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Les pauvres, premières victimes de la pénurie 1 La pénurie des logements à loyer modeste

La pénurie frappe d’abord les personnes à revenus modestes, dans un contexte où l’offre est plus large pour les logements les plus onéreux.

Avant le conflit, la capitale connaissait déjà un besoin urgent en logements à bas prix. Selon le recensement de 1940, près de 62 000 familles washingtoniennes68 vivent alors avec moins de

1 500 dollars par an, soit moins de 120 dollars par mois69. Ce niveau de revenus ne leur permet

66 EAD, p. 84.

67 Témoignage de Mme William H. Wells, vice-présidente du Citizens’ Council for Community Planning (LCH,

p. 59). Dans un article du 29 novembre 1938, le Washington Star mentionne une étude de l’US Housing

Authority qui estime à 20 000 le nombre de familles washingtoniennes qui vivent dans des logements qui ne

répondent pas aux normes. Les estimations varient de 20 000 à 30 000 selon les sources, 20 000 étant le chiffre le plus fréquemment repris et celui utilisé par le président de la NCHA. Dans un article du 29 novembre 1938, le Washington Star mentionne une étude de l’US Housing Authority qui estime à 20 000 le nombre de familles washingtoniennes qui vivent dans des logements qui ne répondent pas aux normes.

68 Cela représente 31,4 % des familles washingtoniennes et 40 % des familles noires.

69 Témoignage de Mme William H. Wells, vice-présidente du Citizens’ Council for Community Planning (LCH,

p. 59). Le salaire médian varie entre 1 000 et 1 200 dollars à l’année. En 1939, 54 % des travailleurs avec expérience touchent moins de 100 dollars par mois (NCPPC, Report on Slum clearance and Housing in the

161 pas de payer plus de 25 à 30 dollars de loyer par mois. Or le loyer médian est alors de 45 dollars dans le District et seuls 19 % des loyers sont inférieurs à 30 dollars.

Le manque de logements à prix modeste est particulièrement frappant en comparaison aux autres villes américaines. Washington a toujours été connue pour ses loyers élevés, souvent attribués à la forte proportion de hauts fonctionnaires au sein de la population et donc à la moyenne élevée des salaires. Les loyers de la capitale sont ainsi nettement supérieurs à ceux de villes comme Cincinnati, Cleveland, Baltimore et La Nouvelle-Orléans, de taille comparable au District. Dans ces quatre villes, la proportion de loyers inférieurs à 30 dollars est respectivement de 65 %, 44 %, 54 % et 79 %70.

Dès 1940, une bonne partie de la population n’a donc pas les moyens de se loger de manière adéquate à Washington, car l’offre n’est pas adaptée à la demande, elle est trop onéreuse71. La

figure 31, extraite d’une étude parlementaire sur la situation du logement dans la capitale montre que 90 % de la demande concerne des logements au loyer inférieur à 35 dollars, logements pour lesquels absolument aucune offre n’existe de la part des bailleurs privés. Un tableau comparatif se trouve en annexe 13. Ces derniers ne proposent de logements qu’à partir de 35 dollars, la majorité de l’offre se situant au-delà de 45 dollars, en particulier si l’on considère les logements pour lesquels les charges sont comprises. La différence est donc nette entre le loyer moyen demandé par les locataires (21 dollars) et le loyer moyen offert par les entrepreneurs privés pour des loyers respectivement « secs » (44 dollars) et charges incluses (49 dollars).

70 NCPPC, Report on Slum clearance and Housing in the District of Columbia, Washington, D.C., 20 mai 1944

(EAD, p. 86).

162

Figure 31 - Répartition de l’offre et du besoin en logement selon le loyer mensuel à Washington en 194072

0 20 40 60 80 100 moins de 20 $ 20-24 $ 25-29 $ 30-34 $ 35-39 $ 40-44 $ 45-49 $ 50 $ et plus %

Besoin Offre - loyer "sec" Offre - loyer charges comprises

La situation s’aggrave naturellement pendant la guerre, qui renforce la demande dans un secteur pour lequel l’offre était déjà insuffisante en 1940. La conséquence immédiate est l’augmentation de la surpopulation des logements les moins coûteux, qui sont déjà en mauvais ou très mauvais état et risquent de se dégrader davantage encore si leur nombre d’occupants augmente. John Ihlder, directeur de la National Capital Housing Authority73 (NCHA), relate par

exemple la situation d’une famille qui loue pour 52 dollars par mois une maison de six pièces de qualité médiocre et doit la partager avec deux autres familles afin de pouvoir payer le loyer74. Ce

n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

Face à la pénurie, la population noire est dans une situation nettement plus critique que la population blanche. Deux facteurs majeurs se conjuguent : les moyens plus limités des Noirs, du fait de leur situation économique plus précaire que celle des Blancs, et la ségrégation résidentielle.

