Chapitre 5 : Vers la modélisation des dégradations des
5.3 Étude de l'orniérage
5.3.2 Résultats et analyses
Selon Brown et Cross [49], les ornières d'instabilité se produisent souvent dans les 7
à 10 centimètres de la surface. Ainsi, dans cette section, une analyse est réalisée sur la
localisation des déformations plastiques maximales lors du roulement tractif. On utilisera
uniquement l'écrouissage isotrope décrit par la loi Swift. Le module équivalent du pneu
est de 2.92M P a et il est considéré incompressible.
5.3.2.1 Chargement normal
Un chargement normal sous un eort maximal W = 32,5kN en présence d'un
coe-cient de frottementµ= 0,7est tout d'abord appliqué. On visualise les micro-déformations
plastiques équivalentes (εpleqv) dans le sens longitudinal (x) et latéral (y). Ces dernières sont
représentées sur les gures 5.21(a)et5.21(b) respectivement dans le plan y= 0 etx= 0.
La gure5.21(a)montre une zone de déformation maximale àz = 80mm et une deuxième
zone maximale àz = 15mm proche de la surface, (légalement) due à la présence des stries
(démontré par la gure 5.21(b)). Dans les deux cas, selon Brown et Cross [49], on se
re-trouve devant une situation d'ornière d'instabilité. Cependant la zone proche de la surface
de contact semble être à l'origine d'un uage de matériau précoce. Ce cas peut être
assi-milé à un roulement libre où on suppose que seule la charge normale est en action.
(a) (b)
Figure 5.21 Micro-déformation plastique verticale εpl
eqv sous chargement normal, (a) à
y= 0, (b) àx= 0
La gure 5.22montre les contraintes résiduelles de Von Mises dans le sens longitudinal
et le sens transversal. Dans le sens longitudinal, on remarque que les zones maximales se
situent aux bords de la zone de contact et proches de la surface de contact. Alors que
dans le sens latéral, elles se situent au bord du contact. Ceci est visiblement dû aux eets
de bord du pneu.
(a) (b)
Figure 5.22 Contraintes équivalentes résiduelles de Von Mises σV Mres sous chargement
statique, (a) à y= 0, (b) à x=−150mm
5.3.2.2 Roulement tractif
Il s'agit ici d'une accélération avec une charge normale de W = 32,5kN et un eort
tangentiel longitudinal Fx = 10kN avec un coecient de frottement µ= 0,7. La
micro-déformation verticale εpl
eqv est représentée sur la gure 5.23. La gure 5.23(a) montre la
micro-déformation dans le sens longitudinal (y= 0) et la gure5.23(b)dans le sens latéral
(x= 0). Le sens de déplacement étant de gauche vers la droite, nous remarquons que la
micro-déformation est maximale en surface et plus précisément dans la zone de glissement.
La gure5.23(b)montre la contribution des stries sur la déformation plastique proche de
la surface dans la zone d'adhérence. Avec l'application d'un eort tractif, on remarque
(a) (b)
Figure 5.23 Micro-déformation plastique verticale εpleqv pour une force d'accélération
Fx = 10kN, (a) à y = 0, (b) à x=−120mm
que la micro-déformation maximale est plutôt proche de la surface de contact et peut être
à l'origine d'un déplacement permanent dans le sens longitudinal dû à la présence de la
zone de glissement. La gure 5.24, montrant la contrainte principale maximale dans le
Figure 5.24 Contrainte principale maximale pour une force d'accélérationFx = 10kN
dans le plan longitudinal y= 0
plan longitudinal, vient illustrer ceci. Par ailleurs, on peut assister à un décollement de la
couche de surface en cas de présence de défaut d'interface comme le montre la photo de
la gure 5.25.
Figure 5.25 Défaut d'interface, délaminage
Les contraintes résiduelles de von Mises sont représentées sur la gure 5.26. Dans
le sens longitudinal (gure 5.26(a)), on remarque, comme dans la section précédente,
que la zone de contrainte maximale se trouve au bord du contact mais cette fois-ci plus
concentrée dans la zone de glissement. Dans le sens latéral (gure 5.26(b)), on remarque
que la contrainte est plus élevée aux bords du contact.
