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Résultats concernant les rapports au territoire

Dans le document Scop & Scic : les sens de la coopération (Page 165-170)

Scop-laine : lorsque le projet démocratique est soutenu par une ambition territoriale

4. Résultats concernant les rapports au territoire

L’analyse des verbatim fait apparaître plusieurs manières d’évoquer l’importance du territoire pour les salariés et les partenaires de Scop-laine. Le souci global d’une relocalisation de certaines activités économiques est ainsi exprimé, mais c’est surtout la responsabilité vis-à-vis du dynamisme économique local qui est donné à entendre. La solidarité régionale est évoquée, parfois en complément de réflexions sur le patrimoine territorial. Malgré ces arguments, le risque d’enfermement est envisagé par un de nos interlocuteurs. Les incidences d’une politique soucieuse du territoire sur les pratiques de

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recrutement sont traitées à différents niveaux de responsabilité. C’est enfin la complémentarité des projets démocratique et territorial qui est signalée ; ce constat, fait par certains, nous permet de renforcer notre hypothèse selon laquelle un projet économique (ici territorial) peut renforcer un projet socio-économique (ici la gouvernance démocratique).

La résistance à la mondialisation des activités économiques s’exprime de manière constructive dans certains entretiens : « Nous essayons d’utiliser, principalement, des laines de France » (filature). Le client que nous avons interrogé se place dans une démarche citoyenne, mais plus défensive que le point de vue précédent : « J’essaie de ne pas trop acheter Made in China, même si parfois nous sommes

dans cette contrainte » (client). La responsabilité de Scop- laine vis-à-vis de la vitalité économique du

territoire, rural et menacé de déshérence, sur lequel elle est implantée est manifeste pour plusieurs acteurs. L’éleveur partenaire a très tôt mesuré l’importance de cet enjeu et au moment de transmettre son élevage à son fils, il s’exprime sur le sujet : « Avec 50 à 60 personnes ici en Ardèche, c’est tout

l’avenir d’un territoire qui est en jeu » (élevage). Propos confirmés en interne de Scop-laine : « Les gens nous considèrent comme une expérience qui fonctionne… un partenaire économique du territoire important, par rapport aux éleveurs, par rapport au travail de la laine et à l’utilisation de cette matière première » (responsable maintenance). L’installation durable d’habitants sur la commune et aux

alentours est souvent évoquée : « L’arrivée de gens qui viennent pour maintenir la vie, pour travailler

ici, avec le souci de s’installer sur le secteur, de vraiment s’installer, de trouver une maison, de s’intégrer dans les associations, s’intégrer dans la vie du village… c’est important » (responsable maintenance) ; « Bien sûr, on ne vient pas que travailler à Scop-laine, on vient aussi vivre ici » (directrice).

Les répercussions de l’activité économique de Scop-laine sont appréciées et font l’objet d’une attention particulière de la part des responsables de l’entreprise, et cela dès l’origine du projet : « C’était en

générant de l’emploi, de l’économie que l’on pouvait faire quelque chose au milieu, en sachant que c’était très difficile et qu’au début on n’avait pas du tout d’idée sur combien on allait créer d’emplois » (fondateur 1) ; et encore aujourd’hui : « Au niveau rural, ça se voit tout de suite le dynamisme qu’il y a dans cette commune… et aux alentours aussi : on voit la répercussion de Scop-laine sur le tourisme » (présidente).

La solidarité régionale, le fait de devoir se rapprocher pour créer une destinée commune aux acteurs d’un territoire menacé, est manifeste dans les propos recueillis. C’est ainsi que le fondateur de Scop-laine parle des efforts convergents et nécessaires : « Il y a un assemblage de gens qui dépensent

leur énergie et leurs compétences, qui se dotent de la capacité d’investir et de faire du co-developpement » (fondateur 2). Cette solidarité est perçue par les fournisseurs de Scop-laine, même à plusieurs dizaines

de kilomètres de l’entreprise : « Je suis toute seule, donc ça me fait du bien d’avoir des contacts avec

partenariat avec Scop-laine, des partages de valeurs permettent d’ancrer encore plus solidement la solidarité régionale, comme en témoigne cette citation au sujet d’un fournisseur de bois pour la fabrication des sommiers :

« On a eu beaucoup d’échanges aussi, pas seulement commerciaux, mais sur l’éthique, la façon de voir les choses, les relations où on voulait aller…. plus ce côté politique, on en a eu avec eux des rencontres » (responsable maintenance). Cette solidarité s’est construite à partir de la prise de

conscience qu’un patrimoine régional important pouvait être valorisé sur le site historique sur lequel s’est installée Scop-laine il y a plus de 35 ans : « Notre relation avec le patrimoine, c’est la découverte

que l’on était par hasard, à partir de l’achat d’un tas de cailloux, en exagérant… on était héritiers d’un patrimoine phénoménal » (fondateur 2). La présidente de Scop-laine appréhende un risque dans le cas

où la stratégie serait trop axée sur l’attachement au territoire, que nous qualifions de risque d’enfermement : « Il y a un risque, si on devient trop… rural, fond de vallée… un problème si on

s’enferme trop sur une spécificité de territoire » (présidente).

