• Aucun résultat trouvé

Analyses existantes de la vulnérabilité des systèmes agricoles

PARTIE I VULNÉRABILITÉ, MODÉLISATION DES SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉVALUATION ÉCONOMIQUE DES

CHAPITRE 1. CONCEPTUALISATION ET ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ

1.8 Analyses existantes de la vulnérabilité des systèmes agricoles

1.8.1. Méthode Inondabilité

La méthode Inondabilité, développée par le Cemagref (Gilard, 1998), propose une conception originale de l’évaluation de la vulnérabilité, qu’il est difficile de comparer aux autres méthodes. Elle vise à une modélisation quantifiée en parallèle et indépendante de l’aléa et la vulnérabilité, afin de les rendre comparables. La quantification de la vulnérabilité prévoit la définition d’un aléa maximal défini par sa période de retour, qui représente la limite d’acceptabilité associée à une occupation du sol donnée (désignée par risque maximal acceptable). Si l’analyse hydrologique du territoire montre qu’une parcelle donnée est inondée plus fréquemment que cet événement limite (cf. tableau 3), l’évènement est qualifié d’ « inacceptable ». Au contraire, si l’évènement se produit moins fréquemment que cet évènement limite, la situation est qualifiée comme « acceptable ». A titre d’exemple, les valeurs maximales acceptables (normes guides d’objectifs de protection) retenues dans cette méthode pour une typologie définie dans les zones rurales sont présentées dans le tableau 3.

Cette méthode a fait l’objet de nombreux questionnements quant à son applicabilité (Lang et al., 2009), en particulier sur le secteur agricole. En effet, la parcelle est la base du croisement entre vulnérabilité et aléa dans cette méthode.

43 Chapitre 1 : Conceptualisation et évaluation de la vulnérabilité

Tableau 3 : Normes-guide d’objectifs en zones rurales

Critères de vulnérabilités

Type de culture Saison Durée de

submersion Hauteur de submersion Fréquence de submersion Vitesse d’écoulement Maraîchage Printemps Eté / automne < 1 j 1 < d < 3j 5 ans 5 ans 0.25 m/s 0.25 m/s Terres cultivées de printemps Printemps / Eté Hiver Automne 8 j 1 mois 1 mois 5 ans 1 an 1 an Terres cultivées d’hiver Hiver Printemps / Eté Automne 1 mois 3 j 8 j Vignes Eté Automne Hiver > 0 >0 1 mois 10 ans 10 ans 0.25 m/s 0.25 m/s Verger Printemps / Eté

hiver > 1j 1 mois 1 m 10 ans 1 an 0.5 m/s Source : Gilard (1998) Or, lors du travail réalisé pour définir les événements limites pour le secteur agricole, il a été montré que l’approche à la parcelle ne permet ni d’appréhender le volet décisionnel de l’installation en zone inondable (Longhini, 1997) ni de déterminer le seuil de perte économique acceptable (Longhini, 1998), deux aspects pourtant nécessaires pour déterminer le risque maximal acceptable, indicateur de la vulnérabilité dans cette méthode. Cela montre donc que le choix de l’échelle d’évaluation de la vulnérabilité est déterminant et nous a amené à considéré la vulnérabilité à l’échelle de l’exploitation agricole.

1.8.2. Approches semi-quantitatives d’évaluation

L’Equipe pluridisciplinaire Plan Loire Grandeur Nature s’est engagée dès 2000, dans une démarche de diagnostic et de réduction de la vulnérabilité des activités économiques, en particulier agricoles. Les crues de l’Aude de 1999 ont permis la réalisation d’un retour d’expérience sur la vulnérabilité agricole , qui a mis en évidence deux résultats génériques (Bauduceau, 2001):

- l’importance d’une approche à l’échelle de l’exploitation agricole pour comprendre les conséquences subies et donc la vulnérabilité des zones agricoles

- la nécessité d’une approche temporelle du phénomène inondation afin de considérer la période de remise en route suite à l’inondation (figure 15).

