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Les coopératives de travailleurs en Auvergne Rhône-Alpes 1 Présentation générale

Dans le document Scop & Scic : les sens de la coopération (Page 80-86)

Les coopératives de travailleurs: un bref état des lieu

3. Les coopératives de travailleurs en Auvergne Rhône-Alpes 1 Présentation générale

La Région AURA12 est la seconde région en importance pour l’emploi dans les

coopératives de travailleurs, avec 9 163 emplois fin 2019, soit 14,5% du total national. A titre de comparaison, la région Île de France, première en termes d’emplois, représente 16,7% de ce total, et la région AURA est trois fois plus importante que la région PACA augmentée de la Corse pour cette statistique.

Figure 10 : Répartition par département en Région AURA (fin 2019)

Source : site de l’UrSCop AURA complété à partir des données UrScop AURA pour les données sur l’emploi (nombres encadrés)

La figure 10 montre que deux départements, le Rhône et l’Isère, sans surprise, concentrent une part importante des coopératives de travailleurs dans la région AURA, avec plus de la moitié du total de ces entreprises. L’ancienne région Auvergne – dont l’Union régionale a fusionné avec celle de l’ancienne région Rhône-Alpes en 2017 –, a une densité plus faible avec seulement 13% du total des entités.

Cette répartition inégale se révèle également pour l’emploi, et ce de façon accentuée, le département du Rhône regroupant plus du tiers de l’emploi total, celui de l’Isère le sixième du total et l’ex-région Auvergne seulement 12% de ce total. On peut remarquer toutefois que la Savoie et la Drôme constituent des territoires où l’emploi dans les

12 Données de l’UrScop AURA et de la CGScop.

2 918 1 342 86 350 543 346 159 350 980 211 700 364

coopératives de travailleurs est particulièrement important. Pour le premier de ces deux départements, c’est lié à la présence d’une entreprise adaptée – à destination des travailleurs handicapés – de taille importante (Scop NEA) et d’une structure d’insertion par l’activité économique (Scop Tri-Vallée) qui l’est tout autant. Pour le second, c’est également la présence de quelques grandes Scop (VTD, la CAE Solstice et ISRA) qui expliquent, en partie, ces chiffres. Il faut aussi y voir le témoignage d’une histoire ancienne, la Drôme ayant été le lieu de naissance des communautés de travail après la seconde Guerre Mondiale, dont la plus connue est la communauté de Boimondau de Valence créée par Marcel Barbu en 1941 (Chaudy, 2008). Si elles ont toutes disparu en 1982, il semble bien qu’elles aient semé des « graines coopératives » sur le territoire, expliquant en particulier la forte présence de Scop et de Scic aujourd’hui encore.

Figure 11 : Evolution du nombre d’entreprises et des emplois dans la région AURA

NOMBRE D’ENTREPRISES NOMBRE D’EMPLOIS

Source : CGScop

La figure 11 fait bien ressortir la dynamique des coopératives de travailleurs dans la région AURA avec une augmentation entre 2015 et 2019 d’un quart du nombre d’entités et du nombre d’emplois. C’est donc une très forte dynamique que l’on observe, supérieure même à celle qui existe au niveau national.

3.2 Les spécificités AURA

Une étude13 menée sur les données DADS de 2012 permet de faire ressortir certaines

particularités fortes des coopératives de travailleurs – hors Scic et CAE – en Rhône-Alpes –hors Auvergne donc. Ces particularités concernent donc la majeure partie des coopératives de travailleurs de la région AURA, du fait de la prédominance, et des Scop, et des départements rhônalpins dans l’ensemble.

13 Cette analyse a été menée par Nathalie Magne dans le cadre de son travail de thèse, exploitant un fichier

+12,7% +9,7% +11,5%

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Figure 12 : Répartition par secteur et par CSP des emplois des Scop de l’ex-Région Rhône-Alpes

A/ B/

Données DADS 2012

La figure 12 permet de voir que les emplois dans les Scop de la région Rhône-Alpes sont beaucoup plus concentrés dans les services qu’au niveau national, avec 64% des emplois contre 48%. C’est surtout le secteur de la construction qui est sous-représenté en Région Rhône-Alpes, avec une part de 9 points inférieure à la part nationale, et à un moindre degré l’industrie, avec un écart de 4 points entre les parts régionale et nationale.

