Chapitre 1 : État de l'art
1.7 Mécanique du contact
1.7.3 Contact roulant
1.7.3.1 Concepts de base
On peut distinguer deux formes de mouvement pour une roue en déplacement : un
mouvement de glissement pour lequel tous les points de la roue ont la même vitesse que
le centre de gravité de la roue et un mouvement de roulement pur qui est composé d'un
mouvement de translation et d'une rotation des points autour de son centre de gravité
avec une vitesse angulaire spécique. En roulement pur, la vitesse angulaireωdevrait être
égale à v0/r0 où v0 est la vitesse d'avance et r0 le rayon de la roue. Dans le roulement
pur, au point de contact, la composante de vitesse due à la rotation équilibre celle du
glissement. Le point de contact est ainsi xe et sert de centre de rotation instantanée. La
gure 1.14(a)donne une illustration du roulement pur.
v
0v
0r
0r
0ω
r0
ω
r0ω
r
0ω
(a)
v
0v
0r
0r
0r
2v
0+ r
0'
r
0r
0= v0/r0+ '
(b)
Cependant, la roue peut ne pas être en rotation qu'avec la seule vitesse angulairev0/r0.
Il peut y avoir un dépassement de vitesse dû à l'inertie ou une diminution due à toutes
formes de résistance au roulement. Si cette dernière est notée ω0 alors ω = v0/r0 +ω0.
Dans ce cas, le point de contact n'est pas xe mais un mouvement relatif existe entre les
surfaces en contact. Il y a donc un roulement glissant. Ceci est illustré par la gure1.14(b).
Selon cette dénition, un frottement se produit quand il y a un mouvement relatif
entre l'interface des deux corps en contact. Ainsi, dans le roulement pur, aucune vitesse
relative n'existe à l'interface, aucun frottement n'apparait. D'autre part, pour un
roule-ment glissant, une vitesse diérente de zéro au point de contact implique un mouveroule-ment
relatif entre les points matériels en contact et donc une force de frottement. Notons que,
contrairement au mouvement relatif global des corps en contact, cette force s'oppose au
mouvement relatif à l'interface. En eet, cette force de frottement permet à la roue un
changement de vitesse de roulement. Pour freiner ou accélérer cette roue en roulement,
un couple doit être appliqué à cette dernière an de produire respectivement une
dimi-nution ou une augmentation de vitesse. Par conséquent, un mouvement relatif se produit
au contact et génère la force de frottement nécessaire dans la direction désirée an de
changer l'accélération ou le ralentissement de la roue. Une illustration de ce phénomène
est présentée sur la gure 1.15.
r
0F
Sens du roulement
(a)
ω'
F
Sens du roulement
(b)
Figure 1.15 (a) Accélération et (b) freinage d'une roue par application d'un couple C.
Généralement pour un corps rigide en roulement, le point en contact adhère
instanta-nément à l'autre surface (roulement pur) ou glisse (roulement-glissant). En réalité, puisque
les solides en contact sont déformables, ils génèrent une surface de contact. Il existe sur
cette surface des points qui subissent des déformations et peuvent inuencer la vitesse
re-lative de ces points mais les vitesses rere-latives dues au mouvement de corps rigides peuvent
être compensées par la déformation élastique des corps. Ceci peut se produire sur une zone
à l'intérieur de la surface de contact, appelée la zone d'adhérence, où les points
corres-pondants sont collés les uns aux autres. Pour d'autres points dans la zone de contact
mais à l'extérieur de la zone d'adhérence, les vitesses des corps rigides dépassent la
contri-bution élastique et les points correspondants commencent à glisser l'un avec l'autre. Ce
phénomène s'appelle le micro-glissement [87]. Kalker [91] a repris une dénition de
Car-ter [92] dénissant ce phénomène et introduisant les glissements relatifs de corps rigide(ou
pseudoglissements) longitudinal et latéral ( creepages ) et de pivotement ( spin ).
