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La réorganisation administrative dans la capitale : des décennies de statu quo (1878-1940)

L’échec à réorganiser le gouvernement du District n’est pas dû à un manque d’études ni de tentatives en la matière. La question apparaît en filigrane dans la vie politique locale dès la fin du XIXe siècle, tantôt à l’initiative des citoyens126, tantôt à l’initiative des commissaires127, tantôt

à l’initiative du Congrès. À partir des années 1920, le rythme de parution des rapports sur le sujet s’intensifie et plusieurs projets de loi voient le jour. Toutefois, la plupart de ces projets de

123 “which rely upon the Commissioners for funds, but over which the Commissioners have no real control.”

(H. STULL, ““City Council” left sorry record,” WP, 7 janvier 1951, p. B6)

124 “D.C. Pays the bill but doesn’t control many agencies,” WP, 26 mars 1951, p. B1.

125 Summary report on the reorganization of the government of the District of Columbia, July 1, 1952 –

September 30, 1953; H. TRUMAN, Special Message to the Congress Transmitting Reorganization Plan 5 of 1952,

1er mai, 1952.

126 Les citoyens sont ainsi à l’origine d’un mouvement pour la réorganisation dès 1886. (“The local government.

A scheme to reorganize it under consideration,” WP, 26 novembre 1886, p. 1)

127 En 1903, les commissaires chargent une commission composée de membres du gouvernement local d’étudier

en détail l’organisation et le fonctionnement de tous les services du gouvernement municipal. (“All under Scrutiny – Sweeping Investigation of the District Government”, WP, 1er août 1903, p. 10)

76 loi ont une portée très ciblés. Ils n’aboutissent pas à une refonte en profondeur du système, seulement à la réorganisation de certains services municipaux.

Les premiers projets de réorganisation globale apparaissent au début des années 1930. En l’espace de quelques années, plusieurs analyses complètes du système de gouvernement sont entreprises128. Chacune comporte des spécificités, mais toutes soulignent la nécessité de consolider

les nombreuses activités du gouvernement local. Elles nourrissent un débat qui atteint son paroxysme entre 1938 et 1940, avant d’être stoppé brutalement par la Seconde Guerre mondiale. Au total, une douzaine de nouveaux projets seront ébauchés entre 1934 et 1940129.

Le premier projet de référence voit le jour en 1934. Il s’agit d’un rapport très épais préparé par William Roberts pour le Sénat130. Ce rapport ne donne lieu à aucune publication officielle,

mais il alimente les spéculations et les discussions sur la réorganisation et prépare le terrain pour les projets suivants.

Au cours des années qui suivent, le débat prend de la vigueur. La conviction qu’une réorganisation de l’administration municipale est nécessaire s’impose peu à peu comme une évidence, aussi bien parmi les citoyens qu’à l’hôtel de ville et au Capitole. La nature de cette réorganisation reste toutefois en question. Le principe d’une concentration des multiples services et agences en un nombre réduit de départements fait relativement consensus. Il se heurte à la volonté de la plupart des agences, qui, tout en reconnaissant le besoin global de regroupements, affirment le besoin individuel de maintenir leur propre indépendance. Il se heurte aussi à l’existence de différentes options de consolidation, notamment en matière d’éducation, de santé, de travaux publics ou de maintien de l’ordre.

128 Parmi ces études, une est réalisée par la Brookings Institution en 1928-1929, une deuxième par le Citizens

Efficiency Committee en 1937 et une troisième par le cabinet Griffenhagen en 1938-1939. (L. SCHMECKEBIER et

W. WILLOUGHBY, The Government and Administration of the District of Columbia, 1929)

129 C. GREEN, op. cit. (note 44), p. 431. 130 C. GREEN, op. cit. (note 44), p. 428.

77 Le principal point d’achoppement réside néanmoins ailleurs. Il s’agit du choix du mode de gouvernement. La plupart des organisations citoyennes se prononcent pour un projet de loi qui combine droit de vote et réorganisation administrative. Elles prônent un système avec un conseil municipal élu et un maire ou un administrateur et rejettent tout projet qui ne comporte pas de composante « droit de vote » pour les Washingtoniens. Les commissaires privilégient le maintien d’un collège de trois membres aux pouvoirs renforcés, notamment sur le plan budgétaire, éventuellement assisté d’un administrateur chargé de coordonner la dizaine de départements issus de la réorganisation. Le Congrès est quant à lui parcouru par plusieurs tendances, qui se retrouvent autour de projets comprenant un conseil municipal et un administrateur unique nommés, ou le maintien d’un collège de commissaires, mais aux pouvoirs limités.

En 1939, le Plan Griffenhagen est ainsi proposé par l’entreprise du même nom, qui a réalisé au cours de l’année précédente une analyse poussée du système en place dans la capitale. Il prévoit initialement le remplacement du collège de commissaires par un conseil nommé ou élu de sept membres, un maire et un maire adjoint nommés chargés de fixer la politique générale du District, et un administrateur/directeur général nommé chargé de gérer les 17 services administratifs issus de la restructuration de l’ensemble des agences. Tandis que des discussions préliminaires sont menées au Congrès pour élaborer un projet de loi sur cette base, les commissaires font préparer par leurs services un contre-projet radicalement différent. Le président Roosevelt, qui se dit initialement intéressé par un système de conseil municipal et d’administrateur unique revient sur sa position quelques semaines plus tard pour soutenir le maintien d’un collège de commissaires. Un projet de loi proposant une version amendée du Plan Griffenhagen est finalement déposé à la Chambre en juillet par Ambrose J. Kennedy, député du Maryland particulièrement actif sur ce sujet et président de la sous-commission chargée de la réorganisation du District de Columbia à la Chambre. Il propose un gouvernement assuré par un collège de trois commissaires et un administrateur, à la tête de services municipaux concentrés.

78 Ce projet est mis à mort suite aux critiques des commissaires et de la majorité de la commission chargée du District à la Chambre.

Suite à l’échec du projet Griffenhagen/Kennedy, les discussions se poursuivent néanmoins. Le Congrès prépare un nouveau projet Kennedy, au sein de la sous-commission du même nom à la Chambre. L’hôtel de ville travaille de son côté sur un projet élaboré par le corporation counsel Elwood Seal. Les critiques réciproques sont nombreuses et acérées. Le projet de loi de compromis qu’Ambrose Kennedy finit par mettre sur pied et déposer à la Chambre en avril 1940 connaît toutefois le même sort que le précédent. Malgré quelques amendements et une adoption par la Chambre en septembre 1940, il est enterré par le Sénat. L’arrivée des élections présidentielles puis l’intensification de la guerre en Europe contribuent à mettre le sujet de côté pour plusieurs années.

À la fin des années 1930, les initiatives successives en faveur de la réorganisation du gouvernement washingtonien se heurtent aux différences de vues entre les commissaires, la Chambre et le Sénat. La concrétisation des nombreux efforts n’est pas facilitée par le président Roosevelt, qui a manifesté à plusieurs reprises son souhait de voir évoluer l’organisation du gouvernement de la capitale131, mais ne soutient pas efficacement les initiatives qui émergent de

part et d’autre. La grande confusion du système en place ne facilite pas non plus la réorganisation, ceci d’autant plus que les restructurations doivent être menées par le biais législatif, qui n’est pas le moyen idéal de mener des réformes complexes.

II. Ville-Congrès : une relation tendue

A. Le poids croissant du gouvernement fédéral sur les finances de la capitale