Chapitre 1 : État de l'art
1.5 Contact pneu-chaussée
Outre la structure et les matériaux, la performance et la durée de vie des chaussées en
service sont énormément inuencées par le chargement mécanique et thermique. Les
prin-cipales charges mécaniques sont provoquées par les véhicules et transmises à la surface de
la chaussée par les pneus. L'état de l'art eectué sur les dégradations des chaussées et plus
précisément en surface (section 1.4) a montré clairement que les chaussées se dégradent
sous l'eet combiné de la température et du chargement. Ce dernier joue un rôle très
important dans le dimensionnement de la structure et plus précisément des couches de
surface qui sont en contact direct avec le pneumatique des véhicules. Ainsi une conception
durable des chaussées exige une connaissance profonde de leur comportement structurel
sous le chargement roulant des pneumatiques. Des chercheurs se sont intéressés aux
pro-blématiques des contraintes du contact pneu-chaussée au travers d'études expérimentales
et numériques. Ces travaux sont résumés dans cette partie.
1.5.1 Mesures expérimentales des contraintes du contact
pneu-chaussée
Pour le contact pneu-chaussée, il est nécessaire d'avoir des informations sur la taille
et la forme de la zone de contact et les contraintes générées par leur interaction. On
remarque que dans de nombreux travaux, les chercheurs ont utilisé et continuent d'utiliser
une surface de contact rectangulaire ou circulaire dans l'analyse de chargement pour le
calcul [2, 4, 5] en dépit d'une forme réelle plus complexe. Cette erreur de simplication
de la représentation peut surestimer l'aire de contact et la localisation des contraintes sur
chaque strie du pneu. D'ailleurs, de leurs mesures expérimentales avec le système SIM
(Stress In Motion), De Beer et al. [25] ont montré que la surface de contact est loin d'être
correcte lors d'une simplication uniforme rectangulaire ou circulaire d'autant plus que
la contrainte n'est pas uniforme sur toutes les stries du pneu (gure 1.5).
(a) Pression de contact (b) Empreinte
Figure 1.5 Pression de contact pneu-chaussée en 3D mesurée pour une charge de 31
kN avec une pression de gonage de 690 kPa (a), et l'empreinte du pneu associée (b) [25]
Il existe plusieurs systèmes de mesures des contraintes du contact pneu-chaussée
où la précision dépend de l'interface de frottement entre le pneu et le capteur de
mesure dans la zone de contact, la force de roulement appliquée, la vitesse de roulement
ainsi que les caractéristiques de la surface de contact. Les premiers à avoir mesuré la
distribution de la pression de contact pneu-chaussée sont Marshek et al. [66] en utilisant
des lms sensitifs. Ils ont montré que la distribution de la pression de contact n'est
pas uniforme. En utilisant des jauges de déformation intégrées sur la chaussée avec des
instruments bien adaptés, Ford et Yap [67] ont mesuré les contraintes de contact pour
une vitesse de roulement faible et ont montré qu'à une charge constante, la variation de la
pression de gonage inuence les contraintes dans la zone centrale de la surface de contact.
De Beer [68] a eectué sa première mesure des contraintes de contact pneu-chaussée par
le VRSPTA (Vehicule-Road Surface Pressure Transducer Array) qui fut par la suite
déve-loppé et nommé SIM [25]. Les données issues ont été utilisées par de nombreux chercheurs
notamment Wang et Al-Qadi [69] pour prédire les réponses mécaniques de la chaussée.
Le VPSPTA est constitué principalement par des rangées de goupilles de jauges de
défor-mation à trois axes xées sur une plaque en acier, ainsi que d'autres goupilles de soutien
supplémentaires non instrumentées qui sont quand à elles xées autour et aeurant la
surface de la chaussée [70]. Ce système est conçu pour prendre des mesures aux vitesses de
roulement de 1km/h jusqu'à 25km/h, et des charges jusqu'à 200kN verticalement et à
20kN horizontalement. Quelques résultats obtenus à partir de ce système de mesures par
De Beer et al. [70] sont présentés sur la gure1.6. Diérents chargements à une pression de
gonage donnée y sont représentés. Ces résultats montrent que la distribution de pression
sur le contact est non uniforme ainsi que les cisaillements transversal et longitudinal.
Figure 1.6 Mesures des distributions de contrainte du contact pneu-chaussée avec le
système de VRSPTA pour un déplacement lent (1.2km/h) en roulement libre d'un pneu
lisse de camion de type single. Les èches indiquent la direction et le sens de roulement
du pneu pendant la mesure [70]
Douglas et al. [71] ont développé un dispositif de transducteurs en acier sur plusieurs
rangées pour mesurer les contraintes de contact verticales et tangentielles dans le but
d'évaluer les dégradations en surface. Ils ont constaté que les contraintes normales sont
fortement non uniformes sous charges lourdes à faible pression de gonage, et que les
contraintes longitudinales à l'arrière de la zone de contact sont signicativement élevées
lorsque la pression de gonage est plus faible.
