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Chapitre 3 : Cadre de référence

3.2 Le Nursing Role Effectiveness Model (NREM)

Le NREM a été développé afin de contribuer à une meilleure compréhension de la contribution des infirmières en identifiant des résultats de soins chez les patients qui sont spécifiques aux interventions de ces dernières. Ce modèle propose ainsi une conceptualisation des résultats qui sous-tend que la contribution des infirmières à l'égard des patients découle de la relation entre les différentes composantes de leur rôle, soit dépendant, indépendant et interdépendant. (Irvine et al. 1998a, 1998b). Le NREM prend également en compte les différents facteurs inhérents à une situation de soins qui affectent nécessairement le travail des infirmières et leur impact chez le patient en termes de résultats.

Tel que mentionné précédemment, le NREM englobe trois dimensions pour évaluer la qualité et l’impact des soins infirmiers, soit la structure, le processus et les résultats. La structure inclut tous les facteurs qui affectent le contexte dans lequel les soins sont donnés et, par le fait même, l’impact des interventions infirmières sur les résultats de soins chez le patient. La structure se divise en trois dimensions, soit les variables reliées à l’infirmière, au patient et à l’organisation. Les variables reliées à l’infirmière font référence aux caractéristiques professionnelles telles que son niveau d’expérience, de connaissances et de compétences qui affectent la qualité de ses soins. Les variables reliées au patient réfèrent aux caractéristiques personnelles de ce dernier et comprennent entre autres l’âge, l’état de santé et de bien-être général à l’admission, la sévérité des problèmes de santé ainsi que la comorbidité. Ces variables peuvent donc affecter les résultats de soins et doivent donc être prises en compte dans l’évaluation de l’impact des soins infirmiers. Quant aux variables reliées à l’organisation, elles comprennent tout ce que l’organisation met en place au profit du personnel pour la prestation des soins, telles que les ressources matérielles et humaines, la dotation et la formation du personnel, le ratio infirmière/patients, la charge de travail et toutes les caractéristiques structurelles susceptibles d’affecter directement la qualité des soins infirmiers. D’un point de vue directement lié à la PIA, Sidani et Irvine (1999) ont adapté le NREM au rôle IPS en soins aigus, qui peut facilement s’appliquer au rôle IPSPL (Figure 3.1). Ainsi, les caractéristiques organisationnelles réfèrent également aux barrières et facteurs facilitants à l’exercice du rôle IPS, tel que l’étendue de pratique autorisée par l’établissement, l’acceptation par les autres membres de l’équipe de soins, le modèle de collaboration ainsi que l’autonomie et l’indépendance perçues par leur rôle.

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Figure 3.1 Le Nursing Role Effectiveness Model adapté à la pratique infirmière avancée (tiré de Sidani et

Irvine, 1999)

Source: Sidani, S., & Irvine, D. (1999), p.63 Figure 1. *ACNP: acute care nurse practitioner

La dimension du processus englobe toutes les activités constituant la pratique de soins et explore la façon dont les compétences du rôle infirmier s’inscrivent concrètement dans sa pratique. Irvine et al. (1998a, 1998b) divisent cette composante selon les différents rôles infirmiers, soit les soins directs, l’enseignement, la recherche et la gestion. Dans le cadre du présent mémoire, les compétences centrales de la pratique infirmière avancée selon Hamric et al. (2014), telles que détaillées dans la recension des écrits, ont été insérées dans chacune des quatre composantes proposées par Irvine et al. (1998a, 1998b). Tout d’abord, les soins directs constituent la compétence centrale du rôle IPS (Hamric et al., 2014) et se divisent selon le niveau de dépendance de leur rôle. Selon les auteurs du NREM, le rôle dépendant n’est pas applicable à la PIA, ce qui distinguerait les IPS des infirmières cliniciennes (Sidani & Irvine, 1999). Toutefois, au Québec, une partie de leur rôle est encore dépendante, considérant qu’elles doivent référer au médecin dans certaines situations, notamment lorsque la condition du patient nécessite un diagnostic, lorsque les soins requis par le patient dépassent leurs compétences, lorsque l’état du patient se détériore ou que le traitement du patient ne permet pas d’atteindre la cible thérapeutique (OIIQ & CMQ, 2018). Le rôle indépendant inclut les fonctions que l’IPS peut assumer sans référence médicale, incluant les activités d’évaluation physique et psychologique, la prescription de traitements pharmacologiques et d’examens diagnostiques5, ainsi que des activités de soins

5 Selon les modalités prévues par le Règlement des infirmières praticiennes spécialisées (décret n°84-2018 du 7 février

2018).

