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CHAPITRE 2. ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.1 La résilience en contexte relationnel adverse et de maternité précoce

Des lacunes importantes sur les connaissances relatives aux processus de résilience dans le double contexte d’adversité ciblé dans cette recherche sont présentes, du moins en ce qui concerne les publications avec revues de pairs. En fait, malgré des recherches extensives, peu d’écrits sur la résilience portent spécifiquement sur ce double cumul de facteurs de risque. À notre connaissance, une seule étude qualitative a été publiée.

Appuyant l’idée que des connaissances supplémentaires sont requises, nous sommes contraintes de présenter de façon morcelée, une fois de plus, l’état de la connaissance sur la résilience. Pour débuter, les données disponibles portant sur la résilience en contexte relationnel adverse et de maternité précoce seront présentées. Les connaissances portant sur la résilience dans un contexte de violence conjugale seront ensuite présentées. Enfin, nous présenterons le contexte d’adversité à la base de cette étude, soit un contexte relationnel adverse jumelé à la maternité précoce.

Une étude qualitative exploratoire a été menée à Chicago auprès de 10 jeunes mères âgées entre 16 et 20 ans, d’origine ethnique diverse et ayant donné naissance ou étant enceinte au moment de l’entrevue. Les mères recrutées dans le cadre de cette étude avaient subi une des formes de violence suivante : 8 avaient vécu de la violence au sein de la communauté, 6 avaient été témoins de violence conjugale entre leurs parents, 7 avaient été victimes de violence physique familiale et 8 avaient été victimes de violence de la part de leur partenaire amoureux. Du nombre, 4 avaient vécu toutes ses formes de violence. Sur les 10 jeunes mères interrogées, 4 sont identifiées comme étant résilientes. L’analyse de leurs discours permet de mettre en lumière les constatations suivantes : les mères résilientes ne semblent pas profiter des facteurs de protection pouvant être présents au niveau familial, communautaire et sociétal. Les facteurs de protection émergeants sont plutôt issus des composantes intra-individuelles partagées par les quatre femmes identifiées comme résilientes, soit : l’habileté d’aller vers les autres pour obtenir

du soutien, des habiletés pour résoudre des problèmes et planifier des actions (au lieu d’être impulsive), une orientation forte axée sur l’atteinte d’un but jumelé à la motivation de réussir, les capacités d’introspection et d’habiletés sociales et un caractère indépendant, orienté vers l’action et déterminé à défendre ses droits (Kennedy, 2005).

On retrouve plus d’études portant sur la violence et la résilience. Une étude quantitative, menée auprès de 100 femmes victimes de violence conjugale et vivant en contexte de pauvreté, propose deux formes de résilience : la résilience cognitive (mesurée par le degré d’estime de soi) et la résilience sociale (mesurée par la satisfaction à l’égard du soutien social ainsi que le soutien jugé problématique, soit par son caractère non désiré ou par sa mauvaise qualité notamment). Les résultats obtenus démontrent que la combinaison des deux types de résilience agit à titre de médiateur sur la relation entre la sévérité de la violence et l’anxiété ressentie par la femme. Par contre, l’estime de soi (utilisée ici pour représenter la résilience cognitive) a un poids plus important à titre de médiateur sur cette relation (Williams et Mickelson, 2004).

Une étude qualitative portant sur les ressources internes des femmes ayant été victimes de violence s’intéresse aussi à la résilience. Selon Davis (2002), les femmes interrogées dans le cadre de cette étude ont appris à être résilientes. Cet apprentissage leur a permis non seulement d’endurer ou de survivre à la violence, mais de se désengager avec succès de la relation violente. Les caractéristiques ou stratégies qui conduisent à la résilience sont, selon elle : la spiritualité, le sens de l’humour, le recours à un système de soutien, l’espoir et trouver quelque chose dans leur vie qui n’appartient qu’à elles, qui leur est propre.