1.5.2 Modélisation du contact roulant pneu-chaussée
Les études expérimentales étant limitées par les coûts et la complexité du matériel
d'essai, les modélisations ont l'avantage de pouvoir facilement étudier la structure de la
chaussée, la structure de pneu, la charge de pneu ainsi que la vitesse. La modélisation
de l'interaction entre le pneu et la chaussée par l'intermédiaire de l'approche par la
mécanique du contact, comme les propriétés des matériaux non linéaires, les phénomènes
de transition du contact roulant, le comportement complexe du pneu, et le frottement à
l'interface du pneu et de la chaussée représente un dé à relever pour cette étude. Face à
la complexité du problème de contact pneu-chaussée et donc la diculté de le résoudre
avec une méthode purement analytique, des modèles numériques par la méthode des
éléments nis (FEM) ont été développé.
Pour modéliser le contact roulant pneu-chaussée en régime stationnaire,
Nacken-horst [72] puis ensuite Ziee et Nackenhorst [73] ont utilisé la méthode des éléments
nis (FEM) couplée à la méthode ALE (Arbitrary Langragian-Eulerian). Cette dernière
méthode consiste à décomposer un mouvement φ en un pur déplacement de corps rigide
que l'on peut noter χ et en une superposition de déformation notée φˆ. Ceci peut être
observé sur la gure 1.7. Ils ont jugé leur approche assez able comparée à l'approche
analytique. Les premières approches éléments nis utilisées dans la résolution du
pro-blème du contact roulant en régime stationnaire ont été développé par Oden et Lin [74]
et Padovan [75]. Leurs théories étaient basées sur des cinématiques planes. La méthode
ALE a été tout récemment utilisée par Wollny et al. [76] pour modéliser le phénomène
de l'interaction pneu-chaussée. Cette étude, beaucoup plus focalisée sur la réponse
mé-canique de la chaussée, a permis d'étudier le comportement de celle-ci sous un contact
roulant en régime stationnaire avec la formulation ALE.
Figure 1.7 Description des corps roulant par la méthode Arbitrary Langragian-Eulerian
(ALE) [73]
Un modèle éléments nis donnant des résultats appréciables a été simulé par Wang et
al. [77]. Partant d'une modélisation éléments nis sous ABAQUS, ils ont étudié le contact
an de déterminer la distribution des contraintes surfaciques à l'interface pneu-chaussée.
Le pneu et la chaussée sont tous deux modélisés en éléments nis. Un résultat de leur
simulation est présenté sur la gure1.8. Pour modéliser le roulement en régime permanent,
ils ont fait également appel à la méthode ALE. Dans leurs travaux, ils ont mentionné que
la non uniformité de la contrainte verticale diminue lorsque la charge appliquée augmente,
alors que celle-ci augmente avec la pression de gonage. Dans une comparaison entre une
condition statique, en roulement libre et en freinage, Wang et al. [77] ont montré que les
contraintes transversales en roulement libre sont plus faibles que celles en statique et que
le freinage provoque une diminution de ces contraintes.
(a) (b)
Figure 1.8 Simulation du contact pneu-chaussée par méthode éléments nis : (a) Pneu
sous condition de chargement, (b) Pression de contact en condition statique. [77]
Surface de contact en condition d'accélération et de freinage
Dans un recueil de recherche sur les contact intitulé the contact Patch , Wright et
al. [78] ont expliqué qu'il existe simultanément deux diérentes zones sur la surface de
contact entre pneu et la chaussée en conditions d'accélération et de freinage dont l'une
représente un glissement et l'autre une adhérence. Les vecteurs glissement sont dans le sens
du roulement lorsqu'il s'agit du freinage et dans le sens contraire du roulement lorsqu'il
s'agit d'une accélération. La zone de glissement se situe en arrière de la surface de contact
et celle d'adhérence en avant comme illustré sur la gure1.9. D'ailleurs, Schallamach [79]
a déjà évoqué en 1956 cette décomposition de la surface de contact en deux zones dans
une étude sur l'usure du pneumatique. Ceci est dû à une répartition non uniforme de la
contrainte de cisaillement sur la surface de contact. Celle-ci évolue de façon croissante à
l'entrée de la surface de contact jusqu'à atteindre la contrainte normale multipliée par
le coecient de frottement existant entre le pneu et la chaussée. Il est alors nécessaire
de connaitre l'impact de ces diérentes zones sur le comportement de la structure de
chaussée car sa réponse mécanique devrait être remarquable en surface et dans les premiers
centimètres.
Glissement Adhérence
Freinage Accélération
Figure 1.9 Glissement et adhérence sur la zone de contact pneu-chaussée [78]
Bien que ces modèles numériques soient susceptibles de remplacer les méthodes
ex-périmentales à cause de leur exibilité concernant la structure, le matériau, la charge et
la vitesse, ils sont basés sur la méthode éléments nis qui est d'autant plus onéreuse en
temps de calcul que la nesse du maillage est élevée. S'agissant en plus de la modélisation
de dégradation de la chaussée, une étude de l'interaction entre le pneu et la chaussée est
indispensable. C'est pour cela qu'une étude approfondie de la mécanique des contacts est
présentée dans le paragraphe suivant.
Dans le document
Modélisation avancée du contact pneu-chaussée pour l'étude des dégradations des chaussées en surface
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