• Aucun résultat trouvé

C. Aptitude à constituer une marque

VIII. Résumé

Plus d’un quart de siècle après l’entrée en vigueur de la LPM, force est de constater que le nombre d’enregistrements de marques non traditionnel-les est très faible au regard du nombre total des marques enregistrées. Ce-la est dû aux conditions à remplir pour obtenir leur enregistrement, mais vraisemblablement aussi au manque d’intérêt de certains types de mar-ques non traditionnelles. A l’heure actuelle, l’IPI exige toujours une re-présentation graphique de la marque. Avec la dématérialisation des dos-siers de demandes d’enregistrement, l’autorisation d’autres modes de représentation devrait être possible à l’avenir. L’admission de formats au-dio permettrait une reproduction plus précise des marques sonores et l’enregistrement de marques constituées par un bruit (p. ex. le cri d’un animal). En outre, les formats multimédias (p. ex. MP4) simplifieraient la représentation des marques de mouvement et rendraient possible la protection des marques constituées par une séquence de film avec du son. Par contre, il n’existe actuellement pas de moyens techniques pour reproduire au registre les marques olfactives, gustatives et tactiles.

La jurisprudence a confirmé à maintes reprises l’aptitude des formes tri-dimensionnelles à constituer une marque. Elle a aussi reconnu les mar-ques de position, les marmar-ques sonores et les marmar-ques de couleur abstraite, bien que pour ces dernières, le Tribunal fédéral n’ait pas encore eu la pos-sibilité de s’exprimer. Par contre, il n’existe pas de jurisprudence relative aux marques de mouvement.

Pour le Tribunal fédéral, un bien immatériel peut être protégé cumulati-vement par le droit des marques, le droit des designs et le droit d’auteur, pour autant que les conditions de protection propres à chacune des lois spéciales soient remplies. Les juges de Mon-Repos ont toutefois relevé qu’il serait contraire à la cohésion de l’ordre juridique de transgresser les limites apportées expressément à un droit en étendant abusivement la protection reconnue au titre d’un autre droit. Sont par conséquent ex-clus de la protection comme marques les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu, autrement dit les signes qui ne sont pas susceptibles d’enregistrement comme marque car ils sont nécessaires pour le commerce. Leur monopolisation par le droit des marques entra-verait en effet de façon injustifiée la libre concurrence. Pour les formes de produit et d’emballage, le besoin de libre disposition absolu est cir-conscrit à l’art. 2 let. b LPM. Bien que la jurisprudence se soit exprimé à plusieurs reprises sur cette disposition, de nombreuses questions sont

encore ouvertes, en particulier quant à la signification de la notion de

«formes esthétiquement nécessaires». Une réponse à ces questions serait la bienvenue, car l’art. 2 let. b LPM constitue un obstacle absolu à l’enre-gistrement des marques, l’imposition du signe au sens de l’art. 2 let. ain fineLPM ne pouvant pas être invoquée lorsque cette disposition trouve application.

S’agissant des autres motifs absolus d’exclusion mentionnés à l’art. 2 LPM, la jurisprudence a précisé les critères développés sous l’ancien droit pour les marques verbales et figuratives là où cela était nécessaire en rai-son des particularités des marques non traditionnelles. Tel a été notam-ment le cas pour les formes tridimensionnelles se confondant avec le pro-duit ou l’emballage. Ce type de marque a donné lieu à une abondante jurisprudence. Aujourd’hui, les principes et critères d’examen sont bien établis et similaires à ceux développés dans l’UE. Le public ne percevant en principe pas ces signes comme un renvoi à une entreprise déterminée, ils sont en règle générale dépourvus de caractère distinctif intrinsèque.

Leur protection par la LPM n’est possible que dans des cas exceptionnels, lorsqu’ils s’écartent clairement des formes usuelles et attendues sur le marché. En raison de la perception différente du public, il est aussi plus difficile d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage. Le long usage de la forme d’un produit sur le marché ne permettra en principe pas de rendre vraisemblable l’imposition comme marque de cette forme faute d’usage à titre de marque. La preuve directe, par sondage d’opinion, sera donc en règle générale nécessaire. Pour le Tribunal fédéral, le sondage d’opinion, correctement conçu et exécuté, constitue le moyen le plus sûr pour élucider la perception d’un signe dans le public visé. La jurispru-dence a examiné la validité de tels sondages à quelques occasions, sans toutefois répondre à toutes les questions. Un des principaux points qui reste à trancher est le pourcentage de personnes qui doivent associer le si-gne à une entreprise déterminée.