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telles que l’enseignement, la promotion de la santé et le suivi des patients présentant des problèmes de santé chronique stables. Quant au rôle interdépendant, il concerne les fonctions qui nécessitent l’IPS ainsi que d’autres membres de l’équipe de soins pour leur accomplissement. Ces fonctions incluent des activités de coordination et de collaboration interprofessionnelle permettant la continuité des soins. La deuxième fonction de la composante du processus est celle de la recherche, qui englobe l’incorporation des données probantes dans sa pratique et l’utilisation de ces dernières dans le développement de protocoles pratiques ainsi que la participation à des projets de recherche. La fonction l’enseignement comprend quant à elle la participation de l’IPS dans les activités de formation des étudiants infirmiers et médecins, en plus des programmes de formation des nouveaux membres de l’équipe de soins. Cette fonction fait également référence au rôle de leadership clinique et professionnel dans le cadre de la pratique IPSPL. Quant à la fonction de gestion, elle comprend la participation de l’IPS dans les comités organisationnels dans un but de développement et révision de politiques, procédures et protocoles. Elle comprend également les activités administratives ainsi que le leadership organisationnel à travers son rôle d’agent de changement auprès des pairs et de la clientèle.

La dernière composante du Nursing Role Effectiveness Model est celle des résultats. Celle-ci constitue le cœur de la présente étude. Les résultats issus de ce modèle sont spécifiques aux soins infirmiers et sont issus de la littérature. Irvine et al. (1998a, 1998b) ont ainsi conceptualisé les résultats en cinq catégories, qui sont cohérents avec l’adaptation de Sidani et Irvine (1999) pour la PIA : 1) la prévention des complications, 2) les résultats cliniques, 3) la connaissance de la maladie, du traitement et des effets secondaires, incluant l’adhérence du patient à ce traitement, 4) les résultats de santé fonctionnels, 5) la satisfaction du patient à l’égard des soins et 6) les coûts. Ces résultats s’inscrivent bien dans un contexte de maladie chronique, considérant que la progression et les symptômes de cette dernière peuvent être bien contrôlés si la personne participe activement et sérieusement à son traitement. Plus précisément et de manière cohérente avec le modèle, nous définissons les résultats cliniques comme tout indicateur de l’état de santé et de bien-être du patient, tels que le contrôle des symptômes et l’apparition de complications. Quant aux résultats de santé fonctionnels, ceux-ci réfèrent à tout indicateur relié à la fonction physique, cognitive, mentale et psychologique du patient, incluant sa capacité d’autosoins et sa capacité à assumer ses rôles social et professionnel.

3.2.1 Interdépendance des dimensions

Ce modèle conceptuel propose des relations d’interdépendance entre les composantes structure, processus et résultats. Tout d’abord, la structure influence le processus par l’intermédiaire de ses variables. En effet, la capacité de l’infirmière à assumer les différentes composantes de son rôle dépend des variables de la structure reliées au patient, à l’infirmière et à l’organisation. Par exemple, le contexte organisationnel dans

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lequel travaille l’infirmière a un impact considérable sur ses fonctions indépendantes et interdépendantes. Des variables telles que l’autorité prescriptive permise par l’organisation, le modèle de collaboration et la réceptivité de l’équipe de soins peuvent grandement affecter les activités de soins de l’IPS. D’un autre côté, la structure peut également avoir un effet sur les résultats. Par exemple, les caractéristiques organisationnelles telles que le modèle de collaboration entre les membres de l’équipe de soins ainsi que les variables reliées au patient (ex. âge, statut immunologique) peuvent diminuer les risques de complications et de taux de mortalité. Finalement, Irvine et al. (1998a, 1998b) postulent que le processus, par l’intermédiaire des fonctions indépendantes et interdépendantes des infirmières, peut directement affecter les résultats cliniques et fonctionnels ainsi que la satisfaction et les coûts.