De plus, Pivot et al. (2002) montrent qualitativement sur la base d’enquêtes, si les dommages directs suite à l’inondation sont à considérer, ils ne sont pas la seule conséquence de l’inondation à l’échelle de l’exploitation. La disponibilité des ressources de production et le temps de nettoyage induit par l’inondation entraînent des perturbations de l’organisation du travail qui peuvent avoir des répercussions sur l’activité.

44 Chapitre 1 : Conceptualisation et évaluation de la vulnérabilité

Source : Bauduceau (2001)

Figure 15 : Représentation temporelle de la vulnérabilité et de la résilience d’une exploitation agricole au risque d’inondation.

Les travaux menés par le Plan Loire ont mis en évidence 47 critères de vulnérabilité (Barbut et al., 2004 ; Bauduceau, 2004b) classés puis hiérarchisés selon les méthodes d’analyse structurelle et multicritères. L’objectif était de déterminer les critères leviers (sensibilité du matériel ou des bâtiments, fragilité financière…) afin de construire des guides de diagnostic destinés aux agriculteurs. Ces guides, adaptés à chaque type de production, permettent à leurs utilisateurs, d’une part, de percevoir dans leur ensemble les impacts que leur activité serait susceptible de subir en cas de crue majeure et, d’autre part, d’être aidé dans le choix de mesures de réduction de vulnérabilité adaptées à leur situation (Bauduceau, 2005a). L’exploitation agricole y est considérée comme un système constitué de plusieurs composantes qui sont : les parcelles (productions végétales, équipement des parcelles, sols…), les stocks, le matériel d’exploitation, les bâtiments, le cheptel. La composante financière de l’exploitation est également prise en compte. L’analyse de l’endommagement de chacune des composantes est réalisée en utilisant des indicateurs qui peuvent être qualitatifs ou quantitatifs et l’estimation de ces indicateurs est réalisée par l’exploitant lui-même. Six thèmes permettent de caractériser les effets d’un scénario d’inondation, choisi par l’exploitant, sur les différentes composantes de l’exploitation (directs et indirects), les effets internes dus aux interactions entre les différentes composantes ainsi que les dommages à long terme.

Ces critères ne sont pas directement mobilisables pour l’évaluation économique mais notre modèle conceptuel de vulnérabilité intègre la connaissance experte produite par cette approche.

45 Chapitre 1 : Conceptualisation et évaluation de la vulnérabilité

1.8.3. Tentative d’évaluation quantitative de la vulnérabilité agricole

Posthumus et al. (2009) montrent également que le fait de ne prendre en compte et de ne quantifier que les effets des inondations sur les parcelles (pertes de récolte) ne reflète pas totalement les effets des inondations et donc la vulnérabilité des zones agricoles. L’analyse repose sur un retour d’expérience des inondations de l’été 2007 en Angleterre (ADAS, 2007) et de 78 enquêtes auprès d’exploitants. Posthumus et al. (2009) utilisent dans leur questionnaire des indicateurs de vulnérabilité semblables à ceux proposés par Bauduceau (2005) et tentent de proposer une estimation monétaire de ces différents indicateurs. Les effets directs sur les cultures et les bâtiments sont considérés mais également les effets indirects comme par exemple la remise en état des parcelles, la surcharge de travail, la perte de marché ou de contrats. Les auteurs mettent en évidence deux niveaux de conclusions :

- Premièrement, en termes de répartition des montants de dommages, ils montrent que même si sur cette inondation, la proportion de dommages sur les cultures est importante par rapport aux autres types de dommages, il est envisageable de quantifier ces autres dommages. Le poids important des dommages aux cultures peut s’expliquer simplement par le fait que sur la zone étudiée, les cultures sont principalement des cultures d’été.

- Deuxièmement, l’analyse des conséquences économiques sur la zone agricole ne permet pas de prendre en compte les conséquences financières sur les exploitations qui ont été lourdes et ont entraîné des faillites. Ainsi, la question des conséquences relatives sur un enjeu particulier devient importante comme l’avait déjà montré Brouwer (2007) pour les foyers ruraux soumis au risque d’inondation au Bangladesh.

46 Chapitre 1 : Conceptualisation et évaluation de la vulnérabilité