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3.2 La voie canonique Shh

3.2.3 L’activation du signal en présence d’Hh

La liaison de Shh sur Ptc induit la relocalisation de Ptc à la base du cil où il sera internalisé, permettant à Smo d’entrer dans le cil et d’activer la voie Shh (Rohatgi et al., 2007). Malgré quelques différences structurales entre Smo des vertébrés et Smo de la drosophile, le mécanisme d’activation est conservé. Chez la drosophile, les multiples phosphorylations dues aux kinases PKA, CK1 et Gprk2 entrainent un changement de conformation de la queue cytoplasmique de Smo qui va adopter une conformation ouverte, dite active, pour induire la suite du processus d’activation du signal Shh (Chen et al., 2010; Jia et al., 2004; Molnar et al., 2007; Zhao et al., 2007a). Bien que les sites de la PKA ne soient pas retrouvés dans la queue cytoplasmique de Smo chez les vertébrés, ceux de CK1 et GRK2 (« G protein coupled receptor kinase2 », homologue de Gprk2) ont été gardés au cours de l’évolution (Chen et al., 2011; Meloni et al., 2006). En plus de ces sites, le domaine Arginine, qui est responsable de l’ouverture de conformation de Smo et de l’activation de la voie Hh chez la drosophile, a également été retrouvé chez les vertébrés. De ce fait, les phosphorylations de la partie C-terminale de Smo par ces deux kinases permettent un changement de conformation de Smo, favorisant son entrée dans le cil (Chen et al., 2011), qui est permise par les protéines β-arrestin et la sous-unité motrice de la kinésine2, Kif3a (Kovacs et al., 2008; Milenkovic et al., 2009). Même si la PKA ne peut pas phosphoryler Smo, il semblerait que cette protéine exerce une action positive sur la voie Hh. En effet en culture

cellulaire, l’expression d’une forme active de la PKA permet la relocalisation dans le cil et l’activation de Smo, alors que le blocage de son activité avec des petites molécules inhibitrices, empêche l’expression des gènes cibles induites par Smo en présence de Shh (Milenkovic et al., 2009).

Une fois activée, la protéine Smo va permettre d’une part, de bloquer la protéolyse de Gli-FL en Gli-Rep, et d’autre part de promouvoir la formation du Gli-Act par un mécanisme encore inconnu actuellement. Néanmoins, l’action activatrice de Smo passe par le recrutement du complexe SUFU/Gli-FL dans le cil puis à la libération de la séquestration de Gli-FL par SUFU (Humke et al., 2010; Tukachinsky et al., 2010; Zeng et al., 2010). Ce désassemblage du complexe SUFU/Gli implique également la protéine Kif7, car celle-ci se localise dans le cil en présence de Shh (Endoh-Yamagami et al., 2009). Une fois libéré de son interaction avec SUFU, le facteur de transcription Gli-FL entre dans le noyau où il est converti en Gli-Act afin de réguler l’expression des gènes cibles de la voie Shh (Tukachinsky et al., 2010). La translocation nucléaire de Gli-FL requiert un transport rétrograde car l’élimination de la Dynéine2 par shARN empêche la localisation nucléaire de Gli-FL et par conséquent l’activation de la voie (Kim et al., 2009). Etant donné que la présence de Gli-FL dans le noyau est dépendante de son transport via des protéines motrices, il est logique que dans des cellules traitées avec des drogues qui déstabilisent les microtubules cytoplasmiques, Gli-FL s’accumule dans le cytoplasme (Kim et al., 2009). De manière intéressante, le modèle de la dissociation du complexe SUFU/Gli en présence de Shh vient d’être un peu bousculé par le papier de Zhang et al., 2017 qui révