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Orientation  de  la  note  de  synthèse

CHAPITRE  1.   Introduction  générale

2.   Orientation  de  la  note  de  synthèse

Le travail de synthèse à produire dans le cadre de l’habilitation à diriger des recherches semble, selon moi, se décliner en deux temps. D’une part, il doit s’agir de mettre en cohérence les différents travaux opérés depuis le doctorat, afin d’en dégager des fils conducteurs autour d’une même problématique. D’autre part, il m’incombe de me nourrir du bilan de ces premières recherches pour faire le point sur le pont entre celles passées et futures. Ma problématique centrale porte sur le rapport de la variation à l’acquisition/apprentissage phonologique.

35 Si cette problématique reste bien documentée pour les locuteurs adultes avec des travaux sur le statut des variantes lexicales (Abbot-Smith et Tomasello, 2006, Ernestus, 2006), l’acquisition des variantes phonologiques, pourtant très présentes dans le parler enfantin, est encore peu traitée (Menn et Matthei, 1992 ; Bassano, 2005 ; Nardy, 2008). On peut opérer le même constat concernant l’intérêt relatif porté à la question des variantes phonologiques en didactique de la prononciation dans le domaine du FLE (Thomas, 1998, Gautier, 2010, Harnois et al, 2012).

2.1.

Les fils conducteurs de mes recherches

La tâche pour circonscrire cet objet de recherche est par nature difficile tant les phénomènes variables sont le lieu d’aléatoires, d’irrégularités, et d’incohérences, tout au moins au premier abord ou au premier niveau. Pour tenter d’en dégager les régularités, ou pour comprendre les causes et le fonctionnement de son hétérogénéité, j'ai choisi deux axes de travail. Le premier concerne l’acquisition/apprentissage de schémas d’alternances phonologiques réguliers chez des enfants francophones. Ce sont des variables phonologiques adultes (liaison, schwa) admises par la langue même si elles font pour certaines, l’objet de stigmatisations sociales plus ou moins marquées. La seconde thématique qui m’occupe est reliée à la question de l’apprentissage d’invariants phonologiques du français par l’étudiant de Français Langue Etrangère.

Je distingue comme à l’accoutumée « acquisition et « apprentissage ». La première de ces notions définit un ensemble d’opérations mentales implicites (processus mentaux mettant en jeu la mémoire, le raisonnement…) que le jeune sujet met en place indépendamment de savoirs explicites et régis par un programme.

La notion d’apprentissage se situe elle plutôt dans le cadre d’un enseignement guidé par une progression et des objectifs précis. Mon objectif est d’observer les dispositifs socio-cognitifs mis en place lors de l’acquisition de schémas réguliers de variation phonologique. Il est d’autre part de comprendre et d’envisager de meilleure manière l’apprentissage de nouvelles catégories phonologiques chez l’étudiant de FLE, à travers des séquences préparées et limitées dans le temps.

36 Néanmoins, comme je l’avais décrit précédemment (Chabanal, 2003), les recherches tant en acquisition qu’en apprentissage se nourrissent l’une de l’autre et il semble indispensable de comprendre l’ensemble des processus mentaux permettant ou empêchant le développement de nouveaux apprentissages.

C’est pourquoi, même lorsque j’aborde l’apprentissage de paires minimales en FLE, des notions relatives à l’acquisition comme la fréquence d’écoute, l’analogie ou la généralisation sont présentes. Pour mémoire et de façon très synthétique, l’acquisition du langage est pensée différemment selon quatre courants : behaviouriste, générativiste, constructiviste ou interactionniste.

Les frontières entre certains de ces courants sont plus ou moins étanches. Je développe un modèle émergentiste dans lequel « mémorisation » et « construction » jouent des rôles prépondérants au cours de l’acquisition. En cela, mon approche est proche des théories behaviouristes et constructivistes.

2.2.

Les facteurs en lien avec ces thématiques de recherche

Le développement des régularités phonologiques, objets de mes recherches, repose sur différents facteurs de nature variable. Cependant, je défends l’idée selon laquelle le locuteur, pourrait, à partir de l’usage, dégager des régularités. En cela, je suis en accord avec Slobin (2011), qui lors du colloque ADYLOC (Langues, Langage oral, cognition : acquisition et dysfonctionnements) déclarait : « Any reasonable model of acquisition must consider a

multiplicity of interacting factors. Each factor has its own regularities. So what we end up with is not infinite variation, but rather constrained variability». De mon point de vue, j’étudie deux

facteurs particulièrement en jeu dans l’acquisition.

Le premier concerne l’input ou le bain linguistique. En priorité, j’observe l’effet qu’exerce la fréquence des variantes lexicales d’un même item ou d’une même collocation, et tente de déterminer l’influence de la fréquence de ces mots sur l’acquisition phonologique. Par ailleurs, l’acquisition phonologique, telle que je la conçois, serait indissociable de ce que Coté (2011) appelle les facteurs supra-segmentaux.

37 En clair, apprendre le mécanisme de l’alternance de la liaison ou du schwa reviendrait à prendre en compte des facteurs liés certes au lexique mais aussi à la syntaxe, la sémantique ou la prosodie et ne se réduirait pas à une seule analyse relative au segment phonologique. Pour ma part, il est clair que l’acquisition de l’alternance phonologique est multidimensionnelle. Les approches linguistiques tout comme les paramètres sociolinguistiques tels que la diversité et la quantité de l’input sont aussi à prendre en considération.

Mallet (2008) montre l’importance de prendre en compte le facteur syllabique pour analyser la liaison. Elle note que cette dernière est plus fréquente après des mots1 monosyllabiques par rapport à des polysyllabiques (est versus était, très versus assez…). Sur l’ensemble du corpus Phonologie du Français Contemporain (désormais PFC), 66% des liaisons réalisées le sont avec un mot 1 monosyllabique. Coté (2011) évoque également le facteur sémantique étant donné que la liaison est plus fréquente dans des contextes pluriels que singuliers : (Adj+NPL (longs articles) vs Adj+NSG (long article); (NPL+Adj (soldats italiens) vs NSG+Adj (soldat italien).

Le second facteur a trait à la capacité du locuteur à dégager des régularités et à construire des représentations abstraites régulières à partir de la fréquence de cet input. Cette acquisition de la variation phonologique serait selon moi granulaire. Elle se développerait par exemple, autant en fonction de la mémorisation lexicale dépendant de la fréquence d’écoute, qu’en fonction de la nature de certains items (selon leurs sens, leurs longueurs) ou de certains segments sonores (Fréquence fondamentale (f0), voisement, durée… ). Lieven (2010 : 1249) défend l'idée que l'enfant n’est pas un simple récepteur sensible uniquement à ce qu’il produit et entend. Si tel était le cas, nous ne constaterions pas de variations régulières à certains stades : « if relative

frequencies in the input simply mapped directly onto children’s learning then, of course, they could never explain errors ».

Selon elle, un nombre de facteurs interagissent avec la fréquence, telle que la relation forme-fonction ou la relation de voisinages phonologiques (Kern et Dos Santos, 2010). Ces facteurs posent le problème de la granularité avec laquelle nous devons tester l’influence de la fréquence des unités linguistiques. Une étude de Aguado-area (2004) a été réalisée à partir de deux enfants espagnols âgés de 6 ans. Elle avait pour but d’observer les types de variation concernant des constructions verbales.