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Chapitre 5 : Résultats

5.2 Structure organisationnelle et offre de services en première ligne

5.2.1 Organisation des services

Le milieu visé regroupe des IPSPL, des infirmières cliniciennes, des médecins et plusieurs autres professionnels, qui seront décrits ultérieurement. Il offre des soins et des services généraux de santé par consultations avec et sans rendez-vous à environ 5000 patients6 inscrits à la clinique. L’offre de services en première ligne est organisée de sorte à favoriser l’utilisation optimale des champs de pratique de chaque professionnel. Les IPSPL décrivent l’organisation des services comme une trajectoire permettant au patient d’accéder à des soins de santé, sans nécessairement devoir consulter un médecin. De cette façon, le motif de consultation du patient est évalué et ce dernier est dirigé vers le professionnel adéquat pour répondre à ses besoins, dans un souci d’efficience.

Nous autres, on a une approche où on travaille vraiment avec la meilleure ressource prioritaire. Ça veut dire les infirmières cliniciennes d’abord; quand elles peuvent pas combler, c’est l’infirmière praticienne, pis si nous on peut pas combler, c’est le médecin. (IPSPL 1)

La mentalité, la vision du projet, c’est vraiment le meilleur professionnel pour le bon problème de santé, fait qu’on essaie vraiment que chaque professionnel aille aux limites, pousse le plus possible son champ d’expertise. (IPSPL 2)

6Cette statistique reflète le nombre d’inscriptions non-pondérées de la période durant laquelle la collecte de données a

été réalisée, soit janvier à mars 2018. Il est à noter que le nombre d’inscriptions pondérées s’élève à environ 7000 patients, ce qui tient compte des critères de vulnérabilité de la RAMQ. Les données récentes montrent un nombre croissant d’inscriptions.

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Cette organisation des services ne gravitant pas autour de l’offre de soins des médecins est perçue, autant par les IPSPL que par les patients, comme favorable à l’accessibilité aux soins de santé. En effet, avant d’être suivis par une IPS, la majorité des patients ont mentionné la difficulté d’accéder à des services en première ligne afin d’obtenir un suivi pour leurs problèmes de santé chronique, notamment dû aux heures limitées d’ouverture des cliniques médicales et la difficulté à se trouver un médecin de famille ou, tout simplement, pouvoir le consulter.

Je me rappelle dans la clinique médicale, c’était difficile d’avoir un rendez-vous, on était accueilli d’une manière assez froide. On devait faire la file, je me rappelle, on pouvait pas avoir un rendez-vous facilement, donc on devait arriver le matin tôt pour prendre un rendez-vous pour ensuite avoir une heure précise dans la journée et là on revenait. C’était une gamique bizarre. Tandis qu’avec [mon IPS], le vendredi, je crois qu’elle a son horaire donc là ils nous disent d’appeler à tel moment et ils peuvent nous donner un rendez-vous quand même rapidement, donc je trouve ça mieux avec elle. (Patient 10)

Et elle est pas mal plus accessible qu’un médecin, je trouve que c’est plus facile d’avoir des rendez-vous, c’est plus facile d’avoir un suivi. En tout cas, moi je remercie le bon Dieu d’avoir fait ça, des infirmières praticiennes parce que je te dis, je serais encore en train de courir après un médecin. Ça a vraiment eu du positif dans ma vie. (Patient 3)

La structure organisationnelle permet également aux patients une facilité d’accès aux services de santé en cas d’urgence. En effet, la clinique offre des plages horaires en accès adapté qui permettent aux patients de pouvoir consulter l’IPS dans un délai rapproché, soit la journée même ou le lendemain de leur demande, tel que mentionné par les participants. Les patients ont d’ailleurs associé cette offre de services à une meilleure accessibilité en comparaison à lorsqu’ils étaient suivis par un médecin de famille.

Et je sais que s’il arrive quelque chose, je suis capable de la voir en urgence. Elle est disponible pour ça. On n’a pas besoin d’attendre après un médecin pour avoir un rendez-vous. T’sais, avec un médecin, t’as pas un rendez-vous comme tu veux. Si je veux avoir un rendez-vous avec un médecin, je me fais dire qu’il y a plus de place, que c’est loadé, tandis qu’avec mon IPS, elle te fait une place, elle te crée une place. […] J’ai eu un petit accident dernièrement, […] ma pharmacienne a appelé [l’IPS] et elle a dit « bin qu’elle vienne tout de suite, je vais la prendre », donc ça a été tout de suite. On se sent privilégié avec elle. (Patient 9)

Un autre facteur facilitant le suivi des patients atteints de maladie chronique est le fait que les IPSPL offrent un accès téléphonique. Les patients peuvent appeler à la clinique puis leur message est transmis à l’IPS, qui les rappelle dans un délai minimal. Plusieurs participants (patients et IPS) ont identifié ce facteur comme favorable à un meilleur suivi puisqu’il permet d’accommoder les deux partis, notamment en évitant les déplacements inutiles pour les patients et en libérant du temps de consultation des IPS pour des patients ayant des conditions plus complexes et nécessitant une visite physique.