72 EAD, Exhibit X, face à la page 157.

73 La NCHA est l’autorité washingtonienne du logement, en charge de la gestion des logements sociaux dans la

capitale.

163 2. La situation particulièrement critique des Noirs

a) La question des moyens financiers : des ressources inférieures à celles des Blancs Les familles noires de la capitale sont nombreuses à être pauvres et peu nombreuses à être riches. Cela apparaît clairement dans le recensement de 1940, qui donne une bonne indication des niveaux de revenus, même si cette image est incomplète. Le recensement présente les revenus selon le niveau des salaires75 et selon la présence ou l’absence d’autre source de revenus.

Toutefois, il ne fournit pas le montant de ces autres sources de revenus76 lorsqu’elles existent,

peignant de ce fait un tableau incomplet des ressources des Washingtoniens. Ces statistiques nous apprennent tout de même que sur les 39 640 familles noires que compte la capitale en 1940, 22 800 n’ont pas d’autre source de revenu que leur salaire, et parmi ces familles, 16 370 touchent moins de 1 500 dollars par an. À ces familles s’ajoutent sans doute un certain nombre de familles qui, bien qu’elles disposent d’un revenu complémentaire, gagnent moins de 1 500 dollars par an, mais ce nombre n’est pas disponible. Nous savons néanmoins avec certitude qu’au moins 16 370 familles touchent moins de 1 500 dollars par an, ce qui représente 41,8 % des familles noires de la capitale77. Par comparaison, seules 18 690 familles blanches sur un total de 131 000, soit

14,3 %, sont alors dans ce cas78. Il existe donc de fortes inégalités de revenus entre les Noirs et

les Blancs dans le District.

Les chiffres fournis en 1940 pour le District et en 1947 pour l’agglomération confirment les fortes inégalités de revenus qui existent entre les Noirs et les Blancs dans la capitale et sa banlieue. De ce fait, les Blancs obtiennent plus facilement les rares logements qui sont rendus disponibles. En effet, les logements disponibles sont principalement dans des catégories de loyer qui restent inabordables pour la majorité des Noirs. Toutefois, le niveau de revenus n’est pas la

75 Le recensement distingue wage et salary, tous deux traduits par « salaire » en français. Le premier représente

un salaire pour une unité de travail : que ce soit à la pièce ou pour une unité de temps donnée. Le second représente un salaire au forfait reçu de manière régulière, en général toutes les semaines, tous les quinze jours ou tous les mois.

76 Il s’agit de toutes les formes de revenus autres que des salaires, comme par exemple les revenus immobiliers,

et les produits financiers.

77 Department of Commerce, op. cit. (note 27), Table 45, p. 196-198. 78 Department of Commerce, op. cit. (note 27), Table 59, p. 277.

164 seule cause des difficultés de logement des Noirs. La ségrégation résidentielle est également un facteur essentiel.

b) La ségrégation résidentielle : un obstacle supplémentaire pour la population noire Nous avons souligné plus haut la ségrégation très nette qui existe en matière de répartition raciale de la population dans le District. Le centre de la ville comporte une très forte majorité d’habitants noirs, tandis que l’Ouest et le Nord sont presque exclusivement blancs.

