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Les expériences de réponse non linéaire pour la transition vitreuse remontent aux expériences de ”Non-Resonant Hole Burning” par Schiener et al. [59]. La question adressée à l’époque était celle de l’hétérogénéité de la dynamique des matériaux vitreux.

4.1.1 Motivation du Non Resonant Hole Burning

Si le fait que la dynamique des matériaux vitreux est hétérogène fait aujourd’hui consensus, il y avait alors controverse sur ce sujet. Il était établi que la relaxation dans les liquides dipolaires surfondus n’est pas une relaxation de Debye, et qu’elle prend la forme d’une exponentielle étirée.

Une première approche est alors d’envisager que le processus de relaxation lui-même n’est pas un processus de relaxation de Debye mais est identique en tous points du matériau. La seconde approche est d’imaginer que ce spectre est le fruit d’un processus qui localement suit une relaxation de Debye, mais que les temps caractéristiques de relaxation varient au sein du matériau, leur distribution donnant lieu à l’exponentielle étirée observée.

Il était ainsi nécessaire de discriminer entre ces deux interprétations possibles de la phéno- ménologie observée.

4.1.2 Principe du Non Resonant Hole Burning

Les expériences de Non Resonant Hole Burning, dont le principe est illustré Figure 4.1 se proposent de discriminer entre ces deux hypothèses en appliquant un champ électrique

Figure 4.1 – Séquence expérimentale originelle du NRHB telle que proposée par Schiener

et al. [59]. Les séquences de mesure P∗

+, P−∗, P+ et P−sont effectuées. Dans les

séquences P∗

+ et P

−, un champ fort est appliqué puis la réponse du matériau

est mesurée sous champ faible. Dans les séquences P+et P−, les mêmes mesures

sont effectuées sans application du champ fort. Des combinaisons linéaires de ces réponses sont ensuite effectuées pour pouvoir en déduire l’effet de l’application du champ fort sur la réponse du matériau en s’abstrayant de la réponse usuelle. Des développements ultérieurs des techniques expérimentales employées ont permis des mesures avec moins d’intervalle et donc plus de signal, voir même des mesures pendant l’application du champ fort, mais le principe général reste le même. alternatif fort sur le matériau. De l’énergie est alors injectée dans le matériau, ce qui donne lieu à une dissipation ∝ ωχ′′

linE 2.

Si les temps caractéristiques dans le matériau sont homogènes, alors cette dissipation d’éner- gie se fera de manière uniforme, et l’ensemble du spectre sera décalé en fréquence (Figure 4.2). Si en revanche la dynamique est inhomogène, l’énergie sera dissipée préférentiellement dans les régions avec un temps caractéristique de ”mobilité structurale” proche du temps caracté- ristique d’injection d’énergie ≈ 1

ω. Le spectre de la permitivité diélectrique sera alors déformé

pour refléter le fait que seules les hétérogénéités relaxant à certaines fréquences auront vu leur pic de relaxation décalé par l’injection d’énergie, formant ainsi un trou et un pic (Figure 4.2). Afin de mesurer la permitivité diélectrique et sa modification due à l’injection d’énergie, le champ fort est appliqué durant un temps court et la permitivité diélectrique est ensuite mesurée sous champ faible, ce qui permet également d’observer comment la déformation spectrale due au pompage se résorbe au cours du temps.

Ainsi, il s’agit en l’essence d’un procédé très similaire à celui sommairement présenté sous- section 3.3.3 et que nos partenaires de l’université d’Augsbourg ont utilisé pour réaliser les expériences de Bauer, Lunkenheimer et Loidl [57] et Albert et al. [24], consistant à appliquer un champ électrique très fort durant quelques arches de champ et à observer le spectre de la réponse en temps réel du matériau pour en déduire les réponses d’ordre 3 et 5. Les expériences de Hole Burning ont été les premières à donner des arguments expérimentaux en faveur de l’hétérogénéité de la dynamique des liquides surfondus. Depuis cette première expérience par Schiener et al. [59], de nombreuses améliorations ont été apportées au procédé, notamment au sein de l’équipe de Ranko Richert [60, 61, 62, 63].

