• Aucun résultat trouvé

Une gouvernance statutaire complexe qui se fabrique chemin faisant

Dans le document Scop & Scic : les sens de la coopération (Page 100-103)

La Scic-Culture : de la gestion d’un lieu culturel à un projet de territoire

3. Une gouvernance statutaire complexe qui se fabrique chemin faisant

Du point de vue de la gouvernance, la Scic est complexe. L’assemblée générale est composée de trois collèges : un collège contributeurs, composé de membres qui contribuent au financement de la Scic-culture (deux associés qui ont 30% des voix), un collège gestion et développement, qui regroupe les résidents qui sont associés de la Scic (21 associés possédant 40% des voix), et un collège proximité, dans lequel on retrouve des salariés de la coopérative, des habitants du quartier mais aussi des personnalités morales ou individus qui soutiennent le projet (21 associés possèdent 30% des voix). Aucun collège n’a la majorité à lui tout seul. Il y a aussi un conseil d’administration composé de 14 membres élus, issus des différents collèges. Cette gouvernance est difficile à animer avec toutes les parties prenantes et est au centre des préoccupations de la direction et des associés. Comme le dit une habitante membre du college proximité : « ça prend un peu tout l’monde au dépourvu. Y’a pas une culture de la Scic et la

Au moment de notre étude, il n’y avait qu’un seul salarié qui était devenu associé de la Scic, ce qui s’explique à la fois par l’absence d’une réelle volonté d’impliquer les salariés de la part de la direction et par la faible conscience coopérative des salariés. Le coût de la part pour un salarié (500 euros) peut également freiner les salariés, même si payer en plusieurs années est possible. Pour Soc2, « c’est un bel outil, mais qui est très complexe, dans lequel on voit bien,

comme ici, que le personnel a très peu de place alors que dans l’idée que tout l’monde a des sociétés de coopératives, c’est les personnels qui ont leur place donc là c’est un peu différent ».

Deux délégués du personnel pouvaient néanmoins assister aux CA.

Quant aux contributeurs, le choix s’est fait au moment de la création de la Scic : «

certains services juridiques disant : « Il faut être dedans », d’autres disant : « Faut être dehors », enfin bref, nous, on est dedans. Avec la région, on est dedans. Le département, sauf erreur de ma part, est à côté et l’Etat aussi. Mais pour autant, ils financent et ils sont là dans nos réunions de réflexion. » (Soc1). Malgré cette déclaration, les contributeurs participent peu

aux CA. En parlant de la Scic, Soc1 souligne : « On peut parler d’un nouveau modèle de

gouvernance peut-être, mais pas d’un nouveau modèle économique. (…) L’essentiel du budget de la Scic, c’est des financements publics donc… le poids des financeurs publics dans les orientations est forcément prépondérant. Parce que si y’a pas d’argent public, y’a pas de Scic-culture. » Néanmoins, le directeur adjoint reconnaît que la Scic, « c’est une manière aussi de résister à des modèles de normalisation, le secteur culturel c’est vrai que beaucoup d’établissements sont passés en EPCC (établissement public de coopération culturelle) avec une relation et une institution qui est quand même assez différente…. même si on est très dépendant, même si on a des financements publics ». (Dir)

Enfin, la participation des résidents n’est pas sans tensions non plus. Au nombre de 70, seuls 21 sont associés en ayant investi dans la Scic. Les résidents ne paient pas de loyer mais une participation aux charges communes pour les fluides, l’entretien, etc. Cette participation ne couvre pas la totalité du coût. Seuls deux résidents paient un loyer, le magasin de skates et le restaurant (qui paie en plus la totalité de ses charges et donne à la Scic 4% de son CA annuel). Ces dernières années, plusieurs associés ont fait part de leur volonté de rendre le fonctionnement de la Scic plus participatif. Les réunions du conseil d’administration ne permettaient pas un échange et un débat réel. Comme le décrit Soc3 : « en fait, jusque-là, il y

avait une assemblée générale et trois ou quatre conseils d’administration par an qui ressemblait parfois à un champ de bataille. Donc, moi j’arrivais là, je me dis « oulalah » qu’est que c’est ce…. je me rappelle sortir complètement lessivée de ce moment-là, en plus n’ayant pas obligatoirement tous les contextes des choses qui s’exprimaient là, néanmoins je voyais

101

bien que de part et d’autre des tensions qui s’exprimaient de manière un peu systématique… ».

