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Chapitre 2 : Recension des écrits

2.3 Résultats de soins des IPSPL

Selon Hamric et al. (2014), l’évaluation de la performance et des résultats engendrés par les soins des IPS est essentielle à la survie et au succès de la pratique infirmière avancée. Plusieurs définitions du concept de résultats (outcomes) ont évolué au fil des ans, depuis celle de Donabedian (1966, 1980) qui définissait un

outcome comme un changement dans le statut de santé physiologique du patient (ex. morbidité et

mortalité). Bloch (1975) a par la suite intégré les concepts de changements psychosociaux (satisfaction du patient, anxiété), d’acquisition de connaissances reliées à la santé et à la maladie, et de changements de comportements favorables à la santé. Cette compréhension des résultats est particulièrement pertinente dans le domaine de la pratique IPSPL auprès des patients atteints de maladies chroniques, considérant que les interventions de ces dernières affectent directement les patients et les familles en lien avec l’adoption de comportements favorables à la santé.

Tout d’abord, tel que mentionné précédemment, plusieurs auteurs ont démontré l’équivalence de la qualité des soins offerts par une IPS en comparaison avec ceux d’un médecin (Horrocks et al., 2002; Lenz et al., 2004; Mundinger et al., 2000; Newhouse et al., 2011). Une revue systématique cherchant à déterminer si les IPS pouvaient fournir des soins équivalents à des médecins dans un contexte de première ligne a démontré que les patients consultant les infirmières praticiennes étaient, de manière significative, plus satisfaits (Horrocks et al., 2002). Bien qu’il n’y ait aucune différence significative en lien avec le statut de santé, le nombre de prescriptions et d’orientations vers les spécialistes, les IPSPL fournissaient davantage d’informations aux patients et ont effectué de plus longues consultations. De plus, la qualité des soins offerts par les infirmières praticiennes était équivalente et, dans certains cas, meilleure que les médecins. Les études de Seale, Anderson, et Kinnersley (2005, 2006) confirment également que les IPSPL

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fournissent des consultations plus longues et donnent plus d’informations aux patients que les médecins. Une autre revue de littérature, celle de Laurant et al. (2005) à l'égard des résultats-patients concernant la substitution des médecins par des IPS, révèle également un consensus quant à la satisfaction des patients envers les services rendus par une IPS. Cette étude démontre toutefois que les résultats reliés au suivi des maladies chroniques sont similaires dans le cas d’une consultation d’un médecin ou d’une IPS. Par ailleurs, les revues systématiques de Carter et Chochinov (2007) et Jennings, Clifford, Fox, O'Connell, et Gardner (2014) ont démontré que les IPSPL travaillant en milieu d’urgence ont un impact positif sur la qualité des soins et la satisfaction des patients, tout en réduisant le temps d’attente des patients.

Dans la revue systématique de Morilla-Herrera et al. (2015), des résultats positifs ont été identifiés suite à l’intégration des infirmières en pratique avancée dans un milieu de soins de longue durée, notamment en termes de diminution des réadmissions et d’une satisfaction augmentée. Les principales interventions des IPS dans ces milieux consistent en l’éducation au patient, des évaluations multidimensionnelles et la coordination entre les multiples fournisseurs de soins. Toutefois, les auteurs mentionnent qu’il est difficile de discerner les impacts spécifiques aux interventions des IPS en raison de leur insertion dans les équipes multidisciplinaires.

Dans un autre ordre d’idées, en raison des contraintes budgétaires de plus en plus importantes dans le système de santé, plusieurs auteurs se sont penchés sur l’impact économique de l’intégration des IPSPL dans les milieux de soins. Plusieurs études, incluant une revue systématique, démontrent le rapport coût- efficacité avantageux du rôle de l’IPSPL pour le système de santé (Bauer, 2010; Chen, McNeese-Smith, Cowan, Upenieks, & Afifi, 2009; Chenoweth, Martin, Pankowski, & Raymond, 2008; Martin-Misener et al., 2015; Perloff, DesRoches, & Buerhaus, 2016), en plus d’offrir des soins de qualité du moins équivalente à ceux des médecins (Newhouse et al., 2011). L’étude comparative de Dierick-van Daele, Steuten, et al. (2010), réalisée en Allemagne, démontre également des coûts moindres associés aux consultations des IPSPL en comparaison aux médecins. Au Québec, les statistiques indiquent qu’une infirmière praticienne coûte environ trois fois moins cher au système de santé qu’un médecin omnipraticien (Chassin & Moreau, 2016). Delamaire et Lafortune (2010) soulignent toutefois que l’économie engendrée par le salaire des IPSPL en comparaison à celui des médecins peut être contrebalancée par divers facteurs tels qu’un temps de consultation plus long et des consultations de suivi plus récurrentes des IPSPL. À plus long terme, ces facteurs peuvent néanmoins contribuer à des impacts positifs chez les patients en ce qui a trait aux résultats de santé, notamment par la prévention de complications et la diminution d’exacerbations des conditions chroniques.