Grâce à deux arrêts récents du Tribunal fédéral, plusieurs aspects liés à l’application de l’art. 2 let. a LPM pour les marques de position ont pu être clarifiés. Ainsi, ni le signe de base, ni la position en soi, mais la combi-naison des deux éléments constitue l’objet de protection de ce type de marque. Par ailleurs, la question de savoir si, dans le cas d’un signe de base qui n’est pas distinctif en soi, une position habituelle ou, au contraire, in-habituelle peut conférer un caractère distinctif à la combinaison ne semble pas décisive. Ce qui importe, c’est que le signe déposé comme marque s’écarte clairement des représentations usuelles dans le segment

des produits à prendre en considération. Comme pour l’examen du carac-tère distinctif des formes de produits ou d’emballages, il n’y a pas, pour les marques de position, de différences significatives par rapport à la ju-risprudence de l’UE.

Le Tribunal fédéral a aussi eu l’occasion de se prononcer sur les condi-tions à remplir pour obtenir l’enregistrement d’une marque sonore. Dans un arrêt de 2009, il a défini les critères d’examen de l’appartenance au do-maine public d’un tel signe, en particulier s’agissant du caractère distinc-tif, sans pour autant définir ces critères de façon approfondie. Les juges fédéraux ne se sont par ailleurs pas exprimés sur l’aptitude de longues mé-lodies à constituer une marque sonore, ni de celle d’un bruit comme le cri d’un animal, par exemple.

Les juges de Mon-Repos ne se sont en revanche pas encore penchés sur la possibilité de protéger des couleurs abstraites et sur les conditions liées à cette protection. Il leur reviendra en particulier de définir les critères d’examen du besoin de disponibilité absolu et d’indiquer si une couleur abstraite peut être considérée comme originairement distinctive et, le cas échéant, à quelles conditions. S’agissant du caractère distinctif acquis par l’usage, les mêmes questions que celles mentionnées plus haut pour les marques tridimensionnelles au sens étroit sont ouvertes.

Les marques de mouvement n’ont donné lieu à aucune jurisprudence et l’IPI n’a eu à traiter que peu de cas. Les tribunaux devront en particulier se prononcer sur les contours précis de ce type de marque et les critères d’examen de l’art. 2 let. a LPM. Il s’agira également de déterminer si, et à quelles conditions, le mouvement lui-même ou les autres éléments de la marque peuvent être de nature à conférer au signe considéré dans son en-semble un caractère distinctif originaire.

La pratique et la jurisprudence seront aussi appelées à définir les critères d’examen des nouveaux types de marques non traditionnelles qui de-vraient pouvoir être enregistrées à l’avenir grâce aux formats audio et vi-déo. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure les principes dévelop-pés depuis l’entrée en vigueur de la LPM, notamment en ce qui concerne les marques sonores et les marques de mouvement, seront applicables aux marques composées d’une séquence filmée et de son.

International Developments on Non-traditional Trademarks

1

Marcus HÖPPERGER2

I. Introduction

Starting from the early years of 2000, work has been ongoing under the aegis of the World Intellectual Property Organization («WIPO») regard-ing the protection of «non-traditional» or «new types of trademarks».3 The purpose of this contribution is to outline and summarize the results of this work as well as to provide a reference to the rich body of informa-tion, which was gathered as a result of these efforts.4 Furthermore, the most recent developments within the Madrid System for the Internatio-nal Registration of Marks concerning the internatioInternatio-nal registration of non-traditional trademarks will be described.

1 Written version of a presentation made at theJournée de droit de la propriété intellec-tuelle 2019, University of Geneva.

2 Senior Director, Department for Trademarks, Industrial Designs and Geographical Indications, Brands and Designs Sector, World Intellectual Property Organization (WIPO). The views expressed by the author are personal and do not constitute an official position of WIPO.

3 The terminology uses two terms, namely new types of marks and non-traditional marks, and both terms can be found in WIPO documents and publications. In parti-cular, the Resolution by the Diplomatic Conference Supplementary to the Singapore Treaty on the Law of Trademarks and the Regulations Thereunder uses the term new types of marks in reference to three-dimensional marks, hologram marks, motion marks, color marks, position marks and marks consisting of non-visible signs.

Throughout the course of the work of the WIPO SCT, the term non-traditional marks was more and more customarily used, resulting eventually in the adoption, by the SCT, of Areas of Convergence concerning the Representation of Non-tradi-tional Marks.

4 For a detailed description of the development of non-traditional trademarks in WIPO, see DENISCROZE, Making a large Universe Visually Perceptible, in: Irene Cal-boli/Martin Senftleben (eds.), The protection of non-traditional trademarks, OUP 2018, pp. 13 onwards.