Une étude alliant des méthodologies quantitatives et qualitatives s’est aussi intéressée à la résilience en tentant de comparer trois groupes de femmes :1) des femmes hébergées en maisons d’hébergement pour violence conjugale, 2) des femmes ayant mis terme à une relation de violence conjugale depuis un an et 3) des femmes jugées par les intervenantes des maisons d’hébergement comme ayant eu une réponse résiliente à la violence conjugale (critères non définis). Les résultats de l’étude ne permettent pas d’établir de différence entre les trois groupes sur la trajectoire vécue en lien avec la violence. Pour les auteurs, cela signifie que le fait de mettre un terme à une relation abusive est un processus et non le résultat d’un acte isolé de la part de la victime. Les mécanismes liés à la résilience, soit ici le fait de mettre un terme à une

relation violente, sont les caractéristiques personnelles de la femme (démontrer de la force, du courage) et la recherche de soutien social (Werner-Wilson, Zimmerman, et Whalen, 2000).

Une métasynthèse s’est intéressée à documenter les liens pouvant exister entre la religion et la spiritualité d’un côté et la violence conjugale de l’autre. Recensant les résultats de 6 articles publiés portant sur ces sujets, les auteures de cette métasynthèse proposent que la force et la résilience (non définie) seraient attribuables à la religion/spiritualité selon deux modes d’actions : 1) se tourner vers Dieu/Allah ou autre ressource spirituelle pour surmonter les obstacles ou aider à la prise de décision et 2) obtenir du soutien social du groupe d’appartenance religieuse ou du réconfort des prières ou de la méditation (Yick, 2008).

Une étude qualitative menée auprès de femmes ayant vécu leur enfance dans un environnement familial marqué par la violence conjugale propose un modèle théorique de la résilience. En contexte d’une adversité qui a eu comme conséquence majeure que les femmes se sentaient dénuées de pouvoir, les enfants qu’elles étaient alors ont développé des stratégies pour résister à ce sentiment d’absence de pouvoir. Élaborées d’abord comme une réaction spontanée suite à un incident de violence, ces stratégies se sont raffinées et ont été utilisés par les femmes interrogées tout au cours de leur vie. Ces stratégies se divisent en deux grandes catégories, selon qu’elles les amènent à résister à l’environnement violent pour se protéger et endurer la violence ou à s‟opposer à la violence pour prévenir activement celle-ci ou y mettre un terme. Parmi les stratégies déployées dans la résistance, on retrouve : 1) créer des lieux physiques et mentaux pour s’échapper, comme se cacher dans la salle de bains, le placard ou s’inventer des histoires familiales fantaisistes, lire des livres, 2) tenter de comprendre ce qui se passe dans la famille, 3) se créer des réseaux de soutien social et 4) tenter de mettre de l’ordre dans les situations familiales chaotiques, comme ranger la maison.

Dans les stratégies déployées pour s’opposer à la violence, on retrouve : 1) développer et mettre en place un plan pour assurer sa sécurité et celle de la famille, comme appeler le 911 ou cogner chez les voisins, 2) intervenir avec l’agresseur : tenter de raisonner l’agresseur, le faire cesser, se placer entre l’agresseur et leur mère et 3) protéger et réconforter leur mère et la fratrie.

Une composante intéressante de cette étude réside dans la prise de conscience des torts possibles de la violence sur les enfants témoins de cette violence : sept des douze participantes

qui ont rapporté avoir déjà vécu de la violence dans leurs relations amoureuses à l’âge adulte ont mis un terme à ces relations violentes lorsqu’elles ont réalisé que leurs comportements pouvaient influencer cette exposition et qu’elles participaient, malgré elles, à cette transmission de la violence (Anderson et Danis, 2006).

Cette recension des écrits disponibles portant sur la résilience en contexte de violence, et pour une seule étude, en contexte de violence et de maternité précoce, illustre qu’un intérêt est présent dans le milieu de la recherche pour tenter de décrire les mécanismes impliqués dans un processus de résilience. Elle démontre aussi cependant que la conceptualisation de la résilience est morcelée et se situe majoritairement au niveau de l’individu, si ce n’est que pour inclure l’apport du soutien social comme élément environnemental. Il s’agit là d’une limite majeure pour le domaine des connaissances sur la résilience et de l’intervention en prévention et promotion de la santé.

La section suivante présente l’état des connaissances disponibles sur le contexte relationnel adverse marqué par la violence lors de la grossesse. Il apparaît pertinent de présenter ici cet état des connaissances puisqu’il s’agit du contexte adverse retenu dans le cadre de cette étude pour expliquer le déploiement de trajectoire résiliente.

2.2 Contexte relationnel adverse marqué par la violence lors de la