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CHAPITRE 4. MÉTHODOLOGIE

4.10 Présentation des participantes à la recherche

4.10.2 Mères ayant participé aux entretiens individuels

Le portrait de chacune des mères ayant participé aux entretiens individuels est ici ébauché. Dans le chapitre suivant, leurs trajectoires seront détaillées et les similarités et différences observées entre leur parcours de vie sont dégagées.

Alizée

Au moment de notre entrevue, Alizée a vingt ans. Son fils a 10 mois. Elle vit temporairement chez sa mère et son beau-père, avec son conjoint et son fils.

Alizée est née d’une mère héroïnomane. Retirée par les services sociaux, elle a été adoptée par sa grand-mère maternelle, chez qui elle a vécu toute son enfance et son adolescence dans l’ouest de Montréal. Au cours de cette période, elle était quelquefois en contact avec sa mère qui

éprouvait alors de sérieux problèmes de toxicomanie. Lors de son adolescence, les contacts ont été plus fréquents avec sa mère; celle-ci tentant d’arrêter sa consommation. Elle n’a jamais eu de contact avec son père.

Alizée a eu une enfance marquée par la vie dans une famille d’accueil : sa grand-mère a accueilli plus de 90 enfants. C’est une période caractérisée par les va-et-vient d’enfants et un manque de stabilité dans la structure familiale. Elle fréquente l’école primaire du quartier puis l’école

secondaire, ou elle se dit dans la moyenne. À l’âge de quinze ans, tout en continuant à aller à l’école, elle occupe quelques emplois peu rémunérateurs pour subvenir à ses besoins. Elle dit de son enfance et son adolescence qu’ils sont marqués par les privations et la possibilité de ne s’offrir que le minimum nécessaire.

Elle quitte officieusement la maison familiale à 16 ans pour avoir plus de libertés, mais reste en contact avec sa grand-mère, qu’elle aime tout particulièrement. Ses intérêts, à ce moment, s’orientent vers les sorties dans les clubs et la consommation. Elle sort à tous les soirs et fait la fête jusqu’au matin. Elle fait la rencontre d’un copain qui l’entraîne vers des activités illégales. Il est violent avec elle, tant physiquement que psychologiquement, et elle a peur de lui. Elle devient enceinte, au grand plaisir de son copain, mais décide d’arrêter volontairement la grossesse après que celui-ci la pousse dans les escaliers. Elle est consciente des dangers de la relation pour elle et son bébé et ne souhaite pas donner naissance à un bébé dans ce contexte.

Durant cette période, elle se dit malheureuse et en dépression; elle s’automutile pour se sentir en vie et enlever la douleur du quotidien. Elle fait une tentative de suicide pour en finir avec la vie. Elle

est réanimée et hospitalisée pour quelques jours, puis quitte l’hôpital sans filet de soutien de la part des services de santé.

Dans le but de repartir à zéro, elle quitte Montréal, avec l’aide financière de sa grand-mère, pour une autre grande ville canadienne où elle s’inscrit à l’école. Elle cesse de consommer et va chercher de l’aide dans des organismes de soutien en santé mentale. Elle prend soin d’elle, reprend du poids et se sent mieux dans sa peau.

Elle rencontre un jeune homme avec qui elle débute une relation. Très vite, cette relation devient chaotique, avec beaucoup de conflits qui ont comme point de départ la consommation de son copain et le manque de confiance. Elle dira de lui qu’il est un « player » et qu’il collectionne les filles. À 18 ans, elle tombe enceinte de lui et décide de garder le bébé, malgré l’ambivalence du père. De retour à Montréal, seule, elle va chercher de l’aide auprès de différents organismes et met au monde son fils. Elle reçoit aussi de l’aide de sa mère et de sa grand-mère.

Après plusieurs tergiversations, le père du bébé la rejoint et s’installe aussi à Montréal. Leur relation est encore marquée par des conflits fréquents, mais tous deux ont le désir de travailler à ce qu’elle s’améliore.

Diane

Au moment de l’entrevue, Diane a 21 ans. Elle a une fille de 3 ans et un fils d’un an. Elle habite avec le père de ses enfants.

Diane est née en Ukraine, au sein d’une famille qui deviendra monoparentale lorsque son jeune frère vient au monde, 4 ans plus tard. Son père quitte la famille et ne donne plus signe de vie. Elle ignore encore où il se trouve actuellement et ne le recherche pas. Sa mère meurt alors qu’elle a neuf ans. À ce moment, elle et son jeune frère sont placés en orphelinat pour de nombreux mois. Ils sont ensuite adoptés par leur tante maternelle qui a émigré au Canada.