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Ils [les patients] ont toujours le droit de m’appeler quand ils ont une inquiétude sur leurs conditions, ex. « j’ai pris ma pression, c’est épouvantable depuis une semaine, qu’est-ce que je fais », bon bin j’appelle la pharmacie, on ajuste… (IPSPL 3)

Quand elle nous envoie prendre des prises de sang, quand elle reçoit les résultats, si y’a quelque chose qui marche pas, elle nous appelle. Même si y’a pas de problèmes, des fois elle peut nous appeler si elle a le temps, parce que je sais qu’elle travaille énormément! T’sais des fois elle nous appelle le dimanche pour donner un rendez-vous, ça montre à quel point elle est accessible! (Patient 8)

D’un autre côté, un patient a mentionné que la prise de rendez-vous s’avérait plus contraignante pour lui, considérant le fait que les patients ne peuvent prendre rendez-vous que deux semaines à l’avance pour l’accès adapté, dû au fonctionnement relié à la planification et à la sortie des horaires. En effet, les horaires ouvrent le vendredi pour les deux semaines à venir afin que les délais soient limités. Il mentionne toutefois qu’outre cette contrainte, la prise de rendez-vous se fait dans un délai minimal. Par ailleurs, une IPSPL a mentionné la possibilité de planifier des rendez-vous à l’avance pour certains types de suivis récurrents, tel que démontré dans une observation. En effet, un patient a pu confirmer la date de son prochain rendez-vous pour un suivi de dépression, prévu dans un délai de trois semaines. Ceci permet donc aux patients ayant besoin d’un suivi plus serré de ne pas devoir attendre la sortie des horaires pour la planification de leurs rendez-vous.

C’est plus le fonctionnement de la clinique qui fait qu’on peut pas prendre rendez-vous pour la semaine d’après avant une certaine date. En fait, moi ce qui me dérange le plus côté horaire de la clinique, c’est, par exemple, si je suis malade et que je veux la voir, je peux pas prendre un rendez-vous avec elle la semaine d’après si j’appelle pas quand les horaires sont sortis, donc le jeudi ou le vendredi. C’est juste une question quand j’y pense et quand j’ai du temps pour le faire et que ça tombe que je peux pas quand l’horaire est pas sorti, c’est plus ça, mais bon on s’adapte ! Comme je te dis, c’est vraiment plus dans la prise de rendez-vous parce que si j’appelle le vendredi, j’ai un rendez-vous dans la semaine qui suit. C’est juste la contrainte de devoir appeler le jeudi ou le vendredi. Mais en termes de temps, y’a pas de problèmes, on a des rendez-vous vraiment rapidement. (Patient 7)

Par ailleurs, pour offrir une bonne accessibilité, la charge de travail a été identifiée comme lourde par toutes les IPSPL. Ces dernières doivent couvrir les heures d’ouverture de la clinique autant dans le volet rendez-vous que dans l’accès adapté, ce qui correspond aux plages disponibles pour des patients sans rendez-vous faisant face à une complication ou une urgence nécessitant une consultation dans un délai rapproché. De plus, les IPSPL ont mentionné le nombre restreint de médecins dans la clinique pour offrir des services à la clientèle. Selon les participants, l’accessibilité de la clinique serait donc particulièrement reliée au service IP puisque les médecins ne sont pas toujours sur place pour répondre aux besoins des patients. La disponibilité 7 jours sur 7 des IPS a également été identifiée comme un facteur facilitant à l’accessibilité aux soins et à un meilleur suivi de maladie chronique.

