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CHAPITRE 5. RÉSULTATS

5.2 Trajectoires de résilience : description des composantes

5.2.4 Quatrième composante de la trajectoire de résilience : les facteurs promoteurs de la résilience (ou

l’émergence et au maintien d’une trajectoire de résilience)

Certains éléments constituent des points d’ancrage sur lesquels peuvent s’appuyer le déploiement et le maintien d’une trajectoire résiliente. Ils sont appelés ici les facteurs promoteurs. Différents des processus, les facteurs promoteurs sont en quelque sorte les

conditions favorables de la trajectoire résiliente telle que vécue par les jeunes mères de

l’étude. On peut émettre l’hypothèse que sans leur présence, beaucoup des processus nécessaires pour bifurquer vers une trajectoire résiliente n’auraient pu avoir lieu. Il s’agit de : 1) la prise de conscience des effets positifs des changements (perception des bénéfices et sentiment de contrôle); 2) la présence d’individus soutenants et disponibles et 3) l’accès à des lieux d’échanges et d’éducation

Prise de conscience des effets positifs des changements : perception des bénéfices et sentiment de contrôle

Un aspect important qui maintient la jeune mère sur une trajectoire résiliente est sa capacité de prendre conscience des conséquences positives qui découlent des changements apportés dans sa trajectoire et le sentiment de contrôle sur sa vie que cela lui procure. Sentir qu’elles ont posé les gestes appropriés pour mettre un terme à une relation amoureuse difficile, apprécier la satisfaction de pouvoir avoir un logement à son nom et d’offrir un cadre de vie sain à ses enfants motive les mères rencontrées à vouloir poursuivre dans cette voie. La possibilité de pouvoir analyser ce qu’elles ont vécu, d’examiner comment elles ont amélioré ou surmonté les obstacles et de prendre conscience de ce que cela leur apporte est un moteur important dans leur cheminement.

De même, sentir que les gens apprécient les gestes qui sont posés et les choix qui sont faits semblent être un facteur important qui contribue à maintenir la jeune femme dans un cheminement positif. Certaines sont capables de reconnaître leurs bons coups alors que pour d’autres, cela est plus difficile. La reconnaissance par une autre personne que soi

points positifs liés à une trajectoire résiliente. Cela donne le goût de poursuivre et renforce l’idée que c’est cette façon de vivre qui est la plus adaptée à leur situation :

Seeing my family and my friends so proud of me helped me keep doing things better so I guess support from the outside really helped doing good. Like once you are doing good, being told you are doing good really helps, you know. (Alizée)

En même temps, quand même les gens autour ils me le disaient : " je n'en reviens pas. Tu es donc bien bonne, moi, je n'aurais pas été capable de faire ça tout ce que tu as fait, je te lève mon chapeau". Ça, c'est à la fois une fierté et un défi de me dire il faut que ça continue. Que les gens voient que je progresse et que j'avance. Moi aussi je le voyais là mais. Comme je n'avais pas beaucoup confiance en moi, le fait que des gens avaient confiance dans ce que je faisais, c'est ça qui m'a fait être capable de passer au travers de ça. (Marie-Sophie)

Présence d’individus soutenants et disponibles

Il a été question plus tôt de ressources que la jeune mère a su mobiliser. Ces ressources sont entre autres constituées d’individus. D’après le discours des jeunes mères interrogées, la présence de ces individus dans leur environnement social est centrale. Les deux principales caractéristiques associées à ces individus sont le soutien et la disponibilité qu’ils ont manifestés envers les jeunes mères, que ce soit durant la grossesse ou suite à l’arrivée du bébé.

J'ai réussi à avancer par la confiance que les gens avaient en moi. Pas par la confiance que moi j'avais en moi. Tu pars, ma mère m'a aidé à me partir c'est elle qui m'a trouvé l'appartement. Si je n'étais pas tombée sur un propriétaire qui m'a trouvé des meubles à l'intérieur de deux semaines, une personne au CLSC qui s'est vraiment occupé de mon cas… pas sûre que j'aurais été capable de passer à travers tout ça. (Marie-Sophie)

Il n’y a pas une "catégorie" de personnes qui prédomine. D’après les témoignages recueillis et lors des observations participantes, il semble qu’il peut s’agir de membres de la

ou de quelqu’un dans l’entourage. Il s’agirait de pouvoir compter sur le soutien de quelqu’un au moment opportun.