Arrivée au Québec, elle va à l’école pendant trois ans pour apprendre le français puis se prépare pendant deux ans, en milieu scolaire, à s’équiper pour le marché du travail. Elle dit de son séjour en milieu scolaire qu’il fut particulièrement difficile et marqué par les railleries. Elle ne s’y consacre que partiellement car sa priorité à ce moment est de s’assurer que son jeune frère va bien.

Parallèlement, elle travaille, depuis l’âge de 13 ans, à temps partiel dans un restaurant pour aider sa famille qui vit dans des conditions socioéconomiques difficiles. Elle quitte l’école dès qu’elle le peut, soit lorsqu’elle a 16 ans.

Elle rencontre son conjoint alors qu’elle a 16 ans : il est âgé de 31 ans. Comme il est musulman pratiquant, elle se convertit à l’Islam et décide de porter le voile. À 17 ans, elle fait une fausse- couche, au soulagement de son conjoint qui ne veut pas d’enfant. Elle retombe bientôt enceinte et décide de garder le bébé, malgré la relation qui se complique avec son conjoint. La grossesse est marquée par l’anxiété et un manque d’accès aux ressources. Après de nombreuses démarches infructueuses, elle réussit à obtenir un suivi de grossesse qui débute alors qu’elle est à 6 mois de grossesse et a son échographie à 8 mois. Comme elle ne connaît pas ses droits et les rouages du système de santé québécois, elle est contrainte de payer de nombreux frais injustifiés tout au long de ce suivi.

Après la naissance de leur fille, son conjoint est plus ou moins présent; il passe beaucoup de temps avec des amis et s’absente souvent pour plusieurs jours d’affilée sans l’aviser. Elle doit de plus assumer seule toutes les dépenses liées à la famille (logement, nourriture, couches,

posture économique. Son conjoint travaille, mais n’offre pas de partager les dépenses. Il envoie de l’argent à sa famille à l’étranger.

Elle est de nouveau enceinte un an plus tard et accouche d’un garçon alors qu’elle a vingt ans. Elle est contente de ses enfants, malgré les difficultés qu’elle traverse. Bien que la relation soit difficile avec son conjoint qui la menace de la laisser et d’aller se marier en Iraq (son pays d’origine), Diane place ses préoccupations conjugales au deuxième rang, derrière le bien-être de ses enfants, qui sont sa priorité.

Elle envisage rester auprès de ses enfants jusqu’à ce que son fils ait cinq ans et débute l’école. Après quoi, elle souhaite retourner sur le marché du travail.

Shany

Au moment de l’entrevue, Shany a 32 ans. Elle a une fille de 14 ans et une autre de 9 ans. Elle habite avec son nouveau conjoint.

Shany a vécu avec ses parents jusqu’à l’âge de sept, au moment où ses parents se séparent. Sa mère a alors la responsabilité d’élever seule ses trois filles. Son père devient relativement absent du tableau familial, malgré l’espoir qu’entretient Shany de le voir revenir ou se manifester lors d’occasions spéciales. La famille vit dans une situation de pauvreté, marquée par les épisodes de dépression de la mère.

Shany va à l’école où elle est une très bonne élève. Elle termine son secondaire cinq et entre au Cégep, dans une technique qu’elle abandonne, faute d’intérêt. Elle ne sait plus trop ce dans quoi elle souhaite travailler ou étudier; elle cherche une direction à donner à sa vie. Elle devient enceinte à 18 ans et décide de garder l’enfant parce que c’est la porte de sortie qu’elle voit pour avoir une vie. Pour son conjoint de 19 ans, avoir un enfant est un moyen de cimenter le couple. Ils sont donc tous deux heureux de cette grossesse, malgré son caractère non planifié. La grossesse est plutôt difficile et l’adaptation à la nouvelle vie ne se fait pas sans heurt. Il y a plusieurs séparations suivies de reprises de la vie commune. Celle-ci est marquée par la méfiance, une absence d’investissement de la part du père et la fuite. Shany est malheureuse durant cette période et estime que la venue de l’enfant a contribué à mettre en relief les inégalités de pouvoir au sein de son couple. Elle se retrouve avec de nombreuses responsabilités alors que lui continue sa vie comme si rien n’avait changé.

Elle accouche d’une deuxième fille cinq ans plus tard, du même père, avec qui elle est toujours en relation. Elle qualifie cette relation de violente et réussi à y mettre fin quatre ans plus tard. Cette relation, marquée par les nombreuses séparations et les retrouvailles, a éloigné d’elle plusieurs amies qui la jugeaient, ayant pour conséquence de l’isoler. Son réseau social est inexistant. Elle poursuit actuellement un travail de réflexion sur soi et occupe un petit emploi, en attendant de terminer sa formation de massothérapeute. Elle a rencontré un nouveau conjoint avec qui elle a une relation égalitaire et sans violence.