Ces différences de répartition sectorielle se reflètent très clairement dans la répartition par catégorie socioprofessionnelle (CSP) des emplois dans les Scop. La part des ouvriers est beaucoup plus faible en Rhône-Alpes qu’au niveau national, presque d’un tiers (22% contre 36%). Si cette CSP reste la plus importante en Rhône-Alpes, elle est talonnée par trois autres catégories : celles des employés qualifiés, des professions intermédiaires et des cadres.

On peut donc voir que les qualifications des emplois dans les Scop rhônalpines sont plus élevées que dans l’ensemble des Scop en France. C’est à mettre en rapport avec le poids des services, en particulier de ceux qui s’adressent aux entreprises : bureaux d’études, communication, numérique, conseil et formation…sont quelques-unes des activités phares des Scop de la région Rhône-Alpes. A côté, la part des « employés qualifiés », plus du double en Rhône-Alpes par rapport au niveau national, témoigne de l’importance des services aux personnes également, avec des Scop des secteurs de la

culture et de l’événementiel ainsi que dans la restauration, la distribution alimentaire, entre autres14.

14 Cf. notre étude sur l’agglomération grenobloise où une lecture fine des évolutions des activités des

Figure 13 : Répartition par effectif des emplois des Scop de l’ex-Région Rhône-Alpes

Au niveau national Au niveau Rhône-Alpes

Données DADS 2012

La comparaison de la répartition des emplois des Scop par effectifs entre la région Rhône-Alpes et le niveau national que montre la figure 13 fait ressortir un trait particulier ; la part des emplois dans les Scop entre 20 et 100 salariés y est plus importante avec 55% contre 41%. Pour les Scop de taille inférieure à 20 salariés, leur poids est identique. C’est donc pour celles de plus grande taille qu’il existe un écart rhônalpin, les Scop de plus de 100 salariés n’y représentant que 9% des emplois contre 28% au niveau national.

Un autre point mérite d’être souligné dans ce panorama des coopératives de travailleurs de la région AURA. Cette région concentre une part importante des coopératives « loi 1947 », presque le tiers de toutes celles -74 en 2019- qui existent en France. En regardant les coopératives de travailleurs concernées par ce statut particulier, force est de reconnaître qu’elles ont été pour la plupart créées ex

nihilo après l’an 2000. Le guide juridique des Scop(CGScop, 2018) indique que le recours à ce statut est lié à deux causes principales :

-« Lorsque des coopératives se regroupent pour créer une coopérative leur permettant de mettre en

commun certains moyens en vue de leur développement »15 (p. 449)

-« Lorsqu’une Scop ne remplit pas encore, ou ne remplit plus, les conditions spécifiques propres au statut, notamment le nombre d’associés salariés » (ibid.).

Leur présence forte en région AURA pourrait être liée à la présence de groupements de Scop, comme les bureaux d’études nombreux dans la région, ainsi qu’à la volonté d’être moins contraints en nombre d’associés salariés que sous statut Scop, tout en formant une coopérative. Ce ne sont toutefois que des hypothèses qui mériteraient d’être confirmées. La région AURA pourrait ainsi peut-être être précurseur sur des évolutions dont témoigne l’adoption de ce statut allégé « loi 1947 ».

15Il existe par ailleurs le « groupement de Scop » a été introduit par la loi ESS de 2014, complétant l’« union de

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Enfin, toujours sur le plan des statuts juridiques, les Scic sont relativement moins présentes en région AURA avec 19,1% du total des coopératives de travailleurs par rapport au niveau français, où les Scic représentent 28,3% du total. Là encore, il faudrait des investigations plus poussées pour comprendre cette sous-représentation en région AURA.