Il a été intéressant de constater que ce soutien ne consiste pas uniquement à se sentir épaulée et valorisée. Pour Élizabeth, dont le cheminement vers une trajectoire résiliente a été plus ardu, le soutien qui a été important est venu de ses amies qui n’ont pas toujours été tendres à son égard, mais qui ont toujours été honnêtes et préoccupés par son bien-être et celui de son enfant.

Se faire dire la vérité, ça fait mal des fois. Se faire dire : tu changes, tu maigris, tu n'es plus là, tu prends trop de drogues, ton petit, on va te le faire enlever. C'est dur. (…)Je

réagissais, je disais de quoi tu te mêles? C'est mes affaires, ça ne te regarde pas. Mais en même temps, le message il restait quand même. Je l'enregistrais. Sur le coup, il était là le message, mais ça prenait une couple de mois pour que ça fasse son chemin pis que je me regarde dans le miroir pis me dire elle a peut-être raison, c'est pas normal ce que je fais. Je me voyais les yeux cernés et…Oui, pis aujourd'hui, je les remercie parce que s'ils ne

m'avaient pas dit ça, peut-être que je serais encore là dedans. (Élizabeth)

La situation est similaire pour une des participantes du groupe de discussion, qui raconte que les commentaires d’une amie sur le développement de son enfant et sur sa situation amoureuse l’ont amené à bouger :

C'est elle dans le fond, c'est à cause de son sarcasme et tout qui m'a fait prendre les choses en main. Je suis allée voir des ressources un peu partout je suis allée voir un orthophoniste pour mon enfant, une psycho éducatrice et tout plein d'affaires là. (Participante, groupe 2)

Lieux d’échanges et d’éducation

Outre le soutien des gens, sentir que l’on fait partie d’un groupe et avoir un endroit pour se retrouver est un élément important pour les mères rencontrées. Pour la majorité d’entre-elles, le groupe où mes terrains ont été effectués. Tel que présenté plus tôt, la

leur réseau social. Conséquemment, elles se sont retrouvées plus ou moins isolées. Avoir un lieu pour rencontrer d’autres jeunes mères, pour échanger et pour apprendre sur soi et sur la maternité est un élément qui semble avoir contribué positivement au déploiement d’une trajectoire résiliente.

Pis je pense que c'est encore MOMS qui m'a beaucoup aidé de ce côté-là en me valorisant et en essayant pas de, je n'avais pas le droit de me dégrader. Il fallait toujours travailler sur ce qu'on aime chez soi, les choses qui peuvent nous avantager. On a travaillé beaucoup sur soi chez MOMS et je pense qu'à un moment donné, je débloque et pourquoi m'arrêter de vivre quand on a une vie è vivre et ça finit là? (Mimi)

Q. Et qu'est-ce que tu allais chercher là?

R. Ben, du réconfort, pis on pouvait parler. Ben, moi, même si je ne parlais pas, j'entendais les discussions des autres et ça me faisait voir que je n'étais pas toute seule. Ha, il y en a d'autres qui ont d'autres problèmes, je ne suis pas la seule à avoir des problèmes. Pis bon, le fait de pouvoir tisser des liens avec des filles qui aujourd'hui sont mes amies. Elles ont des enfants, elles sont dans le même beat que moi. (Élizabeth)

Il est important de garder en tête qu’à l’exception de deux participantes, toutes les mères rencontrées l’ont été par le biais d’un organisme. Pour une des deux mères non recrutées via un organisme pour jeunes mères, l’importance d’un groupe duquel elle fait partie était aussi présente. Cependant, ce groupe n’était pas constitué de jeunes mères.

Et pour une fois j'avais des amies. Les filles à l'école, c'était des filles de mon âge. Elles n'avaient pas nécessairement des enfants, mais elles étaient de mon âge. je pouvais tripper des affaires de mon âge. C'est ça qui m'a fait tenir le coup et c'est moi qui décidais

finalement si je restais en contact en restant à l'école ou si je perdais le contact en lâchant. (Marie-Sophie)

Par contre, au cours des mois passés en observation participante, j’ai réalisé que pour faire partie d’un groupe, certaines mères étaient prêtes à laisser passer d’autres

apprécier tellement les jours où elles se rencontraient et avaient besoin de ce contact que l’idée ne plus pouvoir en profiter leur semblait trop chèrement payée. C’est donc en quelque sorte un effet pervers : créer un lieu d’échange où on se sent si bien et si intégré que l’on ne veut plus le quitter, même si cela nous conduit à refuser des offres susceptibles d’améliorer notre condition de vie, du moins d’un point de vue matériel et financier.

5.2.5 Cinquième composante de la trajectoire de résilience : les facteurs