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B. Notion

1. Marques tridimensionnelles au sens large

Pour le TAF et l’IPI, les marques tridimensionnelles au sens large sont en principe examinées selon les mêmes critères que ceux applicables aux si-gnes bidimensionnels45. Font partie du domaine public les signes tridi-mensionnels qui sont composés exclusivement d’éléments descriptifs ou usuels ou de formes banales ou qui ne s’en écartent pas suffisamment46. Ce motif de refus est rarement appliqué; le registre contient d’ailleurs de nombreuses marques tridimensionnelles au sens large47. L’IPI applique les principes d’examen valables pour les marques tridimensionnelles au sens étroit lorsque la forme en trois dimensions représente un objet concerné par la prestation du service ou un objet utilisé à cette occasion48. 2. Marques tridimensionnelles au sens étroit

Depuis le 1eravril 1993, le Tribunal fédéral, le TAF et l’ancienne Commis-sion fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle (CREPI) ont rendu plus d’une centaine d’arrêts relatifs aux marques tridimension-nelles au sens étroit. Grâce à cette abondante jurisprudence, les principes et critères d’examen sont aujourd’hui clairs et, pour l’essentiel, similaires

44 Directives IPI,supran. 6, Partie 2, ch. 3.2.4. Lire aussi DORIGO,supran. 16,adart. 28 LPM, p. 829, N° 51.

45 ATAF 2010/31, c. 2.3Stylo à bille (3D); Directives IPI,supran. 6, Partie 5, ch. 4.12.2.

46 Directives IPI,supran. 6, Partie 5, ch. 4.12.2.

47 Exemples récents: CH 730128 et CH 724911.

48 Directives IPI,supran. 6, Partie 5, ch. 4.12.2.

à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Pour montrer l’évolution du droit, nous nous proposons de passer en re-vue chronologiquement les principaux arrêts du Tribunal fédéral.

a) Formes «originales» se distinguant de ce qui est usuel et attendu

Le Tribunal fédéral a rendu son premier arrêt en la matière en 1994. Dans cet arrêt portant sur la forme d’une montre49, les juges de Mon-Repos ont d’abord rappelé l’existence de deux restrictions à l’enregistrement comme marque du produit lui-même ou de son emballage. D’une part, le droit des marques ne doit pas servir à contourner les limites établies par le droit des designs et le droit d’auteur. D’autre part, pour pouvoir être protégée comme marque, la forme en trois dimensions doit remplir une fonction distinctive selon l’art. 1 al. 1 LPM. Or, le produit comme support d’un signe distinctif ne peut en principe pas constituer le signe distinctif lui-même. Pour pouvoir jouir de la protection, il est décisif que la marque tridimensionnelle frappe par son originalité, qu’elle se dis-tingue de ce qui est usuel et attendu et qu’elle demeure ainsi gravée dans la mémoire des acheteurs. Sont considérées comme usuelles et attendues les formes que le public perçoit comme nécessaires pour le fonctionnement du produit50. Le Tribunal fédéral a confirmé ces principes en 1999 dans un arrêt relatif à une tablette ronde pour lave-vaisselle et lave-linge de cou-leur verte et blanche. Il a estimé que ce signe appartenait au domaine pu-blic, car ni les différents éléments, ni leur combinaison n’étaient pourvus de caractère distinctif51.

TF, sic! 2000, p. 286, en particulier pour des sub-stances pour lessiver

49 ATF 120 II 307 c. 3.a), JdT 1995 I 271Rado (3D).

50 Ces principes sont toujours valables aujourd’hui, ce qui est étonnant s’agissant du recours à l’expression «originalité» qui prête à confusion avec le critère utilisé en droit des designs; voir aussi la critique de NOTH,supran. 42,adart. 2 let. b LPM, p. 229, N° 66.

51 TF, arrêt du 14.10.1999, 4A.6/1999, c. 3.c), sic! 2000, p. 286,Tablette (3D).

b) Formes avec un effet technique ou influencées par la technique

Dans l’arrêt «Lego» du 2 juillet 2003, les juges fédéraux ont relevé que les formes techniquement nécessaires au sens de l’art. 2 let. b LPM font par-tie du domaine public52. Il en va de même des formes conditionnées par la technique, autrement dit les formes déterminées par la finalité d’utilisa-tion des produits sans qu’elles soient indispensables à leur fabricad’utilisa-tion.

