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Résultats dimensionnels dans le cas de l’ordre amorphe

2.2 Les théories à contraintes cinétiques (KCMs)

3.1.4 Résultats dimensionnels dans le cas de l’ordre amorphe

Ainsi que décrit par Bouchaud et Biroli [47] et Albert et al. [24], on peut décomposer la polarisation en deux parties (singulière et triviale) qui correspondent respectivement à la réponse des molécules dynamiquement corrélées, et à la réponse des molécules qui ne sont de manière effective pas impliquées dans l’ordre amorphe. Comme évoqué sous-section 3.1.2, les liquides surfondus coulent à des échelles de temps supérieures à τα. Ce phénomène dit de

”reshufling” correspond au fait que les molécules ne relaxent pas tout le temps avec la même hétérogénéité et qu’elles deviennent de manière effective, en moyenne indépendantes de leurs voisines sur des temps longs. Cet aspect de la physique des liquides surfondus conduit à ce que le matériau produise à temps longs une réponse dite ”triviale” de molécules indépendantes par opposition à la réponse dite ”singulière” due à la présence de domaines corrélés. Concernant la réponse singulière, l’ordre amorphe se manifeste pour des fréquences de l’ordre de f ∼ τ−1

α comme la réponse d’un ”gaz” de domaines de dimension fractale df et de taille

ℓc. Lorsqu’on les observe à pulsation ω et donc avec un temps caractéristique de mesure2π/ω,

ils semblent donc de manière effective contenir λωNcorr = λω(ℓc/a)df molécules de volume

ad chacune où λ

ω est un coefficient dépendant monotonement de ω tel que λω −−−→ ω→0 0 et

λω −−−−→ ω>ωα

1. Il indique la proportion des molécules du domaine qui répond de manière sin- gulière sur cet intervalle de temps, ce qui est dépendant de l’établissement du phénomène de reshufling. Les dipôles des molécules étant orientés aléatoirement, le moment dipolaire d’un domaine s’exprime ainsi comme µdip

λω(ℓc/a)df, où µdipest le moment dipolaire d’une

molécule. Le volume d’un domaine s’exprime pour sa part comme ad(ℓc/a)d. Ainsi, la com-

posante singulière de la polarisation s’exprime comme : Psing= µdip √ λω(ℓc/a)df ad(ℓc/a)d F ⎛ ⎝ µdip √ λω(ℓc/a)dfE kT ⎞ ⎠ (3.4)

où F est une fonction impaire du fait de la symétrie P (−E) = −P (E) de la polarisation. Concernant la partie triviale de la réponse, il s’agit d’un ”gaz effectif” de N − λωNcorr =

3.1. INTÉRÊT DE LA RÉPONSE NON LINÉAIRE 33 qu’un domaine. La composante triviale de la polarisation est donc

Ptriv= µdip ( (ℓc/a)d− λω(ℓc/a)df ) ad(ℓc/a)d G( µdipE kT ) (3.5) où G est une fonction impaire pour les mêmes raisons que F .

En faisant usage des résultats pour la réponse d’ordre 1, on peut alors définir la susceptibilité statique qui est l’amplitude de la réponse d’ordre 1 à fréquence nulle et vaut donc χs =

Kµ2

dip/kT ϵ0ad, où la constante K vaut K =

∂G(z) ∂z

⏐ ⏐

z=0. On remarque que contrairement au raisonnement similaire mené Figure 3.1.2 dans le cadre des transitions usuelles, la réponse linéaire singulière tend si ℓc diverge soit vers une constante (si d = df), soit vers zéro (si

df < d), dans le cas des fréquences supérieures à f ∼ τα−1. La réponse linéaire totale (χs)

est donc indépendante de la longueur de corrélation ℓc, et ne présente donc dans le régime

de relaxation α pas de signature de la transition. On peut utiliser cette définition pour faire apparaitre χs au lieu de µ2dip dans l’expression des susceptibilités non linéaires (dont

seules les susceptibilités d’ordres impaires sont non nulles), qui s’expriment donc de manière adimensionnée comme : χ2n+1E2n= 1 (2n + 1)!Kn+1χs ( ϵ0χsE2ad kT )n ⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣ λ(n+1)ω ( ℓc a )(n+1)df−d 2n+1F ∂E2n+1 ⏐ ⏐ ⏐ ⏐E=0    Partie Singulière + (1 − λωδ (df− d)) ∂2n+1G ∂E2n+1 ⏐ ⏐ ⏐ ⏐E=0    Partie Triviale ⎤ ⎥ ⎥ ⎥ ⎦ (3.6)

où l’on a pris la limiteℓc/a≫ 1, pour supprimer le terme (ℓc/a)df−ddès que df < d.

On remarque qu’en raison du phénomène de reshufling qui fait que λω −−−→

ω→0 0, la suscep-

tibilité à fréquence nulle reste quoi qu’il arrive celle de la réponse triviale tandis qu’à des fréquences plus élevées, lorsque λω−−−−→

ω>ωα

1, on a dans tous les cas une réponse linéaire qui ne diverge pas et des réponses d’ordre élevées qui divergent avec ℓc.

On retrouve dans cette expression l’apparition de certains nombres adimensionnels qui ca- ractérisent les réponses triviale et singulière du matériau. On retrouve naturellement la sus- ceptibilité adimensionnée χ2n+1E2n, qui est ainsi proportionnelle à l’amplitude de la réponse

linéaire χs(ce qui n’est pas surprenant, χsétant sans dimension). On retrouve également le

rapport entre énergie de couplage dipolaire d’une molécule et énergie thermiqueϵ0χsE2ad/kT.

Enfin, la réponse singulière contient la longueur de corrélation adimensionnéeℓc/a, affectée

d’une loi de puissance dépendant de la dimension fractale df.

Nous n’avons jusqu’ici donné que des arguments thermodynamiques (Équation 3.1 à Équa- tion 3.6) qui ne devraient à priori être valables qu’à fréquence nulle, bien qu’on ait vu qu’en raison du phénomène de reshufling, la réponse à fréquence nulle reste toujours triviale et qu’il faut aller à des fréquences de l’ordre de fαpour pouvoir observer la physique de la réponse

singulière. Les arguments théoriques avancés par Bouchaud et Biroli [47] permettent de justifier cette hypothèse en affirmant que ces calculs sont en fait valables à des fréquences supérieures à ou de l’ordre de f ∼ τ−1

α . Dans le régime des très basses fréquences, toute la

physique est dominée par la réponse triviale, laquelle devient négligeable face à la réponse singulière pour des fréquences de l’ordre de f ∼ τ−1

α . Dans le régime de relaxation β, se

manifestant à des fréquences plus élevées, on ne peut exclure que cette relation ne soit plus vérifiée. Concernant la forme des réponses, la réponse triviale présente un plateau à basse fréquence suivie d’une décroissance en loi de puissance tandis que la réponse singulière est piquée à une fréquence de l’ordre de τ−1

Concernant la comparaison entre les différents ordres de la réponse, on remarque que l’on peut aisément rendre comparable les différents ordres de la réponse singulière en supprimant les paramètres d’influence communs entre réponse triviale et singulière. Pour ce faire, on définit la grandeur X(2n+1) telle que :

X(2n+1)= χ(2n+1) χs ( ϵ0χsad kT )n (3.7)

Il ne reste alors dans les X(2n+1)plus que l’influence singulière de la longueur de corrélation

(ℓc/a)(n+1)df−d. Il est donc aisé de voir que la mesure de deux ordres différents non triviaux

de la réponse permettra d’accéder à la dimension fractale de la réponse du matériau. Étant donné que df− d ≤ 0, on rappelle que la réponse linéaire ne peut permettre d’accéder à la

dimension fractale. C’est pourquoi les plus petits ordres de la réponse permettant d’accéder à la dimension fractale sont les ordres 3 et 5, ainsi que cela a été fait dans Albert et al. [24].