• Aucun résultat trouvé

2.2 Les cellules réceptrices

2.2.1 Le récepteur Patched

2.2.1.1 La régulation de Hh par Ptc

Dans la transduction du signal, Ptc a deux fonctions majeures: il réprime le signal Hh et limite la diffusion du morphogène par séquestration (Chen et Struhl, 1996; Marigo et al., 1996). Même si les deux rôles de Ptc sont indiscutables pour la communauté scientifique, des zones d’ombre persistent. Notamment, le mécanisme par lequel Ptc inhibe le signal Hh n’est toujours pas connu, et l’établissement du gradient Hh par l’intermédiaire de sa

séquestration par Ptc n’est qu’un modèle théorique. Cependant des publications récentes apportent quelques éclaircissements sur la relation entre Ptc et Hh.

L’inhibition de Ptc par Hh est due à l’interaction entre ces deux protéines qui entraine l’internalisation du complexe Ptc/Hh via un processus d’endocytose dynamine-dépendant suivie par sa dégradation via les lysosomes (Gallet et Therond, 2005). Récemment, une étude menée par l’équipe d’Adrian Salic, chez les mammifères, apporte des réponses sur le mécanisme d’inhibition d’Hh sur Ptc (Tukachinsky et al., 2016). Ils ont montré qu’un petit fragment de Shh palmytoilé (palmShh-22) est capable de se lier à Ptc, et que cette interaction est suffisante pour inhiber Ptc et activer la voie. De plus, à l’aide d’expériences in

vitro, ils ont démontré que le processus d’inhibition de Ptc pouvait être dissocié de celui de

l’internalisation ou dégradation, car le peptide palmShh-22 active l’expression de Gli1 (orthologue de Ci chez les mammifères) sans pour autant entrainer la dégradation de Ptc. Ceci sous-entend que les processus d’internalisation et de dégradation de Ptc ne sont pas requis pour l’activation de la voie. Quelques années auparavant, le mécanisme d’internalisation avait été dissocié de celui de la dégradation, puisqu’en absence de Ptc, Hh est toujours internalisé (Torroja et al., 2004)et al.,, démontrant que la dégradation d’Hh est une fonction spécifique à Ptc. Si la dégradation du complexe Ptc/Hh est une caractéristique liée à la présence de Ptc, c’est qu’elle doit avoir un rôle dans le mécanisme d’activation. En effet, Tukachinsky apporte une rectification sur les conclusions de son expérience in vitro, puisqu’une forme complète de Shh, une forme capable d’induire la dégradation de Ptc, permet une expression plus importante de Gli que le fragment palmShh-22. Ceci indique que durant le mécanisme d’inhibition de Ptc par Hh, le complexe Ptc/Hh (formé par une interaction dépendante de la palmytoilation de Shh), doit être dégradé afin d’avoir un maximum d’activation de la voie. Ceci suggère que lors de l’internalisation, Ptc est peut-être toujours capable d’exercer une action inhibitrice sur Smo, empêchant la pleine activation de la voie (Fig. 17).

Récemment, une publication a impliqué la protéine ligase Smurf3 (« SMAD specific E3 ubiquitin protein ligase ») dans l’établissement du gradient Hh (S. Huang et al., 2013). Les auteurs ont identifié une interaction entre Ptc et Smurf3 par un crible double hybride. Leur étude indique que Smurf3 régule positivement la voie Hh en entrainant la dégradation de Ptc par ubiquitination. Par des analyses mathématiques, ils ont montré que Smurf3 interagit préférentiellement à des molécules de Ptc non liées avec Hh, indiquant un rôle de Smurf3 dans la régulation du « turnover » de Ptc en absence d’Hh. Il est probable que Smurf3 ait un rôle dans l’établissement du gradient Hh en contrôlant la présence de Ptc disponible pour la liaison à Hh à la surface cellulaire. Smurf3 pourrait être plus fortement exprimée proche de l’A/P afin d’entrainer la dégradation des molécules de Ptc libres ce qui favoriserait la diffusion d’Hh à plus longue distance (Fig. 17). Malheureusement, dans cette étude l’expression de la protéine endogène n’a pas été analysée, ce qui aurait été intéressant pour mieux comprendre et confirmer le rôle de Smurf3 dans la formation du gradient Hh.

De plus, Ptc est également un gène cible d’Hh. Une fois la voie activée, l’expression de Ptc permet son accumulation à la membrane plasmique, où a lieu son interaction avec Hh. De cette façon, la protéine Hh est en quelque sorte séquestrée par Ptc, ce qui pourrait limiter sa diffusion, et ainsi modifier le gradient d’Hh (Chen et Struhl, 1996). Mais ceci n’est qu’une hypothèse tentant d’expliquer l’établissement du gradient Hh et l’importance de Ptc dans ce processus. Une publication récente a confirmé ce modèle théorique d’établissement de gradient Hh en visualisant directement et en quantifiant le niveau d’expression des gènes cibles de la voie Hh (Adolphe et al., 2017). et al.,Pour cela, les auteurs ont utilisé la technique de «sensitivity of single-molecule fluorescent in situ hybridization », technique qui permet de visualiser et de quantifier une molécule d’ARNm (Raj et al., 2008). Ils se sont intéressés au développement du follicule pileux chez les mammifères où l’existence d’un gradient de morphogène Shh permet de spécifier les différents types cellulaires (à l’instar du développement du tube neural : section 1.1.3.2). En mesurant les quantités de transcrits de Ptch1 et Gli1 dans des conditions sauvages, mutantes pour Ptch1 ou double mutantes Ptch1 et Ptch2, ils ont pu montrer qu’un gradient de SHh proximo-distal était nécessaire à la formation du follicule pileux. Les très hauts niveaux d’activité se situent proche de la zone proximale, les niveaux intermédiaires un peu plus loin vers la zone distale, et les bas niveaux d’activité sont en position plus distale. La suppression de Ptch1 induit un déplacement des gènes cibles vers la zone plus distale des très hauts niveaux d’activité de la voie, indiquant une diffusion plus lointaine de Shh, due à une diminution de sa séquestration par Ptch1. Cette étude permet ainsi de valider le modèle d’établissement de gradient Hh via l’interaction avec Ptc qui limite sa diffusion (Fig. 17).

Fig. 17 : La régulation de Ptc sur Hh

Une fois secrétée, la protéine Hh diffuse selon un gradient de concentration allant du compartiment postérieur au compartiment antérieur. Il se lie à Ptc ce qui entraine l’activation de la voie par une levée d’inhibition de Smo. Le complexe Ptc/Hh est alors internalisé, et il semblerait qu’à ce stade ce complexe soit encore capable d’exercer un effet inhibiteur sur Smo. Le complexe est ensuite dégradé via la voie lysosomiale, empêchant Ptc d’exercer son effet inhibiteur. Ptc est un gène cible de la voie

Hh à courte distance. De ce fait, quand les cellules proches de l’AP reçoivent le signal, elle exprime Ptc qui s’accumule à la membrane plasmique. Ptc va alors interagir avec Hh, limitant ainsi sa diffusion. En parallèle et de façon opposée, la protéine Smurf3 ubiquitine la protéine Ptc non liée à Hh, entrainant son internalisation et dégradation afin d’augmenter la diffusion d’Hh. L’ensemble de ces processus de régulation (et sûrement bien d’autres) permet l’établissement du gradient Hh.