1.7.3.2 Théorie de Carter
Carter [92] fut le premier à développer une solution analytique pour le contact roulant
(tractif) avec une application au contact roue-rail en 1926. Fromm [93] proposa en
1927 une théorie similaire à celle de Hertz pour l'analyse du glissement de disques
élas-tiques roulants. Carter s'est intéressé particulièrement aux forces tractives et de freinage
des roues des locomotives et a basé son travail sur des études de Reynolds sur les courroies.
Pour la résolution, Carter a ramené le problème à un contact cylindre sur plan [92].
Pour un cylindre roulant sur un plan en régime stationnaire, avec un taux de glissement
donné, la pression de contact est estimée par la formulation de Hertz. Ainsi, la surface
de contact s'étend sur une largeur de 2a (selon Hertz). Carter a montré que lorsqu'il y a
roulement entre deux corps en présence de frottement, il y a apparition de cisaillement
à l'interface des surfaces en contact et on observe sur la surface de contact, une partie
en adhérence et l'autre en glissement. Le cisaillement total en surface est donné par
l'equation (1.19).
qx =qx0 +q00x, (1.19)
où
q0x=µp0
r
1−x
a
2
−a≤x≤a,
q00x =−(a−d)
a µp0
s
1−
x−d
a−d
2
−a+ 2d≤x≤a,
(1.20a)
(1.20b)
2détant la largeur de la zone de glissement,µreprésentant le coecient de frottement et
p0 la pression maximale selon Hertz. Une représentation de la distribution du cisaillement
est montrée à la gure 1.16. An de relier le glissement relatif longitudinal à la force
qx = q' + q''
q''
q' = µp(x)
qx
x
a a
a-d a-d
d d
Glissement Adhérence
Sens du roulement
Figure 1.16 Distribution de la contrainte de cisaillement selon la théorie de Carter
pour un contact roulant cylindre/plan
de traction longitudinale, Carter a déni une relation entre d et cette dernière selon
l'équation (1.21) sur la surface de contact :
d=a 1−
s
1− Q
µN
!
(1.21)
oùN est l'eort normal et Qest l'eort tangentiel total (ou eort tractif). Il dénit alors
le taux de glissement tangentiel selon la direction longitudinaleξx par :
ξx =−µa
R 1−
s
1− Q
µN
!
(1.22)
oùR est le rayon de courbure du cylindre.
Ainsi, le problème d' adhérence/glissement fut résolu malgré une résolution
uni-dimensionnelle. Elle a été amélioré plus tard par Haines et Ollerton [94] par la théorie
des bandes pour une extension bidimensionnnelle suivi de la théorie de Vermeulen et
Johnson [95]. Les limites de ces deux dernières théories seront démontrés plus tard par
Kalker [91]. Après Carter et Fromm, Cattaneo [96] puis Midlin [97] se sont penchés sur le
problème de glissement partiel mais pour un mouvement de type débattement . Leur
solution analytique est également unidimensionnelle. Une surface de contact sphérique sur
laquelle est appliquée un eort normal et tangentiel est considérée. Un anneau de micro
glissement est alors observé autour d'une zone centrale d'adhérence.
1.7.3.3 Théorie complète de kalker
Les travaux de Kalker ont considérablement contribué à la résolution des problèmes
de contact roulant. Bien que son application soit restreinte au départ au contact roue sur
rail, on peut l'étendre à d'autres applications. Initiée par la théorie linéaire [91], elle a
subit des améliorations jusqu'à la théorie complète [98]. Cette dernière théorie considère
toutes les combinaisons possibles des glissements tangentiels et de pivotements pour deux
solides de révolution élastiques quelconques en contact. La théorie complète de Kalker
est basée sur le principe de l'énergie complémentaire maximale. Cette théorie s'appelle
parfois la théorie variationnelle de Kalker parce qu'utilisant une approche variationnelle,
le problème de contact roulant est formulé sous sa forme faible et la solution trouvée
remplit les conditions de l'hypothèse de l'espace semi-inni élastique et des conditions
limites du contact roulant en surface.