Contrairement aux formes techniquement nécessaires, elles peuvent s’im-poser comme marque. Quant aux formes qui sont influencées par la tech-nique, elles sont susceptibles de protection à condition d’être pourvues de caractère distinctif. Il s’agit de formes qui sont utiles à la réalisation d’un effet technique, sans être destinées à cet effet. Il en va ainsi de la forme du «Toblerone» dont le but n’est pas de permettre de couper le chocolat, mais d’en faciliter l’opération.

Le Tribunal fédéral a repris ces catégories dans un arrêt du 26 avril 2004, estimant, dans le cas concret, que la forme d’un support catalytique ne faisait pas partie du domaine public, et dans un arrêt du 23 mai 2006, confirmant le manque de caractère distinctif d’une forme d’emballage pour des cigarettes, au motif qu’elle constituait la combinaison d’une forme banale avec des éléments conditionnés par la technique.

ATF 129 III 514, pour des briques de jeu (Spielbau-steine)

TF, sic! 2004, p. 676, en particulier pour des cataly-seurs chimiques

TF, sic! 2006, p. 666, en particulier pour des paquets de cigarettes et des cigarettes

c) La forme d’un produit ne constitue en principe pas un renvoi à une entreprise

Le 24 février 2004, le Tribunal fédéral a posé un principe essentiel dans l’examen de l’appartenance au domaine public d’une forme en trois di-mensions: en règle générale, le consommateur ne perçoit pas la forme d’un produit comme un renvoi à une entreprise, mais comme le produit

52 ATF 129 III 514 c. 2.3 s., JdT 2003 I 372Lego (3D). Pour la notion de formes techni-quement nécessaires, voirinfra, ch. III.E.2, p. 20.

lui-même53. Il en a déduit que la forme tridimensionnelle d’un produit n’est en principe pas comprise comme signe distinctif même après un long usage, contrairement aux mots et aux images. Deux ans plus tard, les juges fédéraux ont appliqué ce principe dans l’examen du caractère distinctif originaire d’une forme de bouteille54et ainsi confirmé la pra-tique de l’IPI55.

ATF 130 III 328, pour des bracelets

TF, sic! 2007, p. 831, en particulier pour des bières, des eaux minérales et des boissons alcoolisées

d) Diversité des formes dans le marché concerné

Dans un arrêt du 20 avril 2007 relatif à la forme d’un emballage, le Tribu-nal fédéral a précisé sa jurisprudence sur deux points essentiels, tout en admettant le recours formé par le Département fédéral de justice et police (DFJP) contre la décision de la CREPI, estimant que la forme d’emballage trapézoïdale faisait partie du domaine public. Mon-Repos a d’abord re-levé que le fait qu’une forme en trois dimensions se différencie d’une forme géométrique de base (en l’espèce un trapèze) ne permet pas en soi d’en obtenir la protection comme marque: la forme en trois dimensions doit s’écarter de par son originalité des formes préexistantes dans le do-maine de produits concernés56. Le Tribunal fédéral a ensuite constaté qu’en raison de la grande diversité des formes d’emballages sur le marché concerné, la forme en trois dimensions déposée n’était pas perçue comme inattendue ou originale par les destinataires. Elle n’était ainsi pas

suscep-53 ATF 130 III 328, c. 3.5, JdT 2004 I 307Bracelet de montre (3D).

54 TF, arrêt du 13.12.2006, 4A.15/2006, c. 5, sic! 2007, p. 831Bouteille (3D).

55 Le principe selon lequel la forme d’un produit n’est en principe pas perçue comme un renvoi à une entreprise a été développé en droit communautaire et introduit dans les Directives de l’IPI en 2005; voir Directives IPI en matière de marques 1.7.2005, Partie 4, ch. 4.10.2.2; les anciennes Directives de l’IPI sont disponibles sur le site Internet de l’IPI à l’adresse suivante: https://www.ige.ch/fr/prestations/services-en-ligne-et-centre-de-telechargement/marques.html; lire aussi MARKUSINEICHEN, Die Form-marke im Lichte der absoluten Ausschlussgründe nach dem schweizerischen Mkenschutzgesetz, GRUR 2003, p. 199 s. Pour le droit communautaire, voir CJUE, ar-rêt du 8.4.2003,Linde AG,Winward Industries Inc. et Rado Uhren AG(aff. jointes C-53/01 à C-55/01), para. 48.