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On tient 68 heures d’heures d’ouverture avec [X] médecins, [X] IPS, [X] infirmières cliniciennes7. Les heures d’ouverture sont couvertes par les IPS et les médecins. Pis on est là du lundi au vendredi de 7h30 à 19h30 et la fin de semaine et jours fériés de 9h à 13h. Fait qu’on est là quand même beaucoup pour couvrir ces heures-là. […] Par contre, nous [les IPS], on travaillait les fins de semaine, eux [les médecins] ils étaient là de garde pour nous. Ils sont pas toujours sur place, mais ils sont tout le temps joignables au moins par téléphone. Nous on a eu l’autorisation dans le projet d’avoir des périodes où les médecins sont pas là. Parce que sinon on serait pas arrivés, on n’aurait pas pu couvrir les heures d’ouverture. (IPSPL 1)

Ça me convient très bien, c’est même ouvert le samedi, c’est super pratique. T’sais elle m’a appelé samedi pour me donner un suivi parce qu’elle venait de recevoir mes résultats. C’est bon à savoir que c’est ouvert le samedi, parce que s’il se passe quelque chose dans la nuit de vendredi à samedi, bin je sais que je peux appeler au matin, c’est sécurisant. (Patient 6)

Le nombre moyen de consultations, tel qu’identifié par les IPS, est de 15 à 20 patients par jour. Les plages de consultations varient entre 15 minutes et une heure, dépendamment si le patient a été préalablement évalué par une infirmière clinicienne. Toutefois, les consultations de suivi de maladie chronique durent généralement 30 minutes. Quant à la répartition de leurs activités dans le temps, les IPSPL ont mentionné consacrer la majorité de leur temps au volet clinique en soins au patient, correspondant à environ 80 à 90% de leur travail, alors que le reste est consacré au volet plus administratif, par exemple la rédaction des notes infirmières, la révision des résultats de laboratoire et d’examens diagnostiques, la communication avec les autres professionnels, etc. Les observations ont également été révélatrices de cette charge de travail élevée. En effet, en plus des plages de rendez-vous saturées, les interruptions pouvaient être fréquentes lors d’une consultation IPS-patient, notamment en raison des appels téléphoniques du secrétariat, du pharmacien, du médecin, etc. Les IPS étaient également souvent sollicitées entre deux consultations pour gérer les demandes de médecins, d’infirmières ou autres. Pour pouvoir répondre à cette demande importante, une majorité d’IPSPL ont mentionné que leur charge importante de travail les oblige fréquemment à effectuer des heures supplémentaires, notamment en allongeant leur journée de travail ou en travaillant sur leur heure de dîner. Toutefois, la salle d’attente n’était jamais occupée au maximum de sa capacité et le délai d’attente pour les patients à leurs rendez-vous était très limité, ce qui semble démontrer un roulement efficace.

C’est quand même très chargé, je dirais que le temps supplémentaire c’est fréquent; les interruptions, c’est demandant mentalement. T’sais on est en train de voir un patient pis on peut recevoir cinq téléphones pendant qu’on voit le patient. Il faut rester concentré sur ton entretien, mais en même temps gérer le secrétariat, gérer un médecin qui t’appelle, gérer un pharmacien, gérer une demande de l’infirmière, en plus des résultats qui rentrent pis les résultats des professionnels absents qui rentrent qui faut gérer, donc ça vient demandant. (IPSPL 3)

7 Le nombre de professionnels travaillant à même la clinique est dissimulé dans un souci de confidentialité visant à ne

pas identifier le milieu étudié. Il est à noter que le nombre d’IPS et d’infirmières cliniciennes est le même et que le nombre de médecins correspond à la moitié du nombre d’IPS dans la clinique.

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Bref, ce modèle d’organisation de services permet de répondre aux besoins d’un large éventail de patients. Considérant le vaste territoire desservi par le CIUSSSCN, certains patients proviennent de régions plus éloignées. De fait, la gratuité du stationnement a été soulevée comme un facteur facilitant à l’accessibilité à leur professionnel en santé. Par ailleurs, selon les IPS interrogées, la clientèle desservie par la clinique est plutôt variée, autant en âge qu’en ce qui concerne les problèmes de santé. Bien que les femmes enceintes et les bébés fassent partie des patients pris en charge par les IPSPL, la majorité de leur clientèle est suivie pour un problème de santé chronique, généralement stable, mais incluant souvent des comorbidités, telles que des problèmes de santé mentale. L’offre de services touche également une clientèle provenant de milieux plus défavorisés8, donc ayant des besoins de santé parfois plus complexes et nécessitant des stratégies d’intervention adaptées à un niveau socioéconomique plus faible.