La théorie de Kalker est basée sur les hypothèses suivantes :
• les matériaux sont homogènes, élastiques linéaires
• les massifs semi-innis
• la loi de frottement est celle de Coulomb
La théorie de Kalker est mise en application dans un code numérique appelé
CONTACT [99]. Dans ce code de calcul, la surface de contact potentielle est une donnée
d'entrée. Cette surface est alors discrétisée par des éléments rectangulaires de même
taille. La pression et le cisaillement de contact sur chaque élément sont constants.
Le problème de contact normal est résolu en premier en utilisant un algorithme appelé
NORM. Les équations de Boussinesq-Cerruti pour les espaces élastiques semi-innis sont
utilisés pour relier les déformations surfaciques aux pressions de contact. Pour trouver
la surface de contact de la zone potentielle du contact, un processus itératif est opéré
dans l'algorithme NORM. Cet algorithme est habituellement la partie numérique la plus
exigeante du code CONTACT en cas de contacts non-hertziens.
Après l'obtention de la distribution de pression sur la surface de contact, la contrainte
de cisaillement sur chaque élément est calculée en utilisant l'algorithme TANG. Des
équations linéaires de glissement dans la zone d'adhérence et des équations non linéaires
de contraintes de cisaillement dans la zone de glissement sont résolues par TANG. Les
équations non linéaires exigent alors un solveur non linéaire tel que la méthode
itérative de Newton-Raphson.
Pour des matériaux non quasi-identiques en contact, les problèmes normaux et
tan-gentiels de contact sont couplés et ne peuvent pas être traités indépendamment. Dans ce
cas, Kalker a développé un algorithme appelé KOMBI utilisé dans CONTACT. KOMBI
est une modication de l'approche de Panagiotopoulos [98], où le problème normal est
alors résolu en supposant un contact sans frottement. La partie tangentielle est résolue
considérant l'eet normal précédemment calculé. Le contact normal est de nouveau résolu
considérant l'eet de la solution tangentielle. Ce processus est répété jusqu'à convergence
de la solution. Kalker avait mentionné que l'algorithme KOMBI ne converge pas
tou-jours [98].
Le schéma itératif utilisé pour trouver la surface de contact dans NORM et la
so-lution du système d'équations non linéaires avec TANG, font du code CONTACT un
code numériquement exigeant. Par conséquent, il est rarement utilisé dans une
simula-tion en dynamique. CONTACT est habituellement employé comme référence pour évaluer
d'autres modèles rapides et ecaces dans le cas des contacts non conformes.
1.7.3.4 Contact Hertzien avec frottement
Dans leurs travaux Al-Bender et De Moerlooze [100] ont mentioné qu'avant que
n'im-porte quel pré-roulement soit initié, un champ de cisaillement existe sur la surface de
contact dû au chargement normal de celui-ci. La valeur initiale du champ de cisaillement
nécessaire pour résoudre le problème de pré-roulement, peut être calculée en considérant
un contact axi-symétrique hertzien entre une sphère et une surface plane. En supposant
un chargement normal de la sphère avec prise en compte du frottement entre celle-ci et sa
surface de contact, le champ de cisaillement résultant qxy est donné par Hills et al. [101]
selon l'équation (1.23).
qxy(r)
µp0
=√
1−r2−rH(rs−r)
Z r
sr
Ψ(t, rs)
t2√
1−t2dt (1.23)
où 0 < r < 1 est la coordonnée radiale adimensionnelle (la surface de contact se situe
dans le plan (x, y)), r = px2+y2/a, a étant le rayon de la surface de contact donné
par eq.(1.15),rs est le rayon adimensionnel de la zone d'adhérence, µ est le coecient de
frottement local, p0 est la pression maximale selon eq. (1.17),
H(p) =
(
1, if p≥0,
0, if p <0. (1.24)
est la fonction de Heaviside, et Ψ(t, rs) est donnée par des formulations intégrales
(cf. [100]). Une fois en roulement total, ce champ de cisaillement (équation (1.23)) sert de
valeur initiale au roulement pour calculer le cisaillement.
1.7.4 Généralités sur les modèles numériques de la mécanique du
Dans le document
Modélisation avancée du contact pneu-chaussée pour l'étude des dégradations des chaussées en surface
(Page 55-61)