Élizabeth

Au moment de l’entrevue, Élizabeth a 20 ans. Elle a eu son premier fils a 16 ans et le second à 18 ans. Elle vit avec ses deux enfants, en compagnie du père de son deuxième fils.

Élizabeth a vécu avec ses deux parents et sa jeune sœur, jusqu’à l’âge de 12 ans, au moment ou ils se sont séparés. Sa mère a quitté la région pour aller vivre un trip de jeunesse et son père a rencontré une nouvelle conjointe par le biais d’Internet. Après quelque mois, il emménage avec cette femme, qui ne veut pas de ses enfants. Il laisse ses deux filles dans un appartement qu’il paie de façon régulière et s’assure aussi de leur laisser de l’argent pour couvrir leurs besoins. Il s’installe dans la maison de sa nouvelle conjointe, à plus d’une heure de l’appartement qu’il loue pour ses filles. Il les visite à chaque deux ou trois semaines.

Élizabeth, âgée de 12 ans et en secondaire un, s’occupe de sa sœur de 10 ans, en 4e année du

primaire. Elle prépare ses repas, marche avec elle jusqu’à l’école, nettoie l’appartement et lave leurs vêtements. Elle et sa sœur ne sont pas signalées à la DPJ, même si la situation est connue de l’entourage familial et par les parents de certaines amies. Ils reçoivent quelque fois de l’aide de la part de la mère d’une amie, qui souhaite les adopter, ce à quoi le père s’oppose.

Élizabeth poursuit son parcours scolaire et, à 15 ans, rencontre David lors d’une fête d’amis. Il est âgé alors de 21 ans. Sur le plan familial, sa sœur commence à consommer et leur cohabitation devient difficile. Son père, dont la relation amoureuse s’est terminée, veut retourner habiter avec elles. Elle emménage avec David chez les parents de ce dernier et tombe enceinte quelques mois plus tard. Elle est alors âgée de 16 ans. Ils décident de garder l’enfant, même si elle est

ambivalente à prime abord face à la situation. La grossesse se déroule bien et ils reçoivent du soutien de la belle-famille. Ils déménagent dans leur logement quelques semaines avant la naissance du bébé.

L’adaptation à la nouvelle vie familiale crée des tensions au sein du couple, puisque le nouveau père refuse ce rôle et se réfugie dans le travail. Il n’est pratiquement jamais à la maison, laissant Élizabeth se débrouiller seule avec le bébé. Ils ont des conflits fréquents et il la menace

physiquement, en plus d’être violent psychologiquement et de la contrôler financièrement. À bout de souffle et paniquée par ses nouvelles responsabilités, Élizabeth contacte le CLSC pour recevoir de l’aide; une infirmière viendra la voir régulièrement et la réfèrera à un groupe pour les jeunes

mères. Elle quitte son conjoint au bout de quelques mois et va habiter chez un ami qui offre de la dépanner.

Durant cette période, elle commence à sortir et à consommer tous les week-ends, lorsque son fils est chez ses beaux-parents. Elle dérape, selon ses dires, pour une période de plusieurs mois. Par contre, elle continue d’être sobre la semaine et de répondre aux besoins, surtout physiques et matériels, de son fils. Durant cette période de consommation, elle met de côté ses anciens amis qui tentent de la raisonner. Elle dit de cette période qu’elle fêtait pour oublier.

Après quelques mois, elle fait la rencontre de son nouveau conjoint et cesse toute consommation. Elle reprend aussi contact avec ses anciennes amies. Elle développe un lien d’attachement avec son fils et, pour la première fois de sa vie, s’ennuie de lui lorsqu’il n’est pas avec elle.

Élizabeth devient enceinte quelques mois après avoir rencontré son nouveau conjoint et accouche de son deuxième fils alors qu’elle a 18 ans. Durant sa deuxième grossesse, elle est retournée à l’école et a terminé son secondaire 5. Aujourd’hui, elle continue de fréquenter l’organisme pour les jeunes mères, dont elle estime l’impact comme étant déterminant dans sa vie, surtout à partir du moment où elle s’est ouverte et a partagé ses difficultés aux autres mères. Lorsqu’elle en aura la possibilité financière, elle aimerait aller au Cégep pour faire une formation.

Isabelle

Au moment de l’entrevue, Isabelle a 21 ans. Elle vit avec son fils de 16 mois, qu’elle a eu à 19 ans. Elle est monoparentale et prévoit se marier bientôt avec son nouveau conjoint.

