mots2 en discours adressé à l’enfant, ils semblent produire donc souvent les mêmes collocations. Ce comportement se modifie au cours du temps, on observe une diversification lexicale en contexte de LO entre les deux temps de recueil dans le cadre du DAE et des productions de Prune. Au fond, dans un premier temps, pour la LO, un rapport Mot1/Mot2 élevé favoriserait la mémorisation d’exemplaires du type CL+Mot2 : [narbr], [zalɔ᷉], [telefa᷉]…Dans un deuxième temps, la diversification des Mots2 dans l’input favoriserait la mémorisation d’un schéma abstrait dans lequel la CL ne serait plus rattachée au Mot2. Ces deux étapes correspondent dans les faits au scénario que nous avions postulé (Chevrot et al, 2007). Ce serait à partir d’un contact récurrent de collocations lexicales que l’enfant pourrait mémoriser des liaisons et adopter par la suite une comportement analogique pour construire des schémas abstraits et des liaisons plus diverses.

191 Avant d’aborder nos résultats concernant les collocations lexicales, nous présentons les résultats présentés lors des journées de l’IASCL à Montréal (cf. volume 2 : 211). Ces données montrent le lien entre la production des contextes de Prune et Lola et leurs parents.