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PARTIE I VULNÉRABILITÉ, MODÉLISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES

CHAPITRE 3. ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES PROJETS DE GESTION DES INONDATIONS

3.2 Analyse Coût-Bénéfice

Nous centrons notre propos sur l’Analyse Coût-Bénéfice (ACB), méthode d’évaluation de la valeur d’utilité et qui est la plus fréquemment utilisée19. Cette section propose une présentation des principes et étapes de réalisation d’une ACB reposant principalement sur le document « Analyse Coûts-Bénéfices et Environnement » publié par l’OCDE (Pearce et al., 2006).

3.2.1. Historique et principes théoriques

Les fondements théoriques de l’ACB reposent sur plusieurs apports dont le premier est le concept d’externalité, introduit par Sidgwick en 1887, et que Pigou associe, en 1920, à la différence entre coûts privés et coûts collectifs. Par ailleurs, Dupuit (1844, 1853) propose que les politiques soient évaluées sur la base des préférences des individus et introduit la notion de Consentement À Payer (CAP).

L’ACB s’inscrit dans le cadre de l’économie du bien-être moderne portée par les travaux de Kaldor et Hicks qui introduisent la notion de compensation potentielle en s’opposant au critère de Pareto. Ce dernier considérerait qu’une modification d’une situation n’est un progrès social que si au moins une personne bénéficie d’un gain sans que quiconque ne subisse de perte. Kaldor et Hicks (1939) proposent, eux, que le critère de validation d’un projet repose sur la capacité potentielle des gagnants à compenser les perdants. C’est sur ce principe de compensation potentielle que repose, actuellement, la validation des projets par ACB.

3.2.2. Quelques définitions : coûts, bénéfices et valeur actuelle nette

Les bénéfices et coûts d’un projet évalués dans une ACB sont respectivement définis comme des augmentations ou des réductions du bien-être humain (utilité). Pour cela, l’ACB vise à identifier et quantifier en utilisant des termes monétaires les effets positifs et négatifs d’un projet sur l’ensemble des agents concernés sur une période déterminée.

Les coûts correspondent aux dépenses monétaires (coûts d’investissement, d’entretien…) et non monétaires (externalités et coûts d’opportunité) liées à la réalisation d’un projet.

Les bénéfices correspondent à la somme des augmentations des utilités induites par la mise en œuvre du projet pour l’ensemble de la collectivité.

Ainsi, un projet répond aux critères de l’ACB si la somme actualisée dans le temps des bénéfices sociaux est supérieure à celle des coûts. La société est considérée comme l’ensemble des individus.

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Deux principes d’agrégation sont implicitement appliqués dans l’ACB : les bénéfices résultent de l’agrégation des CAP des individus et les bénéfices et coûts sont également agrégés dans le temps en appliquant un taux d’actualisation qui attribue un poids plus importants aux coûts et bénéfices présents. Les bénéfices et coûts futurs actualisés sont appelés valeurs actuelles.

La Valeur Actuelle Nette (VAN) constitue le résultat synthétique du rapport entre les bénéfices et coûts agrégés et actualisés20.

3.2.3. Etapes de l’analyse coût-bénéfice

Les étapes misent en œuvre pour l’application de l’Analyse Coût-Bénéfice sont les suivantes (Garrabé, 1994 ; Pearce et al., 2006) :

1. Le projet doit être clairement défini en termes d’objectifs, de durée de vie, de zone spatiale d’influence.

2. Les différentes options envisagées doivent être identifiées afin de pouvoir les classer selon un critère d’efficience. A défaut, la réalisation d’une option est comparée à l’option de ne rien faire.

3. L’espace social, c’est-à-dire l’ensemble des acteurs, susceptibles de voir leurs bénéfices et/ou coûts modifiés par le projet doivent être identifiés.

4. Les effets du projet sur l’utilité des individus doivent être identifiés.

5. Les effets doivent être quantifiés. Pour cela, il existe différentes méthodes développées pour évaluer les préférences vis-à-vis de ce changement de situation et la variation de bien-être induite (cf. sous-section 3.2.4, p76). Cette évaluation doit être réalisée avec une perspective temporelle, pour chaque année de durée de vie du projet.

6. Le choix et l’application d’un taux d’actualisation permet ensuite de tenir compte des préférences temporelles des individus quant au moment où ils reçoivent les bénéfices ou supportent les coûts d’un projet. L’ensemble des coûts et bénéfices résultant de la mise en œuvre du projet est donc actualisé sur la durée de vie du projet.

7. Des coefficients de pondération peuvent être associés aux coûts et bénéfices du projet pour refléter leur valeur sociale pour différents groupes d’agents. Un coefficient de pondération peut également être utilisé pour tenir compte de l’aversion au risque du décideur.

8. Les coûts et bénéfices actualisés sont comparés donnant la Valeur Actuelle Nette (VAN).

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3.2.4. Méthodes d’évaluation de la variation d’utilité dans l’ACB

Les méthodes d’évaluation de la variation d’utilité reposent sur l’observation des préférences qui peuvent être révélées ou déclarées.

La figure 30 reprend la classification de ces méthodes proposée par Garrabé (1994). Nous pouvons distinguer d’une part, les valeurs d’actifs marchands qui peuvent être évaluées sur la base des prix observés sur les marchés en faisant parfois l’objet de rectifications et, d’autre part, les valeurs d’actifs hors marché. Ce sont souvent ces valeurs qui sont recherchées dans les ACB appliquées aux problématiques environnementales.

Deux approches ont été développées pour évaluer ces valeurs d’actifs hors marché : l’une passe par la mesure des préférences déclarées ; l’autre, par la mesure des préférences révélées. Les méthodes basées sur les préférences déclarées sont appliquées par le biais d’enquêtes et reposent sur des marchés théoriques. Parmi la liste présentée dans la figure 26, les méthodes par préférences déclarées les plus fréquemment utilisées sont les suivantes :

- L’évaluation contingente consiste à faire exprimer aux individus concernés une valeur monétaire proposée ou librement exprimée correspondant à une modification. Il s’agit d’un consentement à payer lorsque la modification constitue une amélioration et un consentement à recevoir lorsqu’il s’agit d’une dégradation.

- La modélisation des choix (choice modelling) propose de classer les choix des individus. Une application de ce type de méthode est l’analyse conjointe. Elle est proche de l’évaluation contingente mais plutôt que de demander aux individus une estimation monétaire, elle propose de faire des arbitrages et classements sur différents scénarios proposés.

Au sein de l’autre groupe reposant sur la mesure des préférences révélées, trois catégories sont distinguées en fonction des types de marchés sur lesquelles elles reposent. Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble de ces méthodes d’évaluation mais nous listons les plus utilisées dans les évaluations environnementales :

- La méthode des coûts de déplacement consiste à mesurer la valeur d’un bien par le coût que les agents sont disposés à payer pour se rendre sur le lieu. Cette méthode, comme le souligne Grelot (2004), n’est pas adaptée à la gestion des inondations.

- La méthode des prix hédoniques repose sur l’hypothèse que le prix d’un bien dépend de certaines caractéristiques procurant une satisfaction aux agents. Cette méthode est parfois utilisée pour l’ACB des projets de gestion des inondations (Shabman et al., 1996).

- La méthode des dommages évités est la plus fréquemment utilisée pour l’évaluation des bénéfices des projets de gestion des inondations. L’hypothèse sur laquelle elle repose est que

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le CAP des agents peut être évalué par la réduction des dommages attendue suite à la réalisation d’un projet.