4.1. HOLE BURNING ET BOX MODEL 51

Figure 4.2 – Schéma du spectre de pertes diélectrique selon le type de dynamique dans le

système tel qu’illustré par Schiener et al. [59]. (A) Dans le cas d’une dyna- mique homogène, le pompage effectué à fréquence Ω est absorbé homogènement et induit un décalage global du spectre de la réponse. (B) Dans le cas d’une dy- namique hétérogène, les domaines avec une fréquence caractéristique proche de Ωabsorbent préférentiellement l’énergie de pompage et leur spectre est décalé, ce qui induit un creux et une bosse dans le spectre de relaxation du matériau.

4.1.3 Principe et fonctionnement du Box Model

C’est afin de fournir un exemple de mécanisme effectif pouvant expliquer comment de telles hétérogénéités induisent une non linéarité de la réponse diélectrique que Schiener et al. [59] ont créé le ”Box model”.

Étant donné une distribution des temps de relaxation constatée au sein du matériau, celle-ci induit une dissipation d’énergie électrique inhomogène au sein du matériau.

Le Box Model postule que cette dissipation produit une ”variation de température fictive” δTdh ∝ E2 qui vient induire une perturbation du temps de relaxation de l’hétérogénéité

dynamique considérée. Supposant que le temps de relaxation thermique, lié à la ”température fictive”, est aussi le temps de relaxation diélectrique de l’hétérogénéité dynamique, le temps de relaxation τdhobtenu après prise en compte de cette perturbation contient ainsi des termes

δτdh∝ E2.

Ces perturbations du temps de relaxation intervenant à la fois en valeur moyenne et à 2ω (ω étant la pulsation du champ électrique E), ce mécanisme induit une réponse diélectrique à ω et 3ω proportionnelle à E3, c’est à dire une réponse diélectrique non linéaire d’ordre 3.

En effet, P (t) = Plin(t) +∂P∂TlinδTdh où Plin∝ E et δTdh∝ E2.

4.1.4 Portée, Limites et Validité du Box Model

L’intérêt historique de ce modèle est qu’il a permis pour la première fois d’illustrer quanti- tativement comment une dynamique hétérogène permet d’induire les réponses non linéaires observées à la première harmonique (à laquelle se réfère le formalisme de la permitivité diélectrique) lors des expériences de Non Résonant Hole Burning.

Sa principale faiblesse réside dans l’hypothèse que le temps de relaxation diélectrique corres- pond au temps de relaxation thermique, ce qui implique que la chaleur dissipée reste piégée

Figure 4.3 – Richert et Weinstein [60] illustre une bonne compatibilité entre les valeurs

de la partie imaginaire de χ(1)

3 mesurées et les simulations du Box Model. Dans

cette représentation, ∆ ln ϵ′′ = −Im χ (1) 3 E2 Im χ(1) 1

. Les lignes continues correspondent aux prédictions du Box Model supposant que les temps de relaxation diélectrique et thermique sont identiques tandis que les lignes pointillées ne font pas cette hypothèse, ce qui souligne que bien que irréaliste, l’identité de ces temps de relaxation est une hypothèse essentielle de ce modèle.

sur des échelles de temps pouvant atteindre plusieurs secondes dans des régions à l’échelle de quelques nanomètres. En effet, a Tg, τα=100 s. En revanche, la taille caractéristique ℓc

des hétérogénéités dynamiques reste faible (ℓc<10 nm), ce qui signifie que la chaleur reste

piégée pour un temps τth≈ ℓ2

c

D .

10−16m2

10−7m2s−1 ≈1 ns. On a ainsi τth≪ τα près de Tg, ce qui

est en claire contradiction avec cette hypothèse fondamentale du Box Model.

Ainsi, si le Box Model est un très bon modèle effectif permettant de montrer l’hétérogénéité de la dynamique et de produire de bonnes prédictions quantitatives de la réponse d’ordre 3 à la première harmonique (Figure 4.3), il met en jeu des hypothèses physiques non réalistes et échoue lorsqu’il s’agit de prédire d’autres réponses non linéaires qui seront présentées dans les sections suivantes.

Plus précisément, il échoue de manière quantitative à représenter le réponses χ(3)

3 (Figure 4.4)

et χ(5)

5 bien qu’il produise qualitativement le bon ordre de grandeur de réponse pour des

raisons dimensionnelles [64]. Il échoue cette fois qualitativement à prédire la réponse sous champ statique χ(1)

2;1 (Figure 4.5), dont il prévoit qu’elle doit être nulle.

4.2 Susceptibilité non linéaire d’ordre 3 et dépendance