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CHAPITRE 2. ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.3 Maternité précoce

La venue d’un premier enfant représente, pour de nombreuses femmes, un défi en ce sens où elles doivent s’adapter à de nouvelles réalités, assumer des responsabilités inconnues jusqu’alors et, pour certaines, modifier leur conception d’elle-même. Ces changements majeurs dans une

trajectoire de vie entraînent des bouleversements qui pourraient avoir des conséquences encore plus importantes lorsqu’elles se produisent à un jeune âge. Socialement, l’idéologie dominante tend à concevoir la venue d’un enfant comme un projet de couple, se déroulant lorsque les études de la femme sont terminées et sa carrière entamée (SmithBattle, 2005). Pour le domaine de la santé publique, la maternité précoce est une préoccupation en regard des coûts sociaux et économiques liés aux conséquences répertoriées chez l’enfant et la mère qui lui sont associés.

2.3.1 Prévalence de la maternité précoce

Au Québec, la maternité précoce est un phénomène qui va en diminuant. Sa prévalence demeure toutefois préoccupante puisque la réduction du nombre de grossesses à l’adolescence est un objectif ciblé par le Programme national de santé publique 2003-2012 et constitue aussi un préoccupation décrite par la Politique de périnatalité 2008-2018 (Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2003, 2008a, 2008b).

La grossesse avant l’âge de 20 ans peut être analysée en fonction des trois principaux phénomènes qui la constituent, soit les naissances totales (ce qui inclut à la fois les naissances vivantes et les mortinaissances), les interruptions volontaires de grossesse (IVG) et les avortements spontanés (fausse couche) (Eco-Santé., 2010). Il est à noter que l’âge à la grossesse est établi en fonction de l’âge à l’aboutissement de celle-ci, et non l’âge à la conception. Le tableau suivant présente les taux (pour 1000 grossesses) pour ces trois phénomènes :

Tableau 5 : Taux de grossesse à l’adolescence – Québec

Taux annuel moyen

pour 1000 naissances Naissances totales IVG Avortements spontanés Total des grossesses

14-17 ans 4,3 13,4 0,6 18,2

18-19 ans 24,5 39,1 2,5 66,0

Sources des données : Éco-santé 2010 http://www.ecosante.fr/QUEBFRA/504000.html Consulté le 17 février 2011

On constate à la lecture de ce tableau que l’interruption volontaire de grossesse est l’issue la plus courante pour les grossesses adolescentes. Lorsque les deux groupes d’âges sont combinés, cette proportion augmente à plus de 50%.

Il est intéressant de noter toutefois que, selon des données canadiennes datant de 1997, bien que le taux d’IVG soit plus élevé chez les adolescentes plus âgées, ce sont les adolescentes de 15 à 17 ans qui sont le plus susceptible de mettre un terme à leur grossesse. Le taux d’IVG plus élevé chez les filles de 18-19 ans reflète le nombre plus élevé de grossesses au sein de ce groupe (Dryburgh, 2008). Conséquemment, c’est aussi au sein de ce groupe plus âgé que le plus grand nombre de grossesse menée à terme se retrouve.

2.3.2 Conséquences pour l’enfant

La maternité précoce est souvent considérée comme une adversité en se basant sur l’enfant comme angle d’analyse. Le jeune âge de la mère est, au Québec, reconnu comme l’un des deux déterminants majeurs du développement et de l’adaptation sociale des enfants. Elle constitue, avec la pauvreté, la pierre d’assise des services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité (SIPPE) (Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2004).

Selon la littérature qui documente les conséquences de la maternité précoce chez l’enfant, le jeune âge de la mère est l’un des facteurs qui fait augmenter le risque pour l’enfant d’éprouver des problèmes de comportement, des retards de développement et des résultats scolaires moindres (Maynard, 1996; Wakschlag et Hans, 2000). Un nombre important de bébés nés de mères adolescentes risquent davantage d’avoir un faible poids à la naissance, de présenter une anomalie physique, de mourir au cours de leur première année de vie ou d’être atteints d’une maladie grave pendant l’enfance (Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008a). Ces conséquences possibles sont aussi liées aux conditions difficiles dans lesquelles se déroulent parfois ces grossesse.

Les pratiques parentales des mères adolescentes, leurs connaissances sur le développement de l’enfant et la qualité des interactions mères-enfants se distinguent négativement, selon certaines études, de celles des mères plus âgées (Charbonneau, 1999; Corcoran, 1998). Elles éprouveraient aussi moins de satisfaction quant à leur rôle maternel. Ces pratiques, liées au manque de connaissances, pourraient avoir des répercussions négatives sur le développement du lien d’attachement avec l’enfant et sur son sain développement.

2.3.3 Conséquences pour la femme

i

Lorsque l’on regarde du côté de la femme elle-même et donc de la maternité précoce comme une adversité relative à son développement, il va sans dire que la maternité précoce a des conséquences sur le cours de sa vie. Les mères ayant donné naissance de façon précoce seraient plus nombreuses à être confrontées au décrochage scolaire, à l’abandon de certains projets de vie, à la précarité d’emploi, à l’occupation d’emplois peu payants et requérant peu d’habiletés et, dans bien des cas, au début du cycle de dépendance financière aux prestations d’aide sociale (Corcoran, 1998; Goulet, Marcil, Kamdom, et Toussaint-Lachance, 2001). Elles ont aussi souvent à jongler avec la monoparentalité puisque peu de pères sont présent dans les années qui suivent la naissance de l’enfant (Charbonneau, 1999; Corcoran, 1998). La marginalisation sociale est une réalité vécue par plusieurs d’entre-elles

Sur le plan de la santé physique, des études rapportent que les adolescentes seraient plus susceptibles de présenter des problèmes liés à la grossesse et l’accouchement que les femmes adultes. Cela pourrait être expliqué en partie par les problèmes fréquents d’alimentation, de consommation de drogues ou d’alcool ou à un certain désintéressement face à leur grossesse qu’elles peuvent vivre (Tarabulsy, Hémond, Lemelin, Bouchard, Allaire, et Poissant, 1999).

La prochaine section présente le contexte théorique de ce projet de recherche, soit le cadre conceptuel.

i Les résultats obtenus lors d’études auprès de jeunes mères ou de leurs enfants doivent cependant, à notre avis, être interprétés avec prudence. Plusieurs limites méthodologiques présentes au sein de ces études compromettent considérablement la portée de leurs résultats. L’une des ces limites importantes est la difficulté d’isoler la maternité précoce du contexte social et économique dans lequel elle se déroule bien souvent. Plusieurs des conséquences délétères de la maternité précoce peuvent être attribuables aux conditions de vie qui composent le quotidien de ces mères, conditions qui sont présentes souvent avant la naissance de l’enfant.

Chapitre 3. Contexte théorique