56 ATF 133 III 342, c. 3.3Emballage (3D).

tible de rester ancrée dans la mémoire du consommateur et d’exercer la fonction d’une marque au sens de l’art. 1 al. 1 LPM. En prenant en comp-te la diversité des formes dans le domaine concerné, le Tribunal fédéral a confirmé la pratique de l’IPI qui mentionnait déjà dans ses Directives d’examen de 2002 qu’en présence d’une grande diversité de formes, un grand nombre de formes doivent être considérées comme banales57.

ATF 133 III 342, pour des emballages en plastique

Le Tribunal fédéral a appliqué cette jurisprudence dans trois arrêts sub-séquents. Le premier, du 27 juin 2007, concernait la forme d’une compo-sante de turbine; le deuxième, du 7 novembre 2007, portait sur la forme de produits en chocolat; et le troisième, du 23 janvier 2007, avait pour objet la forme d’ourson pour des produits en chocolat et de la confiserie.

TF, sic! 2007, p. 824, en particulier pour des parties de turbines

TF, 4A_374/2007, pour des confiseries, du chocolat, des produits chocolatés et des pâtisseries

TF, 4A_466/2007, en particulier pour du chocolat et des produits de chocolat

e) Délimitation par rapport aux autres droits de propriété intellectuelle

Dans l’arrêt «Chaise Panton» du 19 août 2008, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel la forme d’un produit peut être protégée par le droit des marques, le droit des designs et le droit d’auteur, pour autant que les conditions de protection propres à chacune des lois spéciales soient remplies58. Ceci étant dit, il a indiqué qu’il serait contraire à la co-hésion de l’ordre juridique de transgresser les limites apportées expressé-ment à un droit en étendant abusiveexpressé-ment la protection reconnue au titre d’un autre droit. Pour la protection au sens de la loi sur les designs du 5 octobre 200159, il est nécessaire que le design soit nouveau et original, ce

57 Directives IPI en matière de marques 2002, Partie 4, ch. 4.5.4.3; voir aussi Directives IPI en matière de marques 1.7.2005, Partie 4, ch. 4.10.3.

58 ATF 134 III 547 c. 2.1, sic! 2008, p. 890Chaise Panton (3D).

59 LDes, RS 232.12.

qui est le cas lorsque l’impression d’ensemble de la forme dont la protec-tion est revendiquée se distingue de manière significative de ce qui existe déjà aux yeux des acheteurs potentiels immédiatement intéressés par les produits en cause. La nouveauté et l’originalité se jugent au regard de l’impression que les éléments les plus caractéristiques laissent dans la mé-moire à court terme, au moment d’acheter un bien. La marque, en revan-che, identifie les produits d’une entreprise et les distingue de ceux d’au-tres entreprises. Pour exercer cette fonction, elle doit être pourvue de caractère distinctif, ce qui est le cas lorsque le signe concerné s’ancre dans la mémoire au point de permettre à long terme au destinataire de re-trouver le produit de l’entreprise titulaire dans l’abondance de l’offre commerciale. L’appréciation des conditions légales de la protection est ainsi différente entre les marques et les designs. La protection d’un signe comme design ne signifie pas automatiquement qu’il puisse être enregis-tré comme marque. Au contraire, les conditions pour obtenir la protec-tion du droit des marques sont plus élevées.

f ) Ecart clair avec les formes habituelles sur le marché concerné

Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a précisé une nouvelle fois sa ju-risprudence s’agissant de l’examen du caractère distinctif. Premièrement, il a estimé que, pour des meubles, qui sont des biens de consommation courante, seule la perception du consommateur final (moyen) est déter-minante et non pas celle d’un cercle plus étroit, comme les destinataires de meubles de design ou de produits d’une catégorie de prix particulière, une limitation du cercle des acheteurs selon le prix ou la qualité n’étant pas indiquée pour de tels produits60. Deuxièmement, pour être distinctive et exercer la fonction d’une marque, la forme d’un produit doit s’écarter clairement (auffällig) des formes usuelles sur le marché. Troisièmement, c’est le moment de la décision d’enregistrement de la marque qui est dé-cisif pour procéder à cet examen61. Quatrièmement, le Tribunal fédéral a indiqué, en se référant à la jurisprudence de la CJUE, qu’il faut

régulière-60 ATF 134 III 547 c. 2.3.2, sic! 2008, p. 890Chaise Panton (3D); lire aussi EUGENM AR-BACH, Die Verkehrskreise im Markenrecht, sic! 2007, p. 3 ss.