C’est une clientèle qui est variable, 0-100 ans. Je vois vraiment de tout, je fais des suivis de bébés, des suivis de grossesse, des suivis de maladie chronique, je fais des bilans de santé, je fais de la santé mentale, un peu de tout. (IPSPL 4)

Ça touche tout. Ici dans la clinique on a des gens qui ont beaucoup de bébés, on a aussi du suivi de grossesse, clientèle dans un milieu défavorisé, donc des problèmes de santé chroniques, multimorbidité, on en a beaucoup. Ça ressemble pas mal à ça, tous les groupes d’âges 0-100 ans. (IPSPL 1)

Par ailleurs, l’intra et l’interdisciplinarité font partie intégrante de l’offre de services en première ligne. En effet, plusieurs professionnels de la santé, incluant des infirmières cliniciennes, physiothérapeute, inhalothérapeute et plusieurs autres (voir verbatim ci-dessous), travaillent à même la clinique pour offrir un service plus complet aux patients. Les IPSPL décrivent cette variété de professionnels comme un facteur favorisant une meilleure complémentarité des services. Le personnel administratif est également inclus dans la trajectoire de soins du patient, puisque ce sont les secrétaires qui orientent le patient vers l’infirmière clinicienne ou l’IPS, selon un algorithme prédéterminé.

C’est assez varié quand même, on a le secrétariat, le staff administratif, [les infirmières] cliniciennes et praticiennes [spécialisées]. On a [X]médecins pour la clientèle inscrite, mais [X] qui travaillent à temps partiel dans la clinique. En termes d’autres professionnels, on a plusieurs autres professionnels : travailleuse sociale, psychologue, physiothérapeute, kinésiothérapeute, nutritionniste, inhalothérapeute, pis c’est pas mal ça. Donc on a une belle variété de professionnels. (IPSPL 3)

8 Pour définir le terme de défavorisation, le CIUSSSCN utilise un indice de défavorisation. Ce dernier ne consiste pas en

un indice de richesse ou de pauvreté, mais signale plutôt l’avantage ou le désavantage relatif de chaque territoire en le comparant à l’ensemble de la région. Il regroupe des indicateurs qui reflètent le bien-être matériel et la force du réseau social, tels que le revenu moyen, le niveau d’éducation, l’occupation d’un emploi et l’état matrimonial. Il demeure un outil pertinent pour décrire les conditions de vie ayant un impact sur la santé de la population (CIUSSS de la Capitale- Nationale, 2017).

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Plusieurs patients soulignent également que l’accès gratuit à une variété de professionnels est bénéfique pour le suivi de leur maladie chronique puisque cela leur permet de regrouper leurs soins à un même endroit, ce qui favorise la présence des patients à leur rendez-vous avec les divers intervenants requis pour leur suivi.

En plus, elle me fait voir plusieurs professionnels, elle m’a référé en nutrition, au kinésiologue et j’avais des problèmes de respiration donc elle m’a fait voir un inhalothérapeute tout de suite à la clinique, donc j’ai pas eu besoin de payer pour ça. Pis le physio, j’ai été référé pour ma hanche, j’ai eu deux séances de physio gratuites, la nutritionniste aussi je suis allée la voir trois fois. (Patient 2)

Quant à la réceptivité du rôle au sein de la clinique, les IPSPL n’ont pas senti de résistance de la part des médecins partenaires ou des autres professionnels. En effet, toutes les participantes ont qualifié la collaboration avec les médecins partenaires comme étant basée sur la confiance et le respect mutuel, en soulignant que le rôle IPSPL était très bien accepté par l’équipe médicale. Le modèle et l’arrimage de cette collaboration seront décrits de façon plus détaillée dans la prochaine section.

Ici ça va vraiment bien, sérieusement, je me sens à l’aise avec les médecins, je sais que la confiance est établie, on a des formations ensemble en commun. Aussi, il y a une bonne collégialité qu’on peut dire, dans le sens qu’on ne sent pas un niveau hiérarchique, on est capables de discuter ensemble, d’échanger, de se transmettre l’information autant de l’un et l’autre. Pis t’sais, vraiment, y’a une belle relation, ce que j’ai peut-être pas vécu antérieurement, qui était différente, mais ici, ça se passe super bien. Je me sens pas mal à l’aise d’appeler le médecin parce que les directives sont claires. T’sais le médecin, si j’ai un cas complexe, elle veut que je la dérange dans sa clinique, que je l’appelle. (IPSPL 4)

Outre les ressources humaines, les IPSPL ont mentionné avoir accès à plusieurs ressources matérielles pour assurer la prise en charge et le suivi de leur clientèle, incluant du matériel de soins de base, l’accès aux bases de données, ainsi que plusieurs logiciels tels que le dossier médical électronique et RxVigilance, utile pour la gestion de la pharmacothérapie.