Rejoignant nos interrogations sur le management et la GRH, nos interlocuteurs font un lien entre la politique territoriale de la Scop et les enjeux du recrutement. Lorsqu’on évoque les recrutements récents, liés à la croissance régulière de l’activité de l’entreprise, on recueille ce témoignage : « Peut-

être ils sont arrivés à un moment ou Scop-laine avait besoin d’embaucher et eux, ils sont pas venus forcément pour l’aspect Scop, ils sont venus parce qu’il y avait un boulot ici sur ce territoire. C’est aussi ce qu’a permis Scop-laine : c’est de créer des emplois locaux, alors qu’il n’y en avait pas » (responsable accueil). Une certaine responsabilité sociale s’exprime ici : éviter l’entre soi pour rendre un service aux

populations locales. Cependant, une exigence en termes d’état d’esprit est formulée très clairement par une directrice opérationnelle : « Si on n’a pas des gens qui sont entrepreneurs et qui portent le projet

Scop- laine pour ses valeurs coopératives, on crève et surtout sur le long terme, là on en a besoin quoi » (DGD administration et gestion). Entre service au territoire et recherche de profils spécifiques, une

synthèse semble se dessiner dans le propos suivant, qui remet en avant l’apport de vitalité sur le territoire : « Toutes les personnes qui candidatent en local sont reçues. Qu’il y ait une offre d’emploi en face ou

pas, ça c’est sûr. Après, sur une offre spécifique, c’est sûr qu’on va recevoir les personnes du local plus les personnes non locales. Après en fait, dans les CV aussi, ou plutôt dans les lettres de motivation, on relève des personnes qui sont prêtes à s’installer » (responsable VPC).

Pour conclure sur le rapport de Scop-laine au territoire, nous retenons deux verbatim qui rapprochent le projet coopératif et démocratique des origines et le projet territorial qui a émergé progressivement au fil du temps. La première citation relève presque du slogan, lorsque le fondateur affirme : « On est une coopérative de territoire » (fondateur 2). C’est un client qui constate que Scop- laine n’est pas seulement fondée sur les valeurs de la coopération : « Le partenariat qu’ils ont monté

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avec d’autres entreprises locales montre qu’ils ont une réflexion sur la coopération, mais pas seulement » (client). Ces rapprochements nous conduisent à l’idée que les deux projets sont complémentaires, le

projet de territoire venant justifier et renforcer le projet démocratique lorsque celui-ci avait du mal à trouver son « second souffle » avec l’arrivée de nouveaux collaborateurs moins impliqués dans le mouvement en faveur de la justice sociale que ne le sont, encore aujourd’hui, les fondateurs.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons reprendre une idée exprimée la Présidente de Scop-laine lorsqu’elle dit : « On est un organisme vivant ». Nous sommes tentés de lui recommander d’appliquer cette métaphore à la manière dont la coopération est organisée au sein de l’entreprise. Les modes de coopération peuvent et doivent être renouvelés si l’entreprise qui se veut démocratique entend le rester durablement. Dans le cas étudié dans ce chapitre, ce renouvellement peut s’opérer autour du bien commun que partagent aujourd’hui les 58 salariés, à savoir leur métier. Le projet socio-économique territorial s’enrichirait alors d’un attachement aux activités en lien avec la laine, la literie, le tricotage et la couture. L’autorité démocratique pourrait être renforcée par la gestion partagée de ces biens communs. Ce serait une manière de « relégitimer » un choix historique et qui doit être affirmé comme fondamental en faveur de la démocratie interne. En effet, outre les risques de dégénérescence du projet, une ambiguïté sur la nature du projet originel pourrait devenir une source de fragilité. L’aspiration à la démocratie interne pourrait être occultée par le projet de sauvegarde du territoire qui constitue un volet essentiel du projet socio-politique de Scop-laine.

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CAS INDUSTRIE N°2

Scop-Lib : un emblème aux pieds fragiles ?

Dans le document Scop & Scic : les sens de la coopération (Page 165-170)

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