Conclusion

Les quelques données présentées dans ce chapitre permettent de replacer les études de cas de notre programme de recherche dans un cadre statistique plus large sur les coopératives de travailleurs. Nous n’avons pas été guidés par la volonté d’obtenir un échantillon représentatif de ces entreprises en choisissant celles auprès desquelles nous avons enquêté. Mais ces statistiques donnent à voir le contexte national et régional qui entoure ces cas.

Au niveau national, on doit relever cette dynamique actuelle des coopératives de travailleurs, dynamique plus lente pour les Scop que pour les Scic qui connaissent une croissance exponentielle, témoignant des réponses que ce statut peut apporter à l’organisation collective et coopérative d’activités économiques. Cette croissance est portée par la création ex nihilo de nombreuses entités, même s’il ne faut pas négliger les apports des transformations d’entreprises classiques ou d’associations qui concernent des entités de plus grande taille. On doit noter d’ailleurs que les effectifs des coopératives de travailleurs tournent en moyenne autour de 20 salariés et que les créations concernent des effectifs souvent moindres encore. Enfin, les coopératives de travailleurs concernent l’ensemble des activités économiques et sont moins surreprésentées dans la construction et l’industrie qu’elles ne l’étaient auparavant. Ce sont donc les services dans lesquels cette dynamique est bien présente.

En complément de ce cadrage national, nous nous sommes attachés à apporter des données régionales de la région Provence Alpes-Côte d’Azur (avec la Corse) et de la région Auvergne Rhône- Alpes afin de préciser le contexte plus proche. Notons d’abord que ces deux régions sont des pôles importants de développement des coopératives de travailleurs, avec une dynamique certaine. Chacune est marquée par des spécificités, par exemple en termes d’activités (part importante encore du secteur de la construction et part moindre de l’industrie, pour la première et parts des services plus importante et de la construction moins importante pour la seconde). L’intérêt est aussi de porter le regard sur la localisation géographique des coopératives de travailleurs en voyant comment elle est expliquée par des déterminants « classiques » tels que la présence de pôles de croissance, les voies de communications, mais aussi plus idiosyncrasiques.

Les développements qui pourraient être menés devraient consister à revenir sur l’histoire locale afin de mieux comprendre les territoires et ce qui est le résultat d’histoires coopératives anciennes (Cf.

Lambersens, 2017 pour Grenoble). C’est donc par un travail de monographie locale que l’on pourrait encore mieux approcher les contextes dans lesquels doivent être replacées les études de cas que nous présentons plus loin.

Références bibliographiques

CGScop, 2018, Guide juridique des Scop, Scop Edit, Paris.

Charmettant H. (ss. la coord.), 2020, La Transformation coopérative. Perspectives et enjeux des

transformations d'entreprises en Scop, Série Recherche, collection "Economie : Théories, politiques et

sociétés", UGA Editions, Grenoble. (à paraître)

Charmettant, H., Boissin O., Juban J-Y., Magne N., Y. Renou Y., 2017, Les pouvoirs de transformation

des Scop : entreprises & territoires, Rapport de recherche Projet Scop, mars, 93 p.

Chaudy M., 2008, Faire des hommes libres. Boimondau et les communautés de travail à Valence 1941-

1982, Collections Pratiques utopiques, Editions Repas, Valence.

CNCRESS, 2019, L’économie sociale et solidaire dans les territoires ruraux, Rapport d’étude, Avise- RTES, juin 2019, 56 p.

Lambersen S., 2017, Aux origines de l’économie sociale et solidaire à Grenoble au XIXe siècle, Campus ouvert, éditions du Meylan, Saint Martin d’Hères.

Lasne L., 2004, L’histoire des coopératives de production Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse. Démocratie d’entreprise, une ambition historique, Éd. Le Tiers Livre,195 p.

Magne N., 2016, Quelle égalité dans les Scop ? Analyse quantitative et qualitative de l’emploi et de la

flexibilité de l’emploi, Thèse en sciences économiques, Université Lyon 2, soutenue le 7 décembre

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