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PARTIE I VULNÉRABILITÉ, MODÉLISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES

CHAPITRE 1. CONCEPTUALISATION ET ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ

1.9 Conclusions et hypothèses de travail retenues

1.9.1. Définition de la vulnérabilité

De manière générale, la vulnérabilité se définit comme la propension d’un système à être perturbé par un choc. Elle résulte de deux composantes caractéristiques des systèmes :

- leur sensibilité (capacité à être transformé par une perturbation) ;

- leur capacité de réponse (capacité à s’ajuster, résister à la perturbation, en modérer les dommages potentiels, gérer les conséquences des transformations).

La sensibilité et la capacité de réponse dépendent des dotations en capital physique, humain, financier, social et institutionnel dont disposent les systèmes.

La vulnérabilité se définit donc comme la propension d’un système à subir des effets suite à une exposition à un aléa en fonction de sa sensibilité et de sa capacité de réponse, qui sont déterminées par l’ensemble de ses dotations en capital physique, humain, financier, social et institutionnel.

1.9.2. Le système : l’exploitation agricole

Nous avons montré, à travers la littérature sur la vulnérabilité agricole, que l’échelle de la parcelle était généralement reconnue comme inadéquate pour appréhender la notion de vulnérabilité (Bremond et al., 2009). Nous analysons la vulnérabilité à l’échelle de l’exploitation agricole, considérée comme un système complexe et dynamique constitué de composantes physiques en interaction conformément à une organisation régie par une entité humaine. L’exploitation agricole est envisagée comme un SES dans le sens où nous considérons ses interactions avec l’environnement naturel (aléa d’inondation) et son environnement socio-économique notamment son réseau social et son réseau économique (filières amont et aval).

1.9.3. L’aléa et l’exposition : la crue et l’inondation

L’aléa est défini comme un évènement se produisant de façon aléatoire et pouvant être à l’origine d’effets. L’aléa considéré est une crue qui correspond à un dépassement d’un débit considéré comme seuil pour le cours d’eau (Ledoux, 2006). L’exposition correspondant au degré, à la durée et à l’ampleur du contact entre un aléa et un système, est appelée dans ce cas, inondation. Elle résulte de l’occurrence d’une crue sur un territoire considéré comme un enjeu.

L’aléa de crue peut être caractérisé par plusieurs paramètres : sa période d’occurrence, sa hauteur, sa durée, sa vitesse. L’association d’une intensité d’aléa en termes de hauteur, durée et vitesse est généralement faite par l’utilisation de modèles hydrologiques et hydrauliques. Concernant la saison d’occurrence, l’association d’une probabilité à chaque aléa fait appel à des techniques d’hydrologie fréquentielle. Ce paramètre est reconnu comme ayant une importance

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majeure sur les zones agricoles (Wisner et al., 2004, p106). Lorsqu’il est possible d’associer des probabilités objectives à un niveau d’intensité de l’aléa, la caractérisation est complète. Dans le cas des crues, cette caractérisation est généralement possible. On parle alors de crue décennale pour une crue ayant une période de retour équivalente à dix ans, de crue centennale pour une crue ayant une période de retour de cent ans. Pour l’évaluation économique, il est important de pouvoir associer à chaque niveau d’aléa une probabilité afin d’être en mesure de pondérer les dommages occasionnés par ceux-ci.

1.9.4. Place de la résilience dans l’analyse

La résilience se définit comme la capacité d’un système à conserver ses fonctionnalités suite à l’occurrence d’un choc (Holling, 1973). Cette définition ne présuppose pas de l’état du système avant et après le choc. Il est simplement nécessaire pour qu’un système soit résilient qu’il conserve les mêmes fonctionnalités.

La modélisation développée suppose une résilience des exploitations agricoles dans un sens restreint. En effet, nous considérons que les exploitations agricoles cherchent à, et ont la capacité de, revenir à leur état initial, c’est-à-dire avant l’inondation. Cette hypothèse simplifie fortement les processus envisageables. Les changements de bassin d’attraction, les pertes ou gains de fonctionnalités des systèmes ne sont pas traités ici.