Isabelle a vécu une enfance très rangée au sein d’une famille mormone, très pratiquante. En désaccord avec les principes qui régissent au sein de la famille, elle quitte la maison à l’âge de 14 ans en claquant la porte. Elle vivra quelque temps chez des copines puis des amis et va demeurer chez ses grands-parents maternels. Elle y a beaucoup plus de liberté et vit une vraie adolescence, selon ses termes. Elle se sent par contre déchirée entre son goût de liberté et son attachement envers sa famille, entre ses agissements et les règles religieuses qui ont encadrés son enfance. Elle demeure quelques années chez ses grands-parents, continue l’école dans un centre

spécialisé pour les décrocheurs et travaille à temps partiel. Elle dit de cette période qu’elle n’y est pas vraiment heureuse, qu’elle ne se sent pas bien dans sa peau. Elle consomme de la drogue de façon régulière et sort souvent dans les clubs.

Elle a plusieurs relations sans conséquences et devient enceinte suite à l’une de celles-ci. Le père ne veut pas, en début de grossesse, reconnaître que l’enfant à naître pourrait être le sien, ce qui est rassurant pour Isabelle qui veut élever seule son enfant. Il se ravise toutefois durant la grossesse, ce qui crée, encore aujourd’hui, un stress très grand pour Isabelle. Elle a peur que le père demande une garde partagée.

Elle élève seule son fils, mais reçoit de l’aide de sa famille et de son église, qu’elle a recommencée à fréquenter lors de sa grossesse. Elle a aussi pu bénéficier de programmes comme OLO et d’une place dans un HLM. Elle apprécie l’aide financière que ce logement lui procure mais n’apprécie pas l’environnement violent et agressif dans lequel elle doit élever son enfant.

Louise

Au moment de l’entrevue, Louise a 20 ans. Elle a eu son premier enfant a 17 ans et le second a 19 ans, du même père. Elle vit seule avec ses deux enfants.

Louise a vécu avec sa mère, chef de famille monoparentale. Comme sa mère travaille beaucoup pour arriver à boucler les fins de mois, elle se fait souvent garder chez sa grand-mère maternelle, chez qui elles vont habiter pendant quelques années.

Son enfance et son adolescence se déroulent bien; elle va à l’école et elle y réussit bien, sans trop de difficultés. Au secondaire, elle fréquente des amis qu’elle dit peu recommandables, parce qu’elle est attirée par les gens qui font des mauvais coups. Elle a des gens autour d’elle, mais peu de véritables amis. Le plus souvent, elle est en compagnie de son amoureux, qu’elle fréquente depuis plusieurs années. Elle s’absente souvent de l’école pour être avec lui. Elle n’a pas d’attache dans son milieu scolaire et se sent bien uniquement lorsqu’elle est avec son chum, plus âgé

qu’elle.

Elle vit un avortement alors qu’elle a 16 ans puis redevient enceinte peu de temps après. Elle décide alors de le garder, mais cache la grossesse à tout son entourage, sauf au père de l’enfant, principalement par crainte de se faire juger. Après une réaction marquée par la déception, sa mère lui offre de les héberger, son enfant et elle pour les dépanner quelques mois. Elle met l’enfant au monde et continue donc d’habiter chez sa mère. La relation avec son conjoint, qui n’habite pas avec eux, commence à battre de l’aile, mais ils emménagent quand même ensemble dans un appartement lorsque le bébé a six mois.

Elle décide de retourner à l’école, mais le problème de la garderie devient un obstacle avec lequel elle doit jongler. Sa relation avec son conjoint va de mal en pis : leurs rythmes de vie opposés (elle va à l’école le jour alors que lui travaille la nuit), son absence d’investissement auprès de son fils (elle s’en occupe toute seule) et le manque de respect qu’il lui témoigne (il invite des amis pour fêter la nuit à la maison, même si elle et leur fils dorment) mettent beaucoup de tension sur la relation. Ils sont souvent en conflits qui dégénèrent en bagarres.

Louise devient de nouveau enceinte un peu plus d’un an après la naissance de son fils. Le couple se sépare peu de temps après la naissance de sa fille, suite à sa décision. Elle ne veut pas que

ses enfants soient témoins de scènes de conflits et d’argumentations quotidiens. Elle estime être mieux maintenant qu’elle est seule, car elle sait à quoi s’attendre.

Marie-Sophie

Au moment de l’entrevue, Marie-Sophie a 33 ans. Elle est mère de trois enfants, nés de pères différents, dont le dernier est son conjoint actuel. Elle a donné naissance à sa première fille à l’âge de 15 ans.

Marie-Sophie a grandi auprès de sa mère, son frère aîné et sa sœur cadette puisque ses parents se sont séparés alors qu’elle était encore petite. Ils avaient quelque fois des contacts avec son père ou la famille de celui-ci. Elle a eu une enfance qu’elle qualifie de difficile, marquée par la violence conjugale entre ses parents lorsqu’ils étaient encore ensemble et de nombreux