Plusieurs causes peuvent expliquer cet état de fait79. L’aspect communautaire joue un rôle

certain dans la capitale. C’est la théorie baptisée port of entry par Cutler, Glaeser et Vigdor. Comme les immigrants fraîchement arrivés dans un nouveau pays pour former des Little Italy ou des Chinatown, les migrants noirs du Sud tendent à se regrouper dans les mêmes quartiers lorsqu’ils arrivent dans la capitale. Ils rejoignent les membres de leur famille proche ou éloignée déjà installés, les autres migrants issus des mêmes États, villes ou comtés qu’eux pour préserver un lien avec leur terre d’origine. Ce souhait de recréer une vie communautaire autour de magasins et restaurants spécifiques explique partiellement l’existence de quartiers noirs dans certaines parties de la ville. Il n’explique en revanche pas pourquoi de tels quartiers n’existent pas dans certaines parties de la ville, pourquoi l’Ouest reste réservé aux Blancs.

Une autre cause est le refus des Blancs de vivre dans les mêmes quartiers que les Noirs. Ce refus pousse les Blancs à agir collectivement par des moyens légaux, para-légaux ou illégaux, voire violents pour empêcher l’implantation de Noirs dans leurs quartiers.

Contrairement à des villes comme Chicago, où la violence physique était un moyen courant de décourager les Noirs d’accéder à certains quartiers80, les incidents sont rares dans les parties

de la capitale où une certaine mixité existe81. Les actes de violence raciale ne sont pas étrangers

79 CUTLER, GLAESER, VIGDOR, “The Rise and Decline of the American Ghetto,” p. 457, 475, 481.

80 BROOKS, Richard R. W., Covenants & Conventions, 2002; HIRSCH, R. A., Making the Second Ghetto, p. 40-

67; DRAKE, S. C., Churches and Voluntary Associations in the Chicago Negro Community, p. 178.

81 President’s Committee on Civil Rights, To Secure These Rights: The Report of the President’s Committee on

165 au District, les émeutes sanglantes de 1919 en sont une preuve indiscutable82. Toutefois, au

quotidien, l’incitation à la ségrégation passe par d’autres canaux que la violence.

Il existe à Washington des outils contractuels pour faire en sorte que la mixité ne survienne pas dans les quartiers d’où elle est absente83. À partir des années 1920, des règles plus ou moins

formelles se sont développées, sous la forme de conventions. En 1917, la Cour suprême a jugé dans son arrêt Buchanan v. Warley84 que les arrêtés municipaux exigeant la ségrégation résidentielle sur des critères raciaux étaient inconstitutionnels, car ils violaient le 14e amendement. À partir de cette date, à défaut d’arrêtés, des conventions restrictives se sont répandues dans les villes du Nord, en réaction à la Grande migration qui amena de nombreux Noirs du Sud agricole vers les villes du Nord. Ces conventions sont contractées entre des propriétaires immobiliers d’un même quartier qui décident d’interdire la vente, la location et l’usage de leurs biens respectifs à certaines catégories de la population, généralement les Noirs et les Juifs. Elles ne lient pas seulement les contractants initiaux mais aussi les personnes qui leur rachèteraient ultérieurement les propriétés concernées. En cas de non-respect, les fautifs sont passibles de pénalités financières. Dans la plupart des villes où elles existent, elles sont soutenues et encouragées par les associations de quartier et les agents immobiliers. Dans la capitale, ainsi, le code éthique des agents immobiliers85 recommande l’application de tels principes. Il stipule que

ses membres ne peuvent pas vendre de logement à un Noir dans une zone résidentielle à majorité blanche. Par conséquent, les Noirs sont bannis des quartiers résidentiels occupés par les Blancs86.

Pourquoi de telles conventions ? Dans une étude réalisée en 1929 à la demande de la fédération washingtonienne des églises87, William Jones souligne que l’un des arguments

principaux donnés par les agents immobiliers est que la valeur des biens immobiliers chute dès

82 P. PERL, “Race Riot of 1919 Gave Glimpse of Future Struggles,” WP, 1er mars, 1999, p. A1.

83 C. GREEN, The Secret City: A History of Race Relations in the Nation’s Capital, p. 176; TSTR, p. 91-93. 84 Buchanan v. Warley, 245 U.S. 60 (1917).

85 Par le biais du Washington Real Estate Board, qui attribue leurs licences aux agents immobiliers de la ville. 86 TSTR, p. 91-93; M. CHURCH TERRELL, A Colored Woman in a White World, 1940, p. 122.