La perspective d’une analyse de la résilience des systèmes agricoles aux inondations soulèverait, par ailleurs, une interrogation sur la pertinence du choix de l’échelle d’analyse. Le choix de l’approche à l’échelle de l’exploitation agricole vise à analyser les processus micros en œuvre dans ce système et conditionnant sa capacité à subir des dommages et à se remettre d’une inondation. La faillite d’une exploitation se caractériserait par une réorganisation du tissu économique (rachat des biens physiques par d’autres exploitations agricoles, utilisation de la surface pour d’autres activités économiques…) dont il serait nécessaire de caractériser la capacité à assurer les mêmes fonctionnalités. Ces phénomènes se situent hors de notre cadre d’analyse.

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1.9.5. Evaluation de la vulnérabilité

 Dimension temporelle de l’analyse de la vulnérabilité

L’évaluation de la vulnérabilité est définie comme l’évaluation des effets de l’inondation (aire en gris sur la figure 16) sur une échelle temporelle allant de l’occurrence de l’aléa (t1) jusqu’au retour du

système à sa situation initiale (t2).

Figure 16 : Formalisation de l’évaluation de la vulnérabilité

 Effets considérés

Notre conception de l’évaluation de la vulnérabilité revient donc à considérer la vulnérabilité comme une fonction permettant de quantifier l’ensemble des effets subis par un système en fonction d’une intensité d’aléa (figure 17). Ces effets peuvent ensuite être valorisés et permettent d’exprimer les dommages définis comme les « valeurs anthropocentriques mais pas nécessairement monétaires, que la société et/ou ses membres attribuent aux effets » (Torterotot, 1993, p.11). L’enjeu de notre travail est donc de réfléchir à la construction de cette fonction comme indiqué sur la figure 17.

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Selon la classification proposée par Grelot (2004), nous retenons deux types d’effets à caractériser, quantifier et valoriser dans notre modèle :

- les effets de dégradation ou effets directs sur les composantes physiques du système ;

- les effets induits sur l’activité liés à l’indisponibilité des composantes physiques ; l’indisponibilité pouvant résulter de la submersion ou de la dégradation des composantes physiques.

Il s’agit donc de proposer une évaluation ex-ante reposant sur :

- un modèle d’endommagement permettant d’exprimer les effets directs sur les composantes physiques de l’exploitation agricole ;

- un modèle de la capacité de réponse, en fonction des dotations en capitaux, permettant d’estimer les effets induits sur l’activité.

 Hypothèses sur la remise en route (capacité de réponse)

Pour analyser le processus de remise en route des exploitations agricoles, nous mobiliserons les théories de l’accès et des capitaux multiples. Différents profils d’exploitants sont définis en fonction de leur capacité d’accès aux différents types de capitaux physique, humain, financier, social et naturel.

L’hypothèse de substituabilité, notamment entre capital physique, financier et social est utilisée pour caractériser les stratégies de remise en route des exploitants dans l’analyse de la vulnérabilité.

 Place de l’adaptation

Nous nous intéressons à un type de politique de gestion des inondations potentiellement envisagé sur les zones agricoles que sont les mesures de réduction de la vulnérabilité. A travers la terminologie « mesures de réduction de vulnérabilité », il s’agit en fait d’adapter les exploitations agricoles à la potentielle occurrence d’une inondation afin de limiter les dommages subis et d’améliorer la remise en route des exploitations. L’objectif de ces mesures est de diminuer la vulnérabilité dans le sens où elles permettent de limiter le montant total de dommages subis (surélévation des produits, gestion des stocks d’intrants, organisation de prêt de matériel).

Artificiellement, il est possible de distinguer deux effets de la mise en place de ces mesures : - Premièrement, les effets sur la première composante de la vulnérabilité, la sensibilité,

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Figure 18 : Évolution des dommages suite à l’application d’une mesure de réduction de la vulnérabilité (type 1)

- Deuxièmement, les effets sur la deuxième composante, la capacité de remise en route, permettant spécifiquement de réduire le temps de remise en route de l’exploitation (sur la figure 19 de t2 à t’2).

Figure 19 : Évolution des dommages après application de mesure de réduction de la vulnérabilité (type2)

En réalité, nous montrons que la remise en route dépend de la sensibilité. La différence principale entre l’adaptation et la réduction de la vulnérabilité réside dans la temporalité envisagée. En effet, la mise en place de mesures de réduction de la vulnérabilité est entendue comme l’adaptation au contexte actuel d’inondation alors que l’adaptation est plutôt envisagée, dans le contexte du changement climatique, à très long terme.

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