3.2.2 Le Nursing Role Effectiveness Model pour l’évaluation de la pratique

infirmière avancée en première ligne

Sidani et Irvine (1999) ont constaté que la majorité des recherches existantes portant sur les résultats de soins des IPS avait comme lacune principale l’absence d’un cadre théorique, négligeant ainsi de démontrer la relation entre les interventions de ces professionnelles et les résultats de leurs soins, en plus de ne pas distinguer les résultats qui étaient spécifiques aux IPS. De fait, l’utilisation d’un cadre théorique ou conceptuel pour guider la recherche contribue à différencier les résultats de soins qui sont uniques à la pratique infirmière avancée. Le NREM est l’un des premiers modèles conceptuels à incorporer les composantes structure- processus-résultats du modèle de qualité des soins de Donabedian (1980) dans un but de différencier la contribution des infirmières par l’intermédiaire de résultats de soins spécifiques à leurs interventions auprès des patients. Par conséquent, ce modèle a été appliqué à la pratique infirmière avancée par Sidani et Irvine (1999) afin d’évaluer la pratique des IPS en contexte de soins aigus en se penchant plus particulièrement sur les résultats de soins découlant des interventions des IPS. Développé au Canada, ce modèle ajusté à la pratique infirmière avancée est une adaptation du NREM et est donc également une dérivation du cadre conceptuel de Donabedian (1980), intégrant les mêmes composantes de structure-processus-résultats. Considérant les caractéristiques spécifiques à la pratique infirmière avancée, ce cadre se penche plus particulièrement sur le rôle de soins direct de l’IPS. Ainsi, selon ce modèle, la sélection d’indicateurs de résultats est guidée par le rôle et les fonctions assumées par l’IPS ainsi que par le modèle de pratique particulier de l’IPS. Considérant la nouveauté du rôle IPS, ce modèle devient un outil permettant d’identifier les facteurs clés qui favorise non seulement l’implantation de ces nouvelles pratiques infirmières, mais également la pérennité de ces dernières par la mise en évidence de leur contribution unique au sein du système de santé.

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3.2.3 Intégration du modèle de Shuler

Afin d’ajouter une vision découlant de la pratique avancée, le modèle de Shuler et Davis (1993a) s’avère pertinent dans le cadre de référence de la présente étude. Bien qu’il soit considéré comme complexe, ce modèle est principalement axé sur le processus de la pratique des IPS. Il décrit le rôle IPS comme un facilitateur qui assiste le patient vers la santé et le bien-être à travers des activités de promotion de la santé et d’autosoins (Hamric et al., 2014). Les postulats du modèle de Shuler sont d’ailleurs semblables à ceux du modèle de McGill. Dans cet ordre d’idées, ces postulats sont : 1) les personnes (patients) sont des êtres physiologiques, psychologiques, sociaux, culturels, environnementaux et spirituels, 2) les personnes ont le droit d’accepter ou de refuser les soins de santé, 3) l’IPS et le patient sont des partenaires en termes de soins de santé, 4) la santé est un état dynamique et le bien-être est un processus continu, tous deux étant reliés aux aspects physiologique, psychologique, social, culturel, environnemental et spirituel du patient, 5) l’IPS assiste la personne dans un processus de bien-être et de promotion de la santé à travers des activités d’autosoins, 6) l’IPS agit comme un modèle de rôle lors de l’interaction avec la personne et peut influencer ses attitudes et ses comportements liés à la santé, 7) la personne peut apprendre à atteindre un niveau supérieur de bien-être en étant accompagné par l’IPS, 8) la famille a une grande influence sur les comportements de santé et doit donc être impliquée dans le processus de soins, 9) l’éducation à la santé peut améliorer la santé et le bien- être de la personne, 10) l’éducation à la santé est l’un des rôles les plus importants assumés par l’IPS, 11) le patient est un participant actif du processus d’enseignement et d’apprentissage et, finalement, 12) les capacités et les besoins d’apprentissage du patient évoluent tout au long de sa vie. De plus, le rôle de l’IPS est bien détaillé dans son continuum entre la médecine et la profession infirmière, qui résulte en des indicateurs de santé et de bien-être chez le patient, tels que les habiletés d’autosoins, les habiletés à fonctionner adéquatement socialement, l’adhérence au plan de traitement, la diminution de complications et d’exacerbations, l’amélioration de la qualité de vie, etc. (Shuler & Davis, 1993a, 1993b). La figure 3.2 présente ces indicateurs résultats-patient (patient outputs) qui découlent du processus de soins des IPS. Cette figure expose également les indicateurs de résultats envers l’IPS elle-même (NP outputs), incluant notamment l’identification de buts professionnels permettant de développer une pratique IPS plus expérimentée, afin de mieux répondre aux besoins du patient. En somme, ce modèle présente un cadre qui permet de définir le rôle unique des IPS en tant que prestataires de soins de santé.

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Figure 3.2 Indicateurs-patients identifiés dans le modèle de pratique IPS de Shuler

Source: Shuler, P.A., & Davis, J.E. (1993a), p.15.