(a) (b)
Figure 5.26 Contrainte équivalente résiduel de Von MisesσV Mres pour une force
d'accé-lérationFx = 10kN, (a) à y= 0, (b) à x=−175mm
5.4 Conclusions
Ce chapitre a fait l'objet d'une application du contact pneu-chaussée vers une
modéli-sation des dégradations des couches de surfaces d'une chaussée. Les analyses menées
ap-portent des informations sur le comportement des chaussées en surface (surface supposée
lisse) sous un chargement avec un prol de pneu réel pour un comportement élastique et
un comportement élasto-plastique. Pour le comportement élastique il a été pris en compte
un béton bitumineux semi-grenu (BBSG) et pour le comportement élasto-plastique, une
grave bitume (GB). Pour ce dernier, un essai de compression uni-axial monotone a été
eectué sur une carotte de GB nous permettant d'avoir les caractéristiques matériau
pour les lois d'écrouissages utilisées ainsi que le module élastique. Les analyses eectuées
mènent à deux conclusions :
• Du roulement libre jusqu'au roulement tractif dans les giratoires en passant par une
accélération et un freinage en ligne droite, une analyse a été eectuée sur les
défor-mations principales par extension en surface. Celle-ci est faible pour un roulement
libre et de l'ordre de35µdéf entre les stries par rapport à un roulement tractif dont
le cas extrême est celui d'une roue motrice en giratoire qui est de l'ordre de278µdéf
sur le bord du pneu. On note également que la présence des stries du pneu a un
eet considérable sur les niveaux de déformation. En eet, l'utilisation d'un prol
de pneu lisse montre une diminution du niveau de déformation d'environ30 %.
• Une analyse faite sur l'état de déformation plastique montre le rôle des stries du pneu
sur l'apparition de zones de déformations plastiques élevées plus proche de la surface
même en chargement normal. Pour un roulement tractif, les chapitres précédents ont
montré, sur l'analyse de l'état de contrainte en sous couche, qu'avec la présence de
frottement la zone maximale de contrainte est plus proche de la surface de contact et
sous la zone de glissement. Il est donc observé dans ce cas que la zone de déformation
plastique maximale se situe presque en surface et s'étend jusqu'à 1,5 centimètre.
La déformation maximale est presque en surface, le uage du matériau sera donc
imminente pour un comportement visco-plastique à une température avoisinant les
60◦C.
Conclusions
Prédire les dégradations des chaussées et plus particulièrement des couches de surface
et éventuellement prolonger leur durée de vie reste de nos jours un dé majeur pour les
constructeurs de route dans le monde entier. Pour cela, il est nécessaire de se procurer
des moyens ecaces pour approfondir les études sur ces problématiques an de mieux
concevoir les chaussées pour une meilleure durée de vie et une maintenance réduite.
D'autant plus que l'ère numérique nous permet de développer un outil robuste et bien
adapté pour la prédiction des ornières d'instabilité et du Top-Down Cracking qui sont
des dégradations devenues de plus en plus fréquentes.
Ce document a proposé l'étude générale du contact roulant et particulièrement le
contact roulant pneu-chaussée par une approche de la mécanique du contact. L'interaction
pneu-chaussée et l'eet de cette interaction sur la réponse mécanique de la chaussée a
été analysée. La méthode Semi-analytique (SAM) utilisée a permis un couplage entre le
modèle de contact et la réponse mécanique de la couche de roulement. Tout d'abord,
un modèle de contact roulant tractif élastique, basé sur la théorie de Kalker [98], a été
implémenté. Ce modèle a ensuite été étendu pour la prise en compte d'un comportement
élasto-plastique des corps en contact d'où le contact roulant tractif élasto-plastique. Les
résultats obtenus de ces deux derniers modèles implémentés dans un code semi-analytique
ont été comparés de manière cohérente aux résultats numériques et analytiques issus
de la littérature et ont permis de conclure à une bonne précision de notre modèle. La
validation pour des cas académiques simples (contact sphère/plan) a été réalisée. Une
application a ensuite été eectuée pour la modélisation du contact roulant pneu-chaussée
en 3D. Pour cela, une étude de caractérisation du pneumatique du poids lourd sous une
pression de gonage a été menée. Supposé incompressible, homogène isotrope et élastique
et caractérisé par un module de Young équivalent dépendant de la pression de gonage,
le pneumatique a été modélisé par la numérisation de son prol (dépendant également
de la pression de gonage). La technique utilisé pour cette numérisation a reposé sur
deux méthodes optiques : méthode de projection de franges (FPM) ou photogrammétrie.
Celles-ci ont permis d'obtenir un prol de pneu proche de la réalité. La pression de contact
obtenue a été validée par des mesures expérimentales issue d'un système de mesure
nommé TekScan. L'application d'un eort tangentiel dans le cas d'une accélération, d'un
freinage, du virage a également été présentée. Enn, des analyses ont été menées sur
l'étude du top-down cracking (TDC) et des ornières d'instabilité (ornières proches de la
surface). Pour le TDC, la chaussée a été supposée homogène isotrope élastique modélisé
par une couche semi-innie de béton bitumineux semi grenu (BBSG). Dans l'analyse
de l'orniérage, une couche semi-innie de grave bitume, supposée élasto-plastique a été
décrite par un écrouissage isotrope (loi Swift) puis cinématique (loi Armstrong-Frederick).
Les diérentes études menées conduisent aux conclusions suivantes :
− Contact roulant tractif.
