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CHAPITRE 4. MÉTHODOLOGIE

4.2 Devis de recherche

Pour permettre de faire émerger le sens d’une trajectoire de résilience en contexte d’une double adversité, j’ai privilégié une méthodologie de collecte et d’analyse des données qualitatives, obtenues par le biais d’entretiens individuels et de groupes de même qu’une insertion dans le milieu, soit une enquête de terrain (Beaud et Weber, 2003). Pour Agar (1997), être là, faire de l’observation participante, est ce qui rend la recherche possible puisque le matériel brut est présent dans les activités quotidiennes des gens qui nous intéressent. C’est, à ses yeux, la seule façon d’entrer en contact et d’établir des relations avec eux, de participer avec eux dans ce qu’ils font et d’observer ce qui se passe (Agar, 1997).

De façon plus précise, l’enquête de terrain et les entretiens ont permis de :1) mieux comprendre les défis liés à la maternité précoce en contexte relationnel adverse; 2) mieux saisir les processus de résilience chez les mères adolescentes vivant dans un contexte relationnel adverse par la collecte de notes d’observation, de discussions avec des informateurs-clés (les intervenantes des centres fréquentés), par la rédaction de comptes rendus de discussions de groupe et de comptes rendus d’entretiens individuels et 3) proposer un modèle théorique de ces processus en partant du point de vue des gens interrogés.

4.2.1 Contexte du Projet de Recherche

Cette étude exploratoire est un projet de recherche autonome. Pour mener à bien sa réalisation, il a été primordial d’établir des partenariats avec différents milieux œuvrant auprès de la clientèle visée. Un premier contact a été fait par l’envoi de lettres explicatives adressées aux responsables de certains organismes ciblés en région montréalaise (voir Annexe 1). Un appel téléphonique auprès de ces responsables a suivi cet envoi pour expliquer de façon détaillée le projet de recherche et la collaboration demandée de la part de ces organismes. Leur collaboration est essentielle car, dans le cadre de ce projet de recherche, ce sont les intervenants de ces organismes qui abordent le thème de la recherche avec les jeunes mères (qu’elles jugent correspondre aux critères d’inclusion cités plus bas) afin de réduire le sentiment d’intrusion dans leur vie privée (Canadian Institutes for Health Research., 2005). Malgré un intérêt pour l’angle abordé dans la recherche, plusieurs organismes ont choisi de ne pas participer : de nombreuses recherches et

évaluations au Québec ciblent les jeunes mères et celles-ci sont très souvent sollicitées pour participer à des études.

Avec l’aide de personnes-contacts entretenant des liens privilégiés avec des responsables d’organismes visant la clientèle des jeunes mères, il a cependant été possible d’obtenir la collaboration de deux organismes établis depuis plusieurs années et travaillant auprès des jeunes mères.

Le premier organisme, Head & hands/À deux mains, est situé à Montréal, dans le quartier NDG. Il offre des services médicaux, sociaux et juridiques à une clientèle composée d’adolescents et de jeunes adultes. Parmi les services offerts, le Programme des jeunes parents/Young Parents

Program permet à des jeunes parents et à leurs enfants d’avoir accès à du soutien et des ressources :

intervenantes, halte-garderie, sorties, ateliers, repas, etc.

Le second organisme, situé à Terrebonne, dans la région de Lanaudière, le Mouvement

organisé des mères solidaires, offre sensiblement les mêmes services : accompagnement, suivi

téléphonique et à la maison, activités de groupe, halte-garderie, activités et ateliers, préparation de repas communautaire, etc.

4.2.2 Collecte des Données

Dans le cadre de ce projet de recherche, le recours à différentes sources de données afin de mieux saisir la complexité du phénomène à l’étude a été privilégié. Ainsi, l’enquête de terrain dans un milieu que fréquentent les jeunes mères permet la tenue d’observations participantes jumelées à des discussions informelles avec les intervenantes qui œuvrent auprès de ces jeunes mères, des entretiens de groupe et des entretiens individuels.

