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PARTIE I VULNÉRABILITÉ, MODÉLISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES

CHAPITRE 1. CONCEPTUALISATION ET ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ

1.5 Résilience et vulnérabilité

Les concepts de vulnérabilité et de résilience sont souvent confondus ou perçus comme recouvrant les mêmes processus ou des processus opposés (in Cutter, 1996 ; Timmerman, p21). Afin d’éclaircir les distinctions et liens entre ces deux concepts, la section suivante propose une revue de littérature.

1.5.1. Définition originelle de la résilience en écologie

Il est important de revenir à la définition originelle, et communément admise dans la communauté travaillant sur la résilience13, qui a été proposée par Holling en 1973. La résilience est définie comme la capacité d’un système à retrouver ses fonctionnalités suite à l’occurrence d’un choc. Dans son article (1973), Holling remet en question la façon de considérer l’évolution des populations en écologie et pointe le fait que le suivi d’un nombre d’individus dans une population n’est pas un bon indicateur. Il faudrait plutôt être en mesure de suivre les amplitudes d’oscillation des populations. Il oppose clairement la notion de résilience à celle de stabilité (p 17). La stabilité est définie comme la capacité du système à revenir à un état d’équilibre après une perturbation temporaire.

L’approche par la résilience met en avant les dynamiques non linéaires, les effets de seuil et repose sur l’interprétation mathématique des observations empiriques menées sur les écosystèmes (Janssen et al., 2006a). Walker et al. (1981), étudiant l’évolution des savanes en milieu semi-aride, poussent encore plus loin le caractère dynamique et suggèrent que la résilience est la capacité à s’adapter aux changements en exploitant les phénomènes d’instabilité plutôt que la capacité à absorber une perturbation et à revenir à l’état initial avant aléa. Les systèmes considérés peuvent ainsi adopter plusieurs formes d’équilibre qualifiées d’attracteurs et localisées dans des bassins

13

Il s’agit de la « Resilience Alliance »13, groupe de recherche fondé en 1999, financé par un réseau d’institutions international et dont le directeur fondateur est Holling.

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d’attractions. Lorsque le système est fortement perturbé, il peut alors basculer d’un bassin d’attraction vers un autre (Gallopin, 2006).

Dans la conception initiale de la résilience, il est donc clair que les questions principales portent sur :

- la définition des fonctionnalités des systèmes,

- la définition des zones d’équilibre des systèmes dans les bassins d’attractions.

S’inscrivant dans cette démarche, Carpenter et al. (2001) proposent, pour évaluer la résilience, de mesurer l’amplitude de perturbation que le système peut subir en maintenant ses fonctionnalités indispensables.

1.5.2. La stabilité : une vision ingénieuriale de la résilience

Pimm (1984) propose une définition, qui est selon Holling une vision plus ingénieuriale de la résilience. Il considère que la résilience peut être définie comme la rapidité de retour à un état stable suite à une perturbation. Cette définition est, à notre sens, plus proche de la définition de la stabilité que de la résilience. Le temps de retour à l’état stable est un des résultats attendus du modèle de vulnérabilité.

En économie, les situations analysées sont des situations d’équilibre général ou partiel et le concept de résilience est souvent réduit à ce concept de stabilité. C’est également le cas du point de vue de la recherche appliquée et de l’ingénierie des risques naturels, (Tierney et al., 2007) comme l’illustre la figure 14.

D’après Tierney et al. (2007)

Figure 14: Le triangle de la résilience

1.5.3. Résilience et théorie de la viabilité

Martin (2005) s’attache à proposer une conceptualisation de la résilience utilisant le formalisme de la théorie de la viabilité et à l’appliquer aux systèmes écologiques et sociaux.

Les modèles de viabilité reposent sur la définition de fonctions mathématiques déterminant l’évolution de l’état de systèmes gouvernés par des dynamiques non déterministes sous un certain nombre de contraintes. La modélisation de l’évolution de ces systèmes prévoit les interactions avec l’environnement. Les modifications induites par le système sur son environnement ont une

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rétroaction sur l’état même du système considéré. Ces contraintes sont appelées contraintes de viabilité dans le sens où le système doit s’adapter à ces contraintes ou disparaitre. Ces contraintes de viabilité permettent de définir un concept central dans la théorie de la viabilité, les noyaux de viabilité qui sont composés de l’ensemble des états à partir desquels il existe au moins une évolution qui satisfasse les contraintes indéfiniment.

Martin propose d’évaluer la résilience d’un système par l’inverse du coût de restauration d’une fonctionnalité perturbée. Ainsi, si les fonctionnalités d’un système n’ont pas pu être restaurées dans un temps défini, le coût est infini et indique que le système n’est pas résilient. Ce coût peut être économique (monétaire) et/ou écologique (perte de biodiversité, pollutions). Les perturbations envisagées sont décrites par une correspondance qui, à chaque état du système, associe l’ensemble des états atteignables à partir de cet état suite à une perturbation.

Dans cette approche, les questions de recherche posées portent sur :

- la formalisation mathématique du fonctionnement des systèmes et de leur évolution ; - la définition des noyaux de viabilité en fonction des contraintes ;

- la définition et l’évaluation des fonctionnalités des systèmes.

Ces questions sont différentes des objectifs de cette thèse qui sont de caractériser et d’évaluer les processus expliquant la vulnérabilité des systèmes. Contrairement à l’approche de la viabilité, il ne s’agit pas de déterminer les fonctionnalités souhaitées des systèmes agricoles mais d’analyser les processus permettant de retrouver un état initial après un choc.

Par ailleurs, les modèles mathématiques de viabilité requièrent, pour pouvoir être résolu avec les outils calculatoires existants, de ne faire intervenir qu’un nombre limité de variables permettant de définir les trajectoires des systèmes en fonction de leur état. Les travaux menés sur la vulnérabilité des systèmes agricoles sont relativement peu nombreux et il apparait difficile à ce stade de proposer un système réduit de variables explicatives du fonctionnement et des contraintes portant sur ces systèmes.

1.5.4. La résilience dans notre modèle

Nous considérons la vulnérabilité et la résilience comme deux concepts distincts ; la vulnérabilité déterminant les effets subis jusqu’au retour à un état d’équilibre et la résilience déterminant la capacité d’un système à retrouver un état d’équilibre pouvant être différent de l’état initial. Le modèle de vulnérabilité proposé ne vise pas à analyser et évaluer la résilience des systèmes agricoles aux inondations. Notre objectif d’évaluer les effets de l’inondation sur les exploitations agricoles, nous amène à faire l’hypothèse simplificatrice d’une stabilité de ces systèmes suite à l’inondation. Nous considérons ainsi que les exploitations agricoles sont parfaitement résilientes, dans le sens où elles retrouvent leur état initial qui est un des états leur permettant de réaliser les fonctionnalités

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attendues. Nous proposons dans le chapitre 3 une discussion de cette hypothèse souvent nécessaire en évaluation économique (sous-section 3.3.5, p 86).