61 Il faut dès lors tenir compte des formes mises sur le marché après la date de la de-mande d’enregistrement. En droit communautaire, c’est la date de dépôt qui est dé-terminante, voir PAULSTRÖBELE, in: Paul Ströbele/Franz Hacker/Frederik Thiering, Markengesetz, 12èmeéd., Carl Heymanns Verlag, Cologne 2018,ad§ 8 MarkenG, p. 238, N° 19.

ment dénier le caractère distinctif de la forme d’un produit s’il existe une grande variété de formes sur le marché concerné62. Selon les juges fédé-raux, la forme de la chaise «Panton» ne s’écarte pas clairement des formes existantes sur le marché, dont certaines sont aussi excentriques que la forme en cause63. Il a ainsi admis le recours de l’IPI contre l’arrêt du TAF qui avait accordé la protection à la forme d’une chaise en raison

de son design excentrique.

Un peu moins de trois ans plus tard, le 23 mai 2011, le Tribunal fédéral a appliqué les mêmes principes à la forme d’un emballage pour des pois-sons frais et surgelés. Mentionnant la jurisprudence communautaire, il a en particulier estimé que le consommateur n’a en principe pas l’habi-tude de percevoir la forme d’un emballage comme un renvoi à une entre-prise déterminée mais comme une référence à des caractéristiques esthé-tiques ou fonctionnelles64; il a toutefois précisé qu’il est possible que ce principe ne vaille pas pour certains segments de produits65. A ses yeux, le fait que la forme de l’emballage soit particulièrement attractive ou qu’elle ait été couronnée par des prix de design est sans pertinence pour l’appréciation du caractère distinctif66.

ATF 134 III 547, pour des chaises

ATF 137 III 403, en particulier pour des poissons frais et surgelés

62 ATF 134 III 547 c. 2.3.4, sic! 2008, p. 890Chaise Panton (3D).

63 ATF 134 III 547 c. 2.3.5, sic! 2008, p. 890Chaise Panton (3D): «Da die Endverbrau-cher an eine Vielfalt von Gestaltungen im Segment der Stühle gewohnt sind, die teil-weise durchaus auch exzentrisch anmuten können, ist nicht anzunehmen, dass die von der Vorinstanz als überraschend qualifizierte Fussform als solche oder im Zu-sammenwirken mit der gesamten Form des Stuhls derart vom Gewohnten abweicht, dass sie in der längerfristigen Erinnerung der Endverbraucher bei durchschnittlicher Aufmerksamkeit als Hinweis auf ein Unternehmen haften bleibt».

64 ATF 137 III 403 c. 3.3.5, sic! 2011, p. 662Emballage en forme de vague (3D).D’un avis critique: AIPPI Report of Swiss GroupRegistrability of 3D trademarks, sic!

2018, p. 579.

65 La preuve de changement d’habitudes dans un segment de produits particulier de-vrait toutefois être difficile à apporter.

66 ATF 137 III 403 c. 3.3.8, sic! 2011, p. 662Emballage en forme de vague (3D).

g) Jurisprudence du TAF

Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral «Chaise Panton», le TAF a eu l’occa-sion de traiter plusieurs recours contre des décil’occa-sions de rejet de l’IPI67. Il en a admis uniquement deux68, confirmant dans les autres cas l’appar-tenance au domaine public des signes reproduits ci-dessous.

TAF, B-227/2018, pour des baumes labiaux (recours pendant au Tribunal fédéral)

TAF, B-7547/2015, pour des parfums

TAF, B-5341/2015, pour des instruments d’écriture, en particulier des stylos à encre, stylos à bille à encre liquide, stylos à bille, marqueurs, stylos

TAF, B-5182/2015, en particulier pour des implants pour ostéosynthèses, orthèses, endoprothèses et sub-stituts d’organes

TAF, B-3612/2014, pour des préparations pharma-ceutiques

TAF, B-1165/2012, pour des mélangeurs dans le do-maine médical

TAF, B-1360/2011, pour des boissons alcoolisées (à l’exception des bières)

TAF, B-2828/2010, pour des éléments de fixation, des perceuses et des marteaux perforateurs

TAF, B-5456/2009, en particulier pour des services d’impression d’instruments d’écriture et des services de distribution de supports de publicité

TAF, B-570/2008, en particulier pour des produits du tabac, des cigarettes et des articles pour fumeurs

67 Période allant du 1eroctobre 2008 au 15 octobre 2019.

68 TAF, arrêt du 7.8.2018, B-1061/2017 Nusscknakermännchen et TAF, arrêt du 21.3.2019, B-2294/2018Alexandra Laurent Perrier (3D). Le TAF a admis les recours en raison des éléments en deux dimensions distinctifs contenus dans les marques, qui influençaient l’impression d’ensemble de manière essentielle.