166 lors qu’une famille noire s’installe dans un quartier. Les familles blanches souhaitent se prémunir contre de telles baisses et utilisent pour ce faire les conventions restrictives. L’argument est discutable88, de même que les autres arguments tels le bruit, le désordre, la criminalité, ou encore

la baisse du niveau scolaire qui seraient générés par les Noirs autour de leurs habitations89,

arguments qui reposent en l’espèce davantage sur des préjugés que sur des analyses étayées. Les conventions restrictives restent plus que jamais d’actualité en 1945. Dans les années 1920, une action en justice destinée à les faire invalider a en effet échoué et abouti à une forme de validation de la pratique par la Cour suprême. En l’espèce, Irene Corrigan, propriétaire d’une maison au 1727 S Street, NW, à Washington, avait vendu ce bien à un couple noir en 1922. Or elle avait signé un an auparavant avec les autres habitants blancs du quartier une convention restrictive dans laquelle ils s’interdisaient mutuellement de louer ou de vendre leur maison à des Noirs. Suite à la vente, l’un des voisins porte plainte. La Cour suprême du District lui donne raison et invalide la vente. Sollicitée en 1926 suite à un appel, la Cour suprême des États-Unis refuse dans son arrêt Corrigan v. Buckley90 de se prononcer au motif que l’argument invoqué n’est pas recevable91. Cette décision, interprétée comme une bénédiction de la pratique, donne un

socle légal aux conventions restrictives, ce qui est vécu comme un camouflet par les élites noires de la capitale. Selon Constance Green, « cette défaite provoqua chez eux un sentiment de colère plus profond que celui causé par tout autre incident passé92 ».

88 L’analyse par Luigi Laurenti de toutes les analyses du lien supposé entre déségrégation et valeurs

immobilières montre que les conjectures qui vont dans ce sens ont peu ou pas de fondements factuels. L’analyse conduite sur quelques secteurs de recensements Washingtoniens pour les années 1954-1966 par Erdman Palmore va dans le même sens. Elle ne montre pas de baisse des valeurs immobilières dans les quartiers déségrégués (L. LAURENTI, Property Values and Race, 1960; E. PALMORE, “Integration and Property Values in Washington,

D. C.”, p. 15-19).

89 W. JONES,The Housing of Negroes in Washington, D.C., A Study in Human Ecology, 1929. 90 Corrigan v. Buckley, 271 U.S. 323 (1926)

91 Mme Corrigan et ses acheteurs M. et Mme Curtis invoquaient en effet le 14e amendement, qui interdit toute

discrimination basée sur la race, mais la Cour suprême argua que les amendements à la Constitution étaient applicables aux actions des États et non à celles des individus.

92 “their defeat evoked a smoldering anger in them deeper than that caused by any other one episode of the

167 Figure 32 - Titre du Washington Afro-American sur les conventions restrictives

Au cours des années qui suivent, l’usage des conventions se répand, ce qui limite sévèrement les options de logement des habitants et nouveaux arrivants noirs dans la capitale, d’autant que leur application est confortée par des décisions judiciaires locales93. En 1938, trois couples

portent plainte pour réclamer le déménagement de Henry Brown, un Washingtonien noir qui vient de s’installer au 419 Columbia Road, NW. Ces trois couples blancs invoquent une convention restrictive contractée le 30 octobre 1925 selon laquelle les propriétés concernées « ne pourront jamais être utilisées ou occupées par, vendues, transmises, louées, ou données à » toute personne de couleur94. La justice donne raison aux plaignants95 (fig. 32). Une affaire semblable se

conclut de manière identique trois ans plus tard. En novembre 1941, le juge McGuire, de la cour de justice du District de Columbia, annonce qu’il signera une injonction imposant à M. et Mme Hundley de quitter le 2 530 13th Street, NW, en application d’une convention couvrant les cinq logements du bloc 2500 de cette rue, qui interdit la propriété, l’occupation et la location de ces logements à des Noirs96. Une confirmation judiciaire supplémentaire intervient en janvier 1945

devant la Cour fédérale d’appel pour le District de Columbia. Dans ce cas, des habitants ont