4.2.2.1 Observation participante

Il était important pour moi que la présence d’un chercheur au sein du groupe soit acceptée par les participants et que les buts de la recherche et de la collecte de données soient compris avant l’obtention de leur assentiment. Dans cette optique, pour chacun des terrains, une visite préalable à l’insertion dans le groupe a eu lieu. Lors de cette visite, je me suis présentée, autant sur le plan personnel (mère de jeunes enfants) que professionnel (sexologue intéressée par le domaine de la

santé publique et ayant des expériences de travail auprès de clientèles vulnérables en intervention et en recherche) en expliquant les raisons de ma présence. Avec chacun des groupes, une discussion sur ma position au sein du groupe, c’est-à-dire en observation qui participera partiellement aux activités, a été expliquée et argumentée. Chacun des deux milieux s’est dit à l’aise avec ce processus et a accepté la présence d’une étrangère au sein de leur groupe pour un temps défini.

À la fin de chaque journée passée dans le milieu, des réflexions et commentaires sur les événements et interactions observés au cours de celle-ci ont été notés dans un journal de bord (Certains extraits sont présentés à l’annexe 2, pour permettre au lecteur d’avoir un aperçu de son contenu). Ces notes n’ont pas été inscrites dans une grille prédéfinie, mais plutôt sous la forme narrative. Cette façon de faire a été privilégiée pour l’exercice de "debriefing " qu’elle permettait et pour sa souplesse. C’est aussi dans ces notes que j’écrivais les informations sur les trajectoires des jeunes mères, sur la maternité précoce et les obstacles rencontrés dont me faisaient part les intervenantes de ces deux centres. Ces informations recueillies auprès d’intervenantes d’expérience (l’une y est depuis plus de 12 ans et l’autre, 10 ans) sont des sources importantes d’information, même si elles ne sont pas toujours rattachées directement aux histoires des mères ayant participé à cette étude. Le point de vue qu’elles expriment n’est pas celui des jeunes mères, mais plutôt le leur, c’est-à-dire celui d’une intervenante qui côtoie année après année des jeunes mères.

Terrain 1

Le premier terrain s’est déroulée de septembre 2006 jusqu’en décembre 2006, soit pendant quatre mois. À raison de deux jours par semaine, le mercredi et le vendredi, une présence lors des ateliers et des repas communautaires a été assurée. Le groupe présent lors de ces deux journées était le même, soit près d’une quinzaine au total. La très grande majorité des parents présents à ces journées sont des mères.

Terrain 2

Le second terrain a eu lieu de février 2008 à juin 2008, soit une période de cinq mois. À raison de deux jours par semaine, le mardi et le mercredi, une présence lors des ateliers et des repas a été assurée. Les jeunes mères présentes lors de ces deux journées ne sont pas les mêmes; une douzaine de mères sont présentes à chacune de ces journées.

4.2.2.2 Entretiens

Après avoir passé plusieurs semaines dans les milieux en observation participante, j’ai expliqué à nouveau aux mères les raisons de ma présence et annoncé la fin prochaine de l’observation et mon retrait du groupe. J’ai aussi expliqué que je réaliserais avec certaines d’entre- elles des entrevues individuelles et des rencontres de groupe. La sélection des participantes de même que les conditions entourant les entretiens ont été clarifiées.

Entretiens individuels

Les entretiens individuels se sont déroulés après quelques semaines d’immersion dans l’organisme, à l’exception des deux participantes référées par une thérapeute. Les participantes choisissaient le lieu qui leur convenait le mieux pour l’entretien. Certains entretiens se sont tenus dans un bureau fermé de l’organisme, d’autres dans les résidences privées des participantes et quelques-uns dans un café ou un restaurant. Une grille d’entretien ouverte servait de canevas de base; des questions supplémentaires ou de clarification étaient ajoutées lorsque cela était pertinent. (Pour une description plus poussée du guide d‟entretien, se référer à l‟Annexe 3)

Après une brève description du projet de recherche et du déroulement de la rencontre, les participantes signaient le formulaire de consentement et l’entretien débutait, enregistré sur support numérique. Une fois les questions posées, la participante était invitée à ajouter des éléments ou des réflexions qu’elle jugeait pertinentes pour bien saisir sa trajectoire. Je leur demandais alors de remplir un court questionnaire composé de questions tirées de la version française de la Revised