TAF, B-2676/2008, pour des boissons alcooliques (à l’exception des bières)

TAF, B-498/2008, en particulier pour des produits de nettoyage et des produits pour parfumer

h) Conclusions

Grâce à la jurisprudence rendue depuis 1993, les critères pour l’examen de l’appartenance au domaine public d’un signe tridimensionnel au sens étroit sont aujourd’hui clairement établis. Le TAF les a rappelés dans un arrêt récent rendu en français69. Les simples éléments géométriques de base appartiennent au domaine public, tout comme les formes de pro-duits ou d’emballages, dont ni les éléments ni la combinaison des élé-ments ne s’écartent d’une forme habituelle ou attendue. Faute d’origina-lité, de telles formes ne restent en effet pas ancrées dans la mémoire du consommateur. Pour qu’il soit perçu comme une indication de prove-nance commerciale, un signe tridimensionnel au sens étroit doit, en Suisse, au moment de la décision portant sur son enregistrement, se dis-tinguer de manière claire de l’ensemble des formes habituelles et atten-dues des produits du domaine en cause. Tel n’est généralement pas le cas lorsqu’une grande diversité de formes est présente sur le marché concerné70. Dans un tel contexte, il est difficile de créer une forme qui puisse être perçue comme un renvoi à une entreprise déterminée et non pas comme une simple variante d’une forme usuelle. Il ne faut en outre pas perdre de vue le fait qu’un consommateur perçoit en principe la forme d’un produit (ou de son emballage) comme le produit (ou son emballage) lui-même et non pas comme un renvoi à une entreprise déterminée. De simples éléments fonctionnels ou esthétiques ne suffisent dès lors pas à conférer à un signe tridimensionnel au sens étroit le caractère distinctif nécessaire. Pour déterminer si un signe tridimensionnel au sens étroit est exclu de la protection selon l’art. 2 let. a LPM, il faut, dans un premier temps, identifier les formes habituelles et attendues des produits du

do-69 TAF, arrêt du 13.11.2017, B-7547/2015, c. 6.1.5Bouteille (3D). On précisera que ces critères sont applicables également aux marques figuratives constituées par la repré-sentation usuelle ou banale d’une forme de produit ou d’emballage; voir Directives IPI,supran. 6, Partie 5, ch. 4.7 et la jurisprudence citée.

70 Selon la nature des produits concernés, il est nécessaire de considérer un spectre de produits plus large que ceux pour lesquels la marque est déposée; TAF, arrêt du 1.9.2011, B-1360/2011, c. 6.1 s.Goulot (3D).

maine (segment de marché) concerné et déterminer ainsi le degré de diver-sité des formes dans ce domaine. Il s’agit ensuite d’examiner si le signe tri-dimensionnel en cause se distingue clairement des formes habituelles et attendues mises en évidence.

Compte tenu des conditions fixées par la jurisprudence et de la pratique de l’IPI pour obtenir l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle au sens étroit, il n’est pas étonnant que les dépôts annuels de ce type de marque aient baissé au fil du temps et que le nombre d’enregistrements soit minime par rapport à l’ensemble des marques figurant au registre.

Comme indiqué en introduction de cette section, on compte environ 600 enregistrements, dont une bonne partie sont des marques tridimen-sionnelles au sens large ou des marques combinées avec des éléments en deux dimensions, alors que plus de 240 000 marques sont inscrites au registre suisse. En 2018, moins de 30 demandes d’enregistrement pour des marques tridimensionnelles ont été présentées à l’IPI. C’est infime au regard du nombre total de demandes d’enregistrement (plus de 17 000 par an).

3. Combinaison de formes en trois dimensions banales avec des éléments bidimensionnels distinctifs

Les marques tridimensionnelles sont souvent déposées avec des éléments en deux dimensions. Le Tribunal fédéral ne s’est exprimé qu’une seule fois sur le caractère distinctif d’une telle combinaison. Dans un arrêt ren-du il y a 20 ans, il a relevé que l’association d’éléments appartenant au domaine public peut être protégée si elle est originale. Dans le cas

Les marques tridimensionnelles sont souvent déposées avec des éléments en deux dimensions. Le Tribunal fédéral ne s’est exprimé qu’une seule fois sur le caractère distinctif d’une telle combinaison. Dans un arrêt ren-du il y a 20 ans, il a relevé que l’association d’éléments appartenant au domaine public peut être protégée si elle est originale. Dans le cas