93 En 1948, la Cour suprême souligne que la question des conventions restrictives a été portée devant la cour

fédérale d’appel pour le District de Columbia à au moins 8 reprises entre 1924 et 1948, à l’occasion des affaires suivantes : Corrigan v. Buckley, 1924, 55 App. D.C. 30, 299 F. 899; Torrey v. Wolfes, 1925, 56 App. D.C. 4, 6 F.2d 702; Russell v. Wallace, 1929, 58 App. D.C. 357, 30 F.2d 981; Cornish v. O'Donoghue, 1929, 58 App. D.C. 359, 30 F.2d 983; Grady v. Garland, 1937, 67 App. D.C. 73, 89 F.2d 817; Hundley v. Gorewitz, 1942, 77 U.S. App. D.C. 48, 132 F.2d 23; Mays v. Burgess, 1945, 79 U.S. App. D.C. 343, 147 F.2d 869, 162 A.L.R. 168; Mays v. Burgess, 1945, 80 U.S. App. D.C. 236, 152 F.2d 123.

94 “Attempt to oust Colored Family”, The Washington Afro-American, 15 octobre 1938, p. 5. 95 “Judge Rules Family Must Out Property”, Washington Afro-American, 12 novembre 1938, p. 13.

96 “D.C. Court Upholds Housing restriction; Appeal Planned”, Washington Afro-American, 22 novembre 1941,

168 porté plainte pour réclamer que l’achat du 2213 1st Street par Mme Mays, noire, soit invalidé car il enfreint une convention restrictive contractée le 1er septembre 1925. La Cour estime que dans la mesure où le quartier n’a pas changé de caractère entre temps et où la Cour suprême n’a pas changé d’interprétation sur le sujet, la convention reste applicable97.

Du fait de l’existence de ces conventions, dans une capitale où la population noire et la population blanche augmentent, l’offre de logements ne progresse pas de la même manière pour les deux catégories de population, puisque les Noirs ne sont pas les bienvenus dans tous les quartiers de la ville. Leur périmètre de recherche est plus limité que celui des Blancs et il n’évolue pas de façon identique. Au cours des années 1930, par exemple, la population noire a augmenté de 42 % dans le District tandis que le nombre de logements accessibles aux Noirs n’augmentait que de 30 %98. Par conséquent, les difficultés des Noirs à trouver des logements se

renforcent avec la croissance de la population. Notons que de temps à autres, des offres alléchantes de la part d’acheteurs noirs permettent de repousser les limites des quartiers noirs, malgré l’existence de conventions restrictives. Le meilleur exemple est celui du 1727 S Street : un an après le verdict défavorable de la Cour suprême, le bloc entier dans lequel se situait la maison source du conflit est occupé par des Noirs, et ce bien que la décision judiciaire interdise à toute personne noire d’acheter ou de résider dans ce bloc pour une période de 21 ans99. Mais ces

exemples restent des exceptions.

La ségrégation résidentielle, quelles que soient ses causes, a un impact néfaste sur les options de logement de la population noire. Les zones dans lesquelles les Noirs peuvent rechercher un logement sont limitées. Faute de pouvoir augmenter la surface occupée, c’est la densité des surfaces déjà occupées qui augmente, aboutissant à la surpopulation des zones en question. De

97 “D.C. Property Covenants Upheld by Appellate Court,” The Afro-American, 3 février 1945, p. 15.

98 NESBITT George B., “Non-White Residential Dispersion and Desegregation in the District of Columbia,” The

Journal of Negro Education, Vol. 25, No. 1 (Winter, 1956), p. 5.

169 plus, John Ihlder souligne que le secteur privé a construit très peu de logements à destination de la population noire, renforçant l’obligation de surpeupler les logements existants100.

Du fait de la ségrégation résidentielle, les classes moyennes et aisées noires ne sont pas épargnées par les difficultés de logement. Ils ne sont pas nombreux à pouvoir prétendre accéder au monde fermé des classes moyennes noires confortablement installées à Capitol Hill ou à Georgetown. Ils sont même de moins en moins nombreux à Georgetown, car la supériorité des revenus des Blancs leur permet d’évincer peu à peu les Noirs du quartier où ils rachètent les logements à bon prix101 depuis les années 1930. Les classes moyennes noires n’ont pas non plus

accès à la banlieue, alors en pleine expansion, car les conventions restrictives qui les bannissent y sont également présentes.

Même la politique de logements sociaux et de war housing102, dont nous détaillerons la mise en œuvre plus loin, n’offre qu’une solution très partielle au problème, car l’autorité qui la