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Modélisation économique d’optimisation de la production agricole

PARTIE I VULNÉRABILITÉ, MODÉLISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES

CHAPITRE 2. MODÉLISATION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

2.2 Modélisation économique d’optimisation de la production agricole

Avant de présenter les différentes approches de modélisation, nous évoquons la démarche mise en œuvre dans les modèles classiques d’optimisation de la production agricole, à savoir la modélisation de la production et la modélisation de la décision en explicitant les hypothèses sous- jacentes concernant la rationalité. Différentes modélisations de la production et de la décision peuvent être envisagées.

2.2.1. Modélisation de la production

La modélisation de la production sur les exploitations agricoles peut être envisagée de plusieurs façons. Classiquement, les modèles économiques d’exploitation agricole utilisent des fonctions de production qui permettent d’exprimer le lien entre les facteurs de production mobilisés par l’exploitation et son niveau de production. Elle représente une formalisation implicite des interactions entre les facteurs de production et le niveau de rendement produit. La fonction de production la plus couramment utilisée est celle de Cobb Douglas qui relie la production aux apports en certains intrants (terre, eau, azote, capital financier…) et travail. Diverses techniques peuvent être mobilisées pour estimer les coefficients de la fonction de production en fonction des questions de recherche. Ces estimations peuvent par exemple prendre en compte l’aversion au risque des exploitants, le temps et contrôler les biais liés à l’hétérogénéité des exploitations agricoles (Koundouri et al., 2009 ; Kumbhakar et al., 2003). Les techniques d’économétrie des panels qui utilisent des séries de données sur plusieurs années, peuvent également être utilisées (Abdulai et al., 2007).

Les approches par couplage et les approches systémiques utilisent également parfois des modèles agronomiques pour modéliser la production. Ces modèles agronomiques sont des modèles biophysiques visant à déterminer le rendement des productions en fonction de différents paramètres physiques (climatologiques, pédologiques, hydrologiques…) et des pratiques des exploitants. Ils peuvent être considérés comme des fonctions de production détaillées (Flichman et al., 2003).

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2.2.2. Modélisation de la décision par l’approche de rationalité classique

 Hypothèses de rationalité

Classiquement, les modèles d’optimisation se fondent sur la théorie micro-économique de la firme. Ils reposent d’une part sur l’existence d’une fonction de production et d’autre part, sur la définition d’une fonction d’objectifs visant la maximisation d’une fonction d’utilité ou de profit (Brossier et al., 1990a). Ces modèles mathématiques d’optimisation, décrits ci-après, reposent sur la théorie classique de la rationalité utilisée par l’économie néoclassique. Cette théorie est basée sur les hypothèses suivantes :

1. Il existe une fonction de préférence de l’agent impliquant que ses objectifs sont clairement exprimés et peuvent être rangés selon un ordre de préférence.

2. L’agent dispose d’une information parfaite sur la fonction de préférence, c’est-à-dire que l’ensemble des solutions possibles dans une situation de décision est parfaitement connu par le décideur.

3. Les conséquences de chacune des solutions possibles sont connues et estimables avec une parfaite certitude par l’agent.

4. Il existe une comparabilité et une cardinalité des décisions c’est-à-dire que l’agent est capable de comparer ces différentes décisions entre elles en les ramenant à un indicateur unique.

 Résolution mathématique associée

Les outils de programmation mathématique sont classiquement utilisés pour optimiser la fonction de préférence, appelée fonction d’objectifs, sous certaines contraintes (Blanco Fonseca et al., 2008). Dans le cas de la programmation linéaire, la fonction d’objectif à optimiser ainsi que les contraintes sont linéaires et continues alors que dans le cas de la programmation mathématique positive, la fonction d’objectif est non linéaire.

Pour l’application au cas des exploitations agricoles (Jacquet et al., 2008), après la définition d’une fonction de production, les contraintes en termes d’occupation des terres, de rotation, de travail, de trésorerie doivent être décrites en découpant l’exploitation agricole par activités.

La programmation linéaire est un outil qui a longtemps été utilisé en recherche opérationnelle et particulièrement pour l’évaluation des politiques agricoles (Boussard et al., 1997 ; Kerselaers et al., 2007) ainsi que les problématiques de gestion de l’eau (Berbel et al., 2000 ; Bouzit et al., 1994 ; Graveline et al., 2007). L’orientation est actuellement au développement de modèles non-linéaires dans le cadre du paradigme classique d’existence de solutions optimales (Bouyssou et al., 2006).

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2.2.3. De la rationalité substantive à la rationalité procédurale (Simon, 1976)

Le modèle de rationalité classique bien qu’encore largement utilisé, a montré certaines limites. Dès les années 1950, les travaux d’Herbert Simon (1955) ont jeté le doute sur la pertinence du modèle d’optimisation sous contraintes comme seul paradigme admissible de rationalité. Et, dans le domaine de la recherche opérationnelle, les limites de la modélisation exclusive des problèmes de décision sous forme d’optimisation sont également apparues. Une solution « optimale dans le modèle » n’apparaissait pas toujours optimale pour l’agent concerné (Bouyssou et al., 2006, p17). Simon pointe spécifiquement trois hypothèses implicites de la théorie classique de la décision qui lui paraissent non applicables dans la réalité des organisations (Moscarola, 1984 in Bouyssou et al, 2006), à savoir :

- les agents connaissent bien leur problème ;

- ce problème est toujours représentable comme un problème d’efficacité ;

- l’information et les ressources nécessaires pour trouver une solution sont toujours disponibles. Pendant les années 1950, Simon a donc développé sa théorie de la « rationalité limitée » (Simon, 1955), selon laquelle un décideur confronté à un problème de choix se comporte selon un critère de « satisfaction » au sens où il choisit la première solution trouvée qui « satisfait » ses besoins ; il ne choisira pas selon un critère d’optimisation idéal et irréaliste. Les hypothèses de ce qui devient en 1955, la rationalité limitée sont les suivantes (Bouyssou et al., 2006, p183) :

1. il est impossible de donner des probabilités à tous les évènements et même tout simplement d’énumérer tous les évènements possibles avec leurs combinaisons ;

2. les préférences du décideur ne sont pas rationnelles au sens de la maximisation d’une fonction d’utilité et elles sont multicritères et changeantes, ce qui entraîne l’impossibilité d’avoir une fonction d’utilité globale pour le choix ;

3. les décisions s’étalent dans le temps et, dans les organisations, forment un processus temporel dans lequel les sous-décisions ne sont pas indépendantes entre elles, mais peuvent être prises à des moments et des niveaux différents avec des critères non identiques ;

4. l’information est fondamentale et conditionne très fortement la décision.

Cette définition de la rationalité est celle qui est principalement utilisée dans les approches agronomiques de modélisation systémique et dans la majorité des systèmes multi-agents. L’hypothèse de rationalité limitée peut aussi être modélisée grâce à la programmation mathématique. Pour les agronomes, cette façon de modéliser la décision a émergée dans les années 1990 selon le concept de « modèles d’action » développé par Sébillote (2010)(cf. sous section 2.4.3 p 63).

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