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Chapitre 1 : Etude bibliographique

3. Les voies de réparation de l’ADN

3.5. La réparation des cassures double brin

Les cassures double brin (CDBs) de l’ADN (Double Strand Break : DSB) sont les dommages les plus toxiques pour la cellule. Les CDBs peuvent provenir de processus endogènes comme le stress oxydatif, la méiose et la recombinaison V(D)J ; ou de facteurs exogènes comme les radiations ionisantes ou les agents génotoxiques.

Chez les mammifères, les CDBs peuvent être pris en charge par deux mécanismes distincts : la recombinaison homologue (Homologous Recombination : HR) qui nécessite des homologies de séquences et la jonction d’extrémité non homologue (Non-Homologous End Joining : NHEJ) qui ne nécessite pas de brin homologue.

Il existe une étroite compétition et collaboration entre ces deux mécanismes. A l’heure actuelle, la NHEJ est considérée comme le mécanisme de réparation prépondérant car il intervient rapidement et tout au long du cycle cellulaire alors que la HR n’intervient qu’en phase S et G2 du cycle cellulaire et possède une cinétique de réparation plus lente que la NHEJ.

Nous allons maintenant détailler ces deux mécanismes et voir les différents acteurs qui interviennent dans la prise en charge et la réparation de ces lésions.

3.5.1. La recombinaison homologue (HR)

La HR permet un échange de matériel génétique entre deux chromosomes homologues.

Cette voie de réparation est divisée en trois phases :

- La phase pré-synaptique qui correspond à la reconnaissance des CDBs

- La phase synaptique qui recherche l’homologie et permet l’invasion du brin homologue (formation du D-loop)

- La phase post-synaptique qui permet la résolution (coupure) de la structure permettant l’échange de brins entre deux brins est appelée « jonction de Holliday »

Ces trois phases font intervenir différents acteurs protéiques.

La première étape de la HR est initiée par une résection d’ADN simple brin pris en charge par le complexe MRN (composé des protéines Mre11, Rad50 et Nbs1) et l’endonucléase CtIP qui joue un rôle essentiel dans l’activation de MRN et l’initiation de la résection. Cette étape de résection est favorisée en phase S du cycle cellulaire. La deuxième étape fait intervenir des hélicases (comme BLM) et des

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nucléases dont EXO1 (appartenant à la famille des nucléases XPG) afin d’agrandir la taille de la résection (Bolderson et al., 2010). La protéine RPA vient ensuite recouvrir la zone de résection pour protéger le fragment d’ADN simple brin et s’assurer que la résection s’effectue dans la bonne direction. La protéine Rad51 intervient pour démarrer la HR en provoquant l’invasion de brin (Krejci et al., 2012). Plusieurs protéines comme BRCA2, Rad54 et Rad52 opèrent alors pour guider Rad51 devant une séquence homologue du chromatide sœur. Les extrémités 3’ sont allongées par des DNA polymérases formant ainsi la « jonction de Holliday ». La dernière étape est effectuée par des hélicases et des enzymes appelées « résolvases » ainsi que par l’ADN Ligase 1. La conversion génétique est associée ou non à un crossing-over selon le sens de la coupure qui est effectué par les « résolvases » (Jasin and Rothstein, 2013; Mladenov et al., 2016).

Il est important de préciser que la protéine BRCA1 favoriserait l’initiation de la résection afin d’éliminer 53BP1 qui viendrait se fixer aux extrémités des CDBs (Bunting et al., 2010; Cao et al., 2009).

La HR assure une réparation très fidèle puisque le brin lésé recopie une séquence homologue. De plus, la réparation des CDBs n’entrainent principalement pas de crossing-over ce qui confirme le caractère conservateur de cette voie.

55 3.5.2. La voie NHEJ

On distingue deux voies dans le mécanisme de réparation par NHEJ : la voie « classique » appelée jonction d’extrémités non homologues canonique (c-NHEJ) qui dépend de DNA-PK [ou encore appelée D-NHEJ] et une voie alternative appelée jonction d’extrémités non homologues alternative (a-NHEJ) [ou encore appelée B-NHEJ (back-up NHEJ) ou MMEJ (Microhomology Mediated End-Joining)].

