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Caractéristiques  des  productions  vocaliques

CHAPITRE  3.   Variation  et  publics  adultes  FLM  et  FLE

1.   Etendue  des  variations  phonétiques,  lexicales  et  syntaxiques    en  français  :  projet  PFC

1.3.   Productions  phonologiques  typiques    d’une  jeune  locutrice  Auvergnate

1.3.2.   Caractéristiques  des  productions  vocaliques

- /a/ et /ɑ/

La distinction entre le /a/ antérieur et le /ɑ/ postérieur est neutralisée dans le discours de notre locutrice. On notera une réalisation de son /A/ plutôt antérieure.

- /ɛ̃/ et /œ̃/

La différence entre ces deux voyelles nasales est complètement neutralisée chez MM. Elle prononce de la même façon (c’est-à-dire avec le son /ɛ᷉/ ) des mots comme matin et un.

- Les voyelles moyennes (/e/ /ɛ/, /o/ /ɔ/, /ø/ /œ/)

Selon la loi de position, les voyelles mi-ouvertes apparaissent de préférence en syllabe fermée (c’est-à-dire lorsque la syllabe se termine par une consonne à l’oral), alors que les voyelles mi-fermées apparaissent en syllabe ouverte (c’est-à-dire lorsque la syllabe se termine par cette voyelle). Pour la paire /e/ /ɛ/, cette règle est valable, à deux exceptions près, dans l’extrait. C’est le cas pour disait (l.17 : c’est ce qu’on disait avec les filles), prononcé [dizɛ], peut-être à cause de l’influence du /a/, voyelle ouverte, qui suit la voyelle en question (phénomène d’anticipation), puisque disait est, plus loin dans l’extrait, prononcé [dize] devant une consonne (l.25 : ce qu’on disait non ça nous fait peur). L’autre cas de /ɛ/ ouvert en voyelle ouverte se retrouve avec le mot ouais (l.43, Ah ouais.). La loi de position s’exerce par contre systématiquement pour la paire /o/ /ɔ/ et /ø/ /œ/.

79 -Le e caduc (schwa)

La question de la prononciation du « e » graphique est d’importance, puisque celle-ci connaît une certaine variation selon les régions de l’espace francophone. Ici, la locutrice, venant de Clermont-Ferrand, se situe dans une zone géographique dans laquelle le « français de référence » et sa prononciation « standard » sont les plus courants. Sa prononciation du « e » caduc se rapproche donc de cette tendance. La prononciation du « e » caduc en français de référence obéit à certaines « règles », selon, par exemple, son voisinage phonologique. Deux règles, en particulier, régissent cette prononciation. La première est la règle « du contexte droit » : si le e caduc est suivi d’une voyelle ou se trouve en fin de mot, il n'est pas prononcé, sauf s'il est suivi d’un h aspiré, auquel cas il est systématiquement réalisé.

La seconde règle concerne celle « des trois consonnes ». Cette dernière précise que si un e caduc est précédé d’au moins deux consonnes et suivi d’au moins une consonne (« trois consonnes »), il est normalement prononcé ; sinon, il n'est pas réalisé. J’utiliserai la même transcription que celle employée dans le site Projet PFC (http://www.projet-pfc.net). Les voyelles qui m’ intéressent seront soulignées ; le e prononcé sera en gras, le e non prononcé sera mis entre parenthèses.

E caduc en fin de mot

« Lorsqu’un e caduc de fin de mot est suivi d’une voyelle (phonétique), il n’est pas prononcé » (Durand et al, 2003 : 32). On retrouve systématiquement cette tendance dans l’extrait, quelle que soit la voyelle suivant le e caduc de fin de mot. Par exemple, pour la voyelle /i/: l.8 :

c’est marrant comm(e) il fait, ou pour le /e/ : l.37-38 : ell(e) était vraiment bien. « Lorsqu’il est

suivi d’une consonne et précédé d’une seule consonne, il n’est pas prononcé » (site Projet PFC). On retrouve cette tendance partout dans l’extrait, sauf à une reprise : l.10 : je suis tout à fait

d’accord.

Il est intéressant de mentionner qu’il s’agit ici de discours rapporté, lorsque MM imite son professeur, elle change de ton, ralentit son débit, et prend un registre plus soutenu, plus formel que dans le reste de l’extrait, ce qui peut expliquer cette « variante stylistique » de la prononciation du e caduc.