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Finalement, l’un des principaux effets escomptés de l’intégration des IPS dans le système de santé, particulièrement en première ligne, était l’amélioration de l’accessibilité aux soins pour les patients. Plusieurs études ont démontré que la pratique des IPSPL répond adéquatement à cette demande en facilitant l’accès aux soins (Buerhaus et al., 2015; Donald, Martin-Misener, et al., 2010; Donelan, DesRoches, Dittus, & Buerhaus, 2013; Schadewaldt et al., 2013). Ammi, Ambrose, Hogg, et Wong (2017) soulignent d’ailleurs qu’une collaboration efficace IPSPL-médecin, telle que perçue par les patients, est l’un des principaux indicateurs d’une bonne accessibilité aux soins de première ligne. Les résultats d’une étude américaine démontrent également que l’accès aux soins primaires est significativement supérieur dans les états où les régulations permettent plus d’autonomie dans la pratique des IPSPL (Neff et al., 2018). Dans le même ordre d’idées, des cliniques dirigées par des infirmières praticiennes, tel que démontré précédemment avec le cas de l’Ontario, contribuent largement à l’amélioration de l’accès en soins primaires (Dicenso, Bourgeault, et al., 2010; Registered Nurses' Association of Ontario, 2011). Ce modèle d’offre de soins nécessite un ratio moindre de médecins de famille et contribue à faire diminuer les listes de clientèle orpheline en attente de prise en charge médicale.

La prochaine section aborde plus précisément les impacts des soins IPSPL en lien avec les indicateurs de santé pertinents dans le suivi des maladies chroniques stables.

2.3.1 Dans le contexte des maladies chroniques

Tel que mentionné précédemment, le rôle des IPSPL dans le domaine des maladies chroniques stables est d’assurer le suivi, dont la surveillance des signes, symptômes et paramètres biologiques, de maintenir ou d’ajuster le traitement pharmacologique ou non pharmacologique, de déterminer ou d’ajuster les plans d’action, de surveiller les effets du traitement, de prescrire des examens diagnostiques et demander l’intervention du médecin partenaire au besoin (OIIQ & CMQ, 2014). Depuis 2018, les IPSPL peuvent également amorcer un traitement pour six problèmes de santé chronique (OIIQ & CMQ, 2018).

L’étude d’Aleshire, Wheeler, et Prevost (2012) démontre que les soins fournis par une IPS ou par un médecin ont été jugés comme équivalents quant aux résultats sur les patients atteints d’une maladie chronique, notamment concernant le contrôle glycémique, le contrôle de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), la satisfaction du patient, la perception de sa santé, le contrôle de l’asthme, le contrôle de la pression artérielle, le statut fonctionnel et le contrôle des lipides (Aleshire et al., 2012). De fait, plusieurs études appuient ces résultats en démontrant l’équivalence des résultats des soins dispensés par les IPSPL en comparaison à ceux dispensés par des médecins pour les patients atteints de maladies chroniques (Horrocks et al., 2002; Lenz et al., 2004; Mundinger et al., 2000; Newhouse et al., 2011; Stanik-Hutt et al.,

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2013). Certaines de ces études démontrent même une amélioration de certains résultats chez les patients suivis par une IPSPL, tels qu’une diminution significative de la pression artérielle à long terme (Lenz et al., 2004) et un meilleur contrôle des lipides (Newhouse et al., 2011).