3.5.2.1. La voie c-NHEJ

Comme cette voie est active tout au long du cycle cellulaire, elle représente la voie de réparation des CDBs par défaut.

Dorénavant, elle est admise comme étant conservatrice et fidèle. Cependant, c’est une voie qui peut s’adapter et donc ligaturer des extrémités d’ADN qui ne sont pas parfaitement complémentaires tout en limitant l’instabilité génétique. La fidélité de la réparation dépend donc des extrémités double brin de l’ADN et ce n’est donc pas le mécanisme en lui-même qui est infidèle.

Ce mécanisme de réparation débute par une reconnaissance et une protection des extrémités par l’hétérodimère Ku70/80. Il possède une très grande affinité avec l’ADN et est très abondant dans le noyau des cellules (Downs and Jackson, 2004). L’interaction entre l’ADN et Ku permet ensuite le recrutement de DNA-PK. Son rôle est fondamental puisqu’elle permet de réguler la c-NHEJ et d’activer via une phosphorylation un ensemble de protéines impliquées dans la c-NHEJ ainsi que dans la réponse au dommage de l’ADN (DDR) que nous détaillerons plus tard. L’activation de la kinase DNA-PK permet ainsi le recrutement de XRCC4 (venant stabiliser la Ligase IV) et de l’ADN Ligase IV aidé par les protéines XLF/Cernunnos. Ces protéines vont stimuler la ligature. Il a été démontré récemment in vitro que la protéine PAXX pourrait stabiliser DNA-PK et serait un nouvel acteur de la voie c-NHEJ (Ochi et al., 2015). Il peut également y avoir l’intervention de polymérases (µ, λ et TdT) et Artémis si cela est nécessaire pour préparer les extrémités si elles ne sont pas compatibles avant la ligature (Mladenov et al., 2016; Rass et al., 2012).

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Figure 20 - Schéma des différentes étapes de la c-NHEJ (Mladenov et al., 2016)

3.5.2.2. La voie a-NHEJ

Cette voie a été découverte en réprimant des gènes fonctionnels de la voie classique (mutant Ku- par exemple) ce qui entraina son appellation « alternative ». Elle est également communément appelée back-up NHEJ car on pensait qu’elle n’était active uniquement lorsque la c-NHEJ était déficiente, or il a été démontré que cette voie est active quel que soit le fonctionnement de la c-NHEJ.

La voie a-NHEJ nécessite de petites homologies de séquences (< 20 nt) distantes de la lésion entrainant des délétions ou insertions d’une partie de l’ADN ce qui lui confère un caractère mutagène. De ce fait, on attribuait auparavant l’infidélité à la voie c-NHEJ qui est en fait dû à la découverte plus tardive de cette nouvelle voie.

Cette voie a également lieu tout au long du cycle cellulaire. Cependant, elle serait plus active en phase G2 qu’en G1 dû à une activité de résection réduite en phase G1 (Huertas, 2010).

La voie a-NHEJ n’est pas encore totalement élucidée mais certains acteurs ont pu être identifiés.

PARP1 est la première protéine impliquée dans le processus de réparation de cette voie. Certaines expériences in vitro ont également mis en évidence l’implication de l’Histone H1 qui favoriserait l’activité de PARP1 (Rosidi et al., 2008).

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La voie a-NHEJ inclut ensuite une étape d’initiation de la résection impliquant le complexe MRN et CtIP commune à la HR détaillé précédemment. La résection s’effectue par des nucléases ou hélicases. L’hybridation des microhomologies permet l’alignement des CDBs et facilite ensuite l’étape de ligature par le complexe XRCC1/ADN Ligase III mais également la Ligase I (Audebert et al., 2004; Paul et al., 2013; Wang, 2005).

Récemment la polymérase θ a été identifiée et a pour rôle de combler les « trous » dans l’ADN (Ceccaldi et al., 2015; Wood and Doublié, 2016).

Il est important de noter que les protéines impliquées dans la a-NHEJ sont également nécessaires dans d’autres voies de réparation de l’ADN. Par exemple, PARP1, XRCC1 et l’ADN Ligase III sont 3 protéines qui opèrent dans la voie BER (Figure 21).

Figure 21 - Schéma des différentes étapes de la a-NHEJ (adaptée de Mladenov et al., 2016)