Conflict Tactics Scale (CTS2) (Straus, Hamby, Boney-McCoy, et Sugarman, 1996) afin de

contraster ce regard subjectif avec les événements vécus durant la période périnatale. La littérature mentionne des écarts entre ce qui est rapporté oralement lors d’entretiens cliniques et ce qui est rapporté par les mêmes personnes lors de passation de questionnaires (Ulrich, Mckenna, King, Campbell, Ryan, Torres, Price, Medina, Garza, Johnson-Mallard, Landenberger, et Campbell, 2006). Je jugeais intéressant d’aborder, même de façon superficielle, cet écart rapporté.

La CTS est un outil qui a été largement utilisé depuis sa création en 1979 lors des enquêtes épidémiologiques sur la violence conjugale, dans plus de 20 pays. Son usage le plus fréquent est lié à l’obtention de données sur la violence physique entre partenaires intimes, bien que son utilisation

est aussi recommandée dans certains contextes cliniques. Une version plus récente, soit la Revised

Conflict Tactics Scales, tente de pallier aux critiques qui avaient été adressées à la première version,

notamment en ajoutant des sous-échelles liées à différents types de violence dont la violence sexuelle et en modifiant l’ordre de présentation des questions (Straus, Hamby, Boney-McCoy, et Sugarman, 1996). Elle se répond à l’aide d’une échelle de Likert en 7 points, qui permet d’établir la fréquence des comportements. (Par exemple, est-ce qu’un comportement donné s’est produit une fois au cours des 12 derniers mois, 2 fois, de 3 à 5 fois, de 6 à 10 fois, ne s’est pas produit au cours des 12 derniers mois, mais s’était déjà produit, etc.)

Cet outil adapté a été rempli individuellement par la majorité des informatrices, alors que je l’ai fait en compagnie de deux autres, qui préféraient que je leur pose les questions oralement. Une informatrice a choisi de ne pas y répondre. (Pour consulter le questionnaire, voir Annexe 3)

Après quoi, une fois l’enregistrement éteint, quelques questions sur l’état d’esprit de la mère interrogée étaient posées ; je rappelais l’existence de services pour l’aider, si elle en ressentait le besoin. Ces services sont, outre l’organisme qu’elle fréquente, la présence d’une thérapeute disponible par téléphone pour aider la participante à gérer les émotions qu’aurait amené l’entretien, sans frais. (Voir Annexe 4)

Les entretiens ont duré entre 45 minutes et une heure trente. Un montant de 20$ était remis aux participantes à titre de dédommagement.

Entretiens de groupe

Dans le cadre des entretiens de groupe, j’ai eu recours à la création artistique individuelle, par le biais d’un collage, pour illustrer le processus de résilienceiv. Il est proposé, à l’instar des idées

avancées par certains auteurs, que la création artistique joue un rôle de miroir pour l’individu, permettant à ce dernier de pouvoir regarder autrement sa situation (Hogan, 2001; Plante, 2005). Suite à la création d’une œuvre représentant leur trajectoire, les participantes qui le désiraient l’ont présentée au groupe. Enfin, des questions plus précises sur les ressemblances et les différences

iv L’auteure tient à remercier Pierre Plante, PhD, professeur au département de psychologie à l’UQAM et art thérapeute

oeuvrant auprès d’une population d’enfants et d’adolescents au sein de l’organisme Assistance d‟enfants en difficulté de

vécues dans leur parcours terminent la discussion. Ce sont les paroles des mères lorsqu’elles présentaient leurs œuvres et les propos de la discussion qui ont constitué le matériel d’analyse. (Pour une description plus poussée du déroulement de la rencontre, se référer à l‟annexe 5). Bien que cette activité résulte en la production d’un matériel qui pourrait être analysable, cette avenue est écartée en raison des compétences spécifiques requises et du trop grand niveau d’interprétation possible. Une photo numérisée de l’œuvre a cependant été prise pour être incluse dans ce rapport de recherche.