D’un autre côté, la collaboration interprofessionnelle incluant une IPSPL a fait ses preuves dans l’amélioration du suivi des maladies chroniques comme le diabète, l’insuffisance cardiaque et l’hypertension. Litaker et al. (2003) ont conduit une recherche pour examiner les soins fournis à des patients souffrant de diabète et d’hypertension par une équipe IPSPL-médecin en comparaison aux soins usuels fournis par des médecins de famille. Les résultats ont montré une amélioration significative, chez les patients suivis par une équipe IPSPL-médecin, en termes de paramètres biologiques (résultats de laboratoire de HbA1c et HDL) ainsi qu’une satisfaction augmentée, suggérant de meilleurs résultats de soins à long terme, incluant une diminution des complications, des hospitalisations et de la mortalité. Par ailleurs, une étude américaine a analysé deux cohortes de patients diabétiques de type 2, l’une suivie par une IPSPL et l’autre suivie par un médecin omnipraticien, pour observer si les résultats-patients différaient entre les deux prestataires de soins (Lutfiyya et al., 2016). Leurs résultats démontrent une diminution des coûts, une diminution de l’utilisation des services de santé de deuxième ligne, ainsi que de meilleurs résultats cliniques chez les patients suivis par une IPSPL, notamment en termes d’ulcères diabétiques, d’amputation des extrémités inférieures, ainsi que les résultats d’HbA1c et de lipides.

Dans une étude portant sur les soins fournis à des patients diabétiques, il a été démontré que les interventions des IPSPL ont diminué les résultats de glucose sanguin et d’hémoglobine glyquée de manière plus significative que leurs collègues médecins (Conlon, 2010). Il n’y avait toutefois aucune différence en lien avec la pression artérielle dans les deux groupes. Les auteurs expliquent cette différence par le fait que les IPSPL prennent davantage le temps de faire l’éducation à la santé, notamment en ce qui a trait aux éléments touchant le rôle de la médication, les principes de l’autogestion du diabète, la perte de poids, le suivi de la glycémie, la réduction des risques de complications et les conseils permettant d’éviter l’hyper/hypoglycémie. Il a également été démontré que la pratique des IPSPL auprès de la clientèle chronique a des effets positifs sur les résultats cliniques, la capacité fonctionnelle, l’impact sur la famille, la satisfaction du client et la diminution de l’utilisation des services de santé (Cumbie, Conley, & Burman, 2004; Ohman-Strickland et al., 2008)

Plus précisément, selon l’étude d’Ohman-Strickland et al. (2008) comparant les milieux de pratique ayant à leur actif des IPSPL ou seulement des médecins, les cliniques incluant des IPSPL étaient plus susceptibles de suivre les lignes directrices concernant la prise en charge et le suivi des patients diabétiques. Selon les

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résultats, les pratiques incluant des IPSPL étaient plus susceptibles d’évaluer les niveaux d’HbA1c, de lipides et de microalbumine urinaire. De plus, les patients suivis dans ces pratiques étaient plus susceptibles d’atteindre leurs cibles de cholestérol.

Pour répondre aux besoins des patients et du système de santé en constante évolution, l’expansion du rôle de l’infirmière en pratique infirmière avancée et des cliniques offrant des soins d’IPS est anticipée. La première ligne, la promotion de la santé ainsi que la prévention de la maladie sont devenues des éléments centraux du système de santé actuel et les IPSPL ont su faire leurs preuves dans la prestation de soins basée sur ces critères (Aleshire et al., 2012). De par ses compétences médicales et sa vision infirmière, l’IPSPL est dans une position idéale pour soutenir les patients dans la diminution de l’impact de la maladie chronique et de ses complications, d’où l’importance de développer son expertise spécifique à la discipline infirmière.

Il semble toutefois difficile de distinguer la valeur ajoutée des rôles d’IPSPL auprès de la clientèle aux prises avec une maladie chronique à travers des comparaisons constantes avec les médecins. C’est pourquoi il s’avère pertinent d’explorer la perception des patients et des IPSPL à l’égard des services rendus dans un but d’identification d’indicateurs de soins et de résultats plus sensibles aux soins infirmiers. L’étude synthèse de DiCenso, Martin-Misener, et al. (2010) va également dans ce sens en appuyant les recommandations de la Fondation canadienne pour l'amélioration des services de santé (FCASS), qui consiste à mener des recherches additionnelles sur la valeur ajoutée des rôles de pratique infirmière avancée. Il semble donc persister un manque d’évaluation concrète des soins IPSPL quant à la documentation des impacts de leurs pratiques auprès des patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques, ce qui est d’ailleurs souligné dans d’autres études (Sangster-Gormley et al., 2013; Sullivan- Bentz et al., 2010).

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