Des réunions préalables aux CA ont ensuite été organisées, appelées comités de pilotage. Le directeur général de la Scic ainsi que les salariés concernés par le sujet participent à ces comités. Un comité se fait avec les institutions, un autre avec les collèges gestion et développement et proximité. Si ces comités instaurent plus de débats entre sociétaires, ils n’améliorent pas, pour certains du moins, le fonctionnement démocratique. Comme l’exprime Op2, « Et du coup,

forcément, tout se décide ou tout se dit, les frictions se font dans les copil, les comités de pilotage, donc du coup, les CA sont très consensuels parce que tout s’est fait avant quoi. ». La

question de la remontée d’information en direction de celles et ceux qui ne font pas partie du CA est aussi une préoccupation importante.

Des séminaires de travail sont également organisés à l’attention de tous les associés sur des thématiques centrales pour la Scic, par exemple sur la communication générale de la Scic- culture ou, plus récemment, sur le projet d’installer une école sur le site. Si les sujets avaient été jusque-là proposés par l’équipe opérationnelle, au moment de notre étude, les membres du collège gestion et développement ont amené un sujet sur la table : « là pour la première fois

lors du précèdent CA, on est arrivé en expliquant qu’on s’inquiétait d’une paupérisation d’un certain nombre de structures de la Scic-culture et donc de la question de la production à la Scic-culture et qu’on s’était aussi aperçu que chacun d’entre nous ne savait pas exactement comment les gens d’un secteur un peu différent du sien travaillaient, quels moyens ils avaient…..la Scic pouvait aussi, une équipe opérationnelle, faire des choix en termes de production et tout ça, et qu’on avait aussi envie de mettre tout à plat et de se poser la question de comment poursuivre l’activité sur le site face à la précarisation. Voilà, donc c’est nous qui avons amené ce sujet-là ». (Soc3)

Enfin des groupes de travail sont organisés avec des administrateurs et les salariés concernés sur des thématiques spécifiques, comme par exemple sur la sécurité ou l’aménagement des espaces publics. Ces évolutions vers la création d’espaces de débat et de discussion témoignent de la volonté de la direction de la Scic d’élargir la participation et d’améliorer le fonctionne- ment démocratique de la Scic. Ce souci de changement et d’adaptation des pratiques de gouvernance ressort comme une dimension importante des coopératives afin qu’elles restent efficientes et qu’elles renouvellent l’expression de leur démocratie (Cornforth, 1995).

Quant à l’organisation du travail et à la gestion de la soixantaine de salariés, la Scic-culture a adopté un rapport employeur - salarié classique. Pour Op2, ce modèle est « complètement

été élaboré de façon verticale, un comité de direction se trouve à la tête de la Scic, puis une organisation par pôle a été mise en place. La Scic-culture a évolué d’un système considéré comme « paternaliste » à un système plus formalisé, plus cohérent et plus clair. Par exemple, la politique salariale a été complètement mise à plat et retravaillée avec l’arrivée du nouveau président. Ainsi, « les écarts étaient tellement faibles, la grille étant tellement comprimée que

de toute façon on pouvait pas parler d’une politique salariale, sachant que le père spirituel il avait cette phrase qui m’a toujours fait bondir…. qui était de dire : ici, on ne gagne pas son pain on gagne sa vie. Sauf qu’il y a des gens qui ont besoin de pain. » (Op1)

Aujourd’hui, la Scic-culture essaie de proposer des salaires au-dessus de la convention collective. Pour Op1, « On peut dire ce qu’on veut, mais pour autant tout le monde ne fait pas

ça. On contractualise en CDI le plus possible les gens, il y a quand même une volonté d’apporter moins de précarité au système, moins de ruptures et après, les écarts…. »

Cette organisation hiérarchique s’explique par la taille de la structure (60 salariés), la taille du lieu, le nombre d’activités, l’importance du budget et les enjeux de sécurité. Une réunion avec l’ensemble des salariés a néanmoins lieu deux fois par an pour faire part des orientations de la Scic. Comme mentionné par Soc3, « on le voit bien, c’est-à-dire qu’il y a une bonne part

de bonne volonté, et dans les faits c’est quelques fois difficile de savoir comment à l’intérieur de l’équipe opérationnelle, laisser une vraie place à la concertation et à la dimension coopérative et de l’autre côté arriver à avancer au gré de leurs urgences, de stratégies qu’ils doivent développer et je peux comprendre que ce soit un tiraillement récurrent ».

Dans le document Scop & Scic : les sens de la coopération (Page 100-103)

Outline

Documents relatifs