80 « De la même manière, le e caduc n’est pas réalisé s’il est précédé de deux consonnes et suivi d’une voyelle » (ibid). Dans l’extrait, cette règle est tout à fait vérifiée, comme par exemple l.4 :

tu parl(es) et tout. Lorsqu’il est précédé d’au moins deux consonnes à gauche et suivi d’au moins

une consonne à droite, le e est réalisé » (ibid). Dans cet extrait, si cette règle se vérifie dans certains cas (par exemple, l.3-4 : qu’est-c(e) que veut dire euh éducateur), nous constatons au contraire une majorité de cas où, dans cette situation, le e caduc n’est pas prononcé : l.23 : j(e)

vais rien prévoir l(e) soir, l.27-28 : histoir(e) d(e) l’éducation, l.39 : les livres (…) sur l(e) sujet,

l.53 : j(e) vais just(e) relir(e) mon cours, l.56 : pour m(e) souvenir des notions, pour citer quelques exemples.

On peut mentionner d’autres e caducs prononcés, lorsqu’ils se situent avant une pause et qu’ils se confondent avec le « euh » d’hésitation. Le « e » est donc particulièrement allongé. Par exemple l.3 : qu’est-c(e) que veut dire euh éducateur, ou l.4 (ici ce « e » est prononcé, alors qu’il est suivi d’une voyelle): par exemple ‘Educateur pour moi (…).

e caduc en milieu de mots

« En position interne de mot, la réalisation du e est fondamentalement régie par la règle des trois consonnes»(ibid). Ici, le e caduc n'est pas prononcé lorsqu'il est précédé d'une seule consonne et suivi d'une consonne, conformément à l’usage dans le français de référence : l.22 : là

malheureus(e)ment j’ai pas l(e) temps, l.22 : la s(e)maine prochaine, l.41 : vous les feuill(e)tez,

l.51 : j’écout(e) vach(e)ment en cours, l.55 : lir(e) mes fich(e)s régulièr(e)ment, l.56 : pour m(e)

souv(e)nir des notions. On note aussi le mot maint(e)nant (l.35) ( prononcé /mɛ ̃nɑ̃/ , où le e caduc n’est pas prononcé, et dans lequel on constate un phénomène d’assimilation suite à la chute de ce « e » : le /t/ perd son caractère occlusif et se nasalise au contact de la nasale suivante /n/.

e caduc dans la première syllabe d’un mot polysyllabique

Là encore, dans la majorité des cas, la règle des 3 consonnes détermine la réalisation du e caduc. Notons que puisqu'un e caduc est toujours suivi d'une consonne lorsqu'il se trouve en première syllabe de mot polysyllabique, c'est essentiellement le nombre de consonnes à sa gauche qui détermine sa réalisation» (ibid). Cette règle, ici, se vérifie dans la plupart des cas : dans la

81 Dans on a pas d(e) devoirs (l.17) et j(e) vais just(e) relir(e) mon cours (l.53), le « e » est, grâce à la chute du e caduc précédent, précédé de deux, voire trois consonnes, et par conséquent il n’est pas prononcé. On constate cependant une occurrence de e caduc prononcé alors que le contexte aurait pu prédire le contraire : qui est reparti(e) en fac (l.36).

- La liaison

Dans l’extrait étudié, la locutrice réalise toutes les liaisons catégoriques, et aucune liaison erratique ni variable. Nous noterons la liaison par un tiret bas entre les deux mots reliés par ce phénomène. Dans le cas d’un déterminant suivi d’un nom, on observe un cas de liaison : l.11 :

c’est un_éduc. Le cas de liaison le plus fréquent dans cet extrait concerne les pronoms personnels

suivis d’un verbe : photocopies qu’elle nous_a données (l.15), on_a rien (l.18, deux fois), faut

qu’on les_apprenne (l.20), si tu les_entends, t’en_as (l.32), etc. On observe une liaison entre

deux pronoms : vous_en lisez (l.41), et également dans le cas de mots composés : tu sous_entends

quoi (l.6, répété l.8) ou locutions figées : c’est_à-dire (l.19-20, répété l.20-21). Il n’est pas

étonnant que la locutrice n’ait pas réalisé de liaison variable.

En effet, il semble que ce phénomène soit moins observé en situation de discours informel (comme dans le cas présent) que formel. Nous avons déjà démontré, à travers d’autres extraits, que le registre employé ici était très informel. D’autre part, ce type de liaison est plus fréquent chez les sujets âgés, et notre locutrice est jeune. Enfin, l’origine géographique du locuteur semble peu affecter ce phénomène, sauf dans quelques exceptions dont la région de MM ne fait pas partie.