Pour le modèle élastique comme pour le modèle élastoplastique, l'eort tangentiel et le
coecient de frottement ont un eet considérable sur les champs mécaniques dans la
couche de surface. Une concentration des contraintes est observée proche de la surface
si on augmente les eorts tangentiels et les coecients de frottement. Le cisaillement
surfacique obtenu a démontré la présence d'une zone de glissement et d'adhérence sur
la surface de contact où on remarque que la zone de glissement a une forte inuence
sur le comportement mécanique du matériau. Dans le cas élasto-plastique, la profondeur
de contrainte maximale pour une charge tangentielle faible est de 0,6a alors que pour
une charge tangentielle élevée elle se situe proche de la surface. Lorsqu'on augmente le
frottement, la valeur maximale du cisaillement augmente également et se concentre sur le
bord du contact. Parallèlement, on observe une diminution de la zone de glissement au
prot de la zone d'adhérence. En conclusion, un coecient de frottement élevé permet une
bonne adhérence du pneu sur la chaussée et donc une diminution du risque de dérapage
des poids lourds mais une dégradation locale accélérée de la chaussée par ssuration.
− Contact pneu-chaussée.
Les résultats numériques obtenus par la méthode semi-analytique et les mesures par le
dispositif TekScan ont montré que la pression de contact est loin d'être uniforme et qu'à
une charge normale élevée pour une pression de gonage normale, la surface de contact
est quasi rectangulaire. La pression de contact maximale obtenue est quasiment le double
de la pression de gonage du pneu et n'avoisine pas cette dernière contrairement aux
hy-pothèses faites par les programmes ALIZE et ILLI-PAVE. Pour une pression de gonage
de 820 kPa et une charge normale de 35 kN sur une plaque en acier, la pression maximale
obtenue par notre modèle semi-analytique est de 1576 kPa et celle obtenue par la mesure
TekScan est de 1532 kPa. Bien que l'état de surface de la chaussée soit lisse, en statique
comme en dynamique (roulement tractif), on remarque que les stries du pneu ont un
eet considérable sur l'état de contrainte en surface comme en profondeur. Chaque strie
représente une bande cylindrique occasionnant un eet de bord qui causent une
concen-tration de contrainte. En dynamique, la variation du coecient de frottement à un eet
remarquable sur la contrainte de cisaillement surfacique.
− Top-down cracking.
L'analyse actuelle, basée sur la méthode française de dimensionnement des chaussées,
prend en compte uniquement les ssures se propageant du bas vers le haut et le calcul de
la durée de vie porte sur l'étude des déformations de traction dans les couches de surface.
Dans notre modèle, pour étudier le Top Down Cracking, nous avons analysé des
défor-mations de traction sous diverses formes de chargement en dynamique (roulement libre,
accélération, freinage, virage) et nous avons montré que la micro-déformation obtenue en
surface pour le cas d'une roue libre en virage est plus importante que pour les autres cas
d'accélération et de freinage en ligne droite ou moins encore pour une roue libre en ligne
droite. Nous pouvons donc conclure que l'agressivité des poids lourds sur les chaussées est
maximale dans les virages et dans les giratoires. L'analyse sur les directions de traction
principales ont également donné un aperçu sur les directions des ssures dans le sens
lon-gitudinal au bord du contact. En conclusion, notre modèle a permis de démontrer que les
chaussées sont plus agressées en surface en prenant en compte la réalité du pneumatique,
conséquence ignorée par les méthodes classiques.
− L'orniérage.
Le modèle de contact roulant tractif élasto-plastique a permis de faire quelques analyses
et remarques sur la déformation permanente de la chaussée localisée en surface ou proche
de la surface. Pour les lois d'écrouissage choisies, les paramètres des matériaux sont
dé-terminés à une température de 40◦C an d'être proche de la température d'orniérage
(supposée à 60◦C). Nous avons remarqué que, même en chargement statique, la présence
des stries montre des zones de déformations maximales proches de la surface (dans les
15 premiers centimètres) quand bien même la déformation est de l'ordre du millième de
micro-déformation. Le roulement tractif en accélération a provoqué une augmentation
de quelques centièmes de micro-déformation dont la zone maximale est plus proche de
la surface de contact. Toutes ces remarques prouvent que la modélisation des ornières
d'instabilité devient de plus en plus importante de nos jours.
L'utilisation d'un modèle semi-analytique plutôt que éléments nis a conduit à un
gain en temps de calcul. Pour un contact roulant tractif élasto-plastique pneu-chaussée,
le temps CPU pour un ordinateur classique actuel (Type Intel Core i5, RAM 8 Go) est de
25803 s. Ce modèle nous permet alors d'envisager de nombreuses études paramétriques
sur le pneu et sur la chaussée en vue de pouvoir cerner complètement la problématique
des dégradations de chaussées.
Dans le document
Modélisation avancée du contact pneu-chaussée pour l'étude des dégradations des chaussées en surface
(Page 191-200)