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La Transition Aléatoire du Premier Ordre (RFOT)

1.2 Les problématiques de la transition vitreuse

2.1.4 La Transition Aléatoire du Premier Ordre (RFOT)

La théorie de la Transition Aléatoire du Premier Ordre des verres structuraux, dite RFOT (pour Random First Order Transition) est un modèle à p-spins dans lequel, contrairement

2.1. LES THÉORIES THERMODYNAMIQUES 21 aux cas classiquement étudiés, on suppose que les changements de configuration du système se font via des relaxations locales. Les régions affectées par ces relaxations locales sont alors appelées états mosaïques et leur taille est caractérisée par la longueur ξ. La taille

de ces régions augmente lorsque la température baisse, conduisant à une diminution de l’entropie configurationnelle et au gel complet de la dynamique à la température TS = TK

d’annulation de l’entropie configurationnelle, lorsque ξ∗diverge. En d’autres termes, RFOT

relie l’annulation de l’entropie configurationnelle à la divergence de la longueur ξ∗.

La théorie RFOT offre ainsi une description cohérente permettant de reproduire les phéno- mènes principaux de la transition vitreuse, c’est à dire un comportement à haute température qui correspond à celui d’un liquide, puis un changement de comportement qui est ensuite dominé par l’hétérogénéité du système avec notamment une chute de l’entropie configura- tionnelle et une augmentation super-Arrhénienne du temps de relaxation lorsque la tempé- rature baisse. La théorie RFOT prévoit additionnellement une transition thermodynamique à TS = TK. À plus basses températures, le matériau est un solide.

Un sujet de débat est de comprendre quel peut être le mécanisme exact qui régit la formation des états mosaïques et l’évolution de leur longueur caractéristique ξ∗. Nous présenterons

ci-après deux approches de cette question. L’une correspond à l’approche originelle de la théorie RFOT proposée par Kirkpatrick, Thirumalai et Wolynes [34]. L’autre, proposée ultérieurement par Bouchaud et Biroli [29], décrit un mécanisme plus précis de formation de ces régions tout en adressant certaines critiques au mécanisme proposé par Kirkpatrick, Thirumalai et Wolynes [34].

Approche de Kirkpatrick, Thirumalai et Wolynes [34]

L’approche de Kirkpatrick, Thirumalai et Wolynes [34] se fonde sur la germination (car c’est avantageux en terme d’énergie libre) de régions appelées états mosaïques, au sein desquelles la relaxation se produit, sous l’action d’une force entropique. Au sein des états mosaïques, le matériau est champ moyen.

Si on considère tout le système figé sauf une région de taille ξ laissée libre de relaxer, on peut étudier la thermodynamique de cette région en présence du champ aléatoire qui représente son environnement. Il y a un coût énergétique à changer de configuration qui correspond au fait de ne plus aller dans le sens du champ aléatoire externe. Ce coût s’exprime comme Υ(aξ)

θ

. L’exposant θ est en général proche de d − 1 = 2, car ce cout d’énergie s’effectue essentiellement proche des bords.

Si on imagine qu’il y a une force entropique correspondant à une entropie configurationnelle qui est à l’origine de l’activation des évènements de relaxation d’une région de taille ξ, alors la variation d’énergie libre associée à cette relaxation est T sc

(

ξ a

)d

, où sc est l’entropie

configurationnelle moléculaire, a la taille d’une molécule et d la dimension de l’espace. La variation totale d’énergie libre lors d’un évènement de relaxation d’un état mosaïque s’exprime donc comme : δF = Υ(

ξ a )θ − T sc ( ξ a )d

. Il y a donc un optimum qui correspond à l’équilibre de variation d’énergie libre entre ces deux contributions : Un coût lié au désaccord entre l’environnement et le nouvel état adopté par le système et un gain lié au changement d’état activé par une force entropique dont l’origine reste floue.

Une critique qui peut être faite à cette approche, outre l’absence de détails sur l’origine de cette force entropique, est notamment que si chacun des V

ξd états mosaïques du système

subit indépendamment une variation d’entropie sc(T ) ξd due à cette force entropique, alors

la variation totale d’entropie du système est V

alors que si on considère le système total, il n’y ait aucun gain d’énergie libre lié à la formation des états mosaïques.

L’approche de Bouchaud et Biroli [29]

L’approche de Bouchaud et Biroli [29] met en doute le fait que l’existence d’une force entropique suffirait à présider à la naissance des états mosaïques et propose une réinter- prétation du mécanisme de formation de l’état mosaïque et de la longueur ξ∗ qui lui est

associé.

Ceci vient de la compétition de deux mécanismes antagonistes lorsque l’on considère un état mosaïque dans le champ aléatoire généré par son environnement. Premièrement, le système présente de très nombreux minimas locaux qui ont tous un minimum d’énergie libre comparable (il n’y a pas d’état réellement préféré de ce point de vue ci). Deuxièmement, le système favorise énergétiquement son état initial parce que le champ aléatoire généré par l’environnement de l’état mosaïque est en adéquation avec l’état initial de cette région. En conséquence, il y a un coût énergétique à changer d’état.

Bouchaud et Biroli [29] montrent que la compétition thermodynamique entre ces deux effets se ramène à évaluer quel terme domine dans le numérateur de la fonction de partition :

Z ≈exp {[ −ξd f ∗ kBT ]} [ exp{(ξdsc kB )} +exp{( Υξ θ kBT )}]

f∗est une énergie libre, scest l’entropie configurationnelle moléculaire, ξ l’extension spatiale

du groupe de molécules mobiles, Υ une tension de surface entre le groupe de molécules mobiles et son environnement et θ l’exposant caractéristique de cette tension de surface. Le premier terme du second facteur de l’expression de Z correspond à l’importance thermodynamique des très nombreux états vers lesquels le système peut relaxer malgré le coût énergétique que cela représente. Le second correspond au gain d’énergie de surface si le système reste dans son état initial, préféré par son environnement.

Une compétition s’établit entre ces deux aspects : Le gain énergétique que représente le fait de rester dans l’état initial qui s’accroit avec la taille de la région (car l’écart énergétique entre cet état préféré et les autres augmente) et le nombre exponentiellement grand d’états vers chacun desquels le système a une probabilité faible d’effectuer une transition activée thermiquement, mais qui pris tous ensemble représentent une forte probabilité que le système se retrouve durablement dans un état autre que son état initial.

Comme en général, d > θ, il existe une échelle ξ∗au dessous de laquelle c’est le terme en ξθqui

domine. Autrement dit, si le groupe de molécules non gelées est trop petit, l’environnement favorise tellement l’état initial que le système reste gelé. Dans le cas où ξ > ξ∗, le système

a intérêt à se répartir sur les scξd autres états disponibles. Pour des raisons dynamiques, la

taille préférée des domaines est ξ∗. En effet, la barrière énergétique à franchir est ≈ ξψ où

ψ ≥ θ, et donc le temps de transition τ (ξ) ∝ exp{ξTψ} est tel que τ (ξ∗) ≪ τ (ξ). Ainsi, les régions de taille ξ∗ relaxant plus rapidement que les régions de taille ξ > ξ, si une de ces

dernières existait, il y aurait une sous-région de taille ξ∗ qui relaxerait avant.

Au final, de cette compétition entre thermodynamique et dynamique, il résulte qu’il existe une échelle ξ∗. Dans ces régions de taille ξ∗, le système reste un certain temps τ (ξ∗)dans son

état initial avant d’effectuer une transition vers un autre état et de ne plus revenir dans son état initial, car il se perd pour une durée très longue dans les multiples états énergétiquement défavorables.

Des régions de taille ξ > ξ∗ n’existent pas car leur durée de vie est τ (ξ) > τ (ξ), et une

2.2. LES THÉORIES À CONTRAINTES CINÉTIQUES (KCMS) 23 Les régions de taille ξ < ξ∗pour leur part peuvent être vues comme étant en champ moyen.

Elles resteront dans l’état énergétiquement le plus favorable car il y a suffisamment peu d’états pour qu’en cas d’excursion du système vers un état énergétiquement moins favorable, il revienne rapidement vers son état initial.

En résumé, Bouchaud et Biroli [29] présentent un mécanisme où les régions naissent non pas pour des régions énergétiques mais par une combinaison de raisons thermodynamiques et dynamiques. Bien que le mécanisme soit différent de celui proposé par Kirkpatrick, Thirumalai et Wolynes [34], il conduit aux mêmes résultats, c’est à dire à l’apparition de régions de dimension ξ∗∝ s

c(T )−ψ avec ψ ∈ {1d, 1}conduisant à l’augmentation super-

Arrhénienne du temps de relaxation au sein du matériau en raison de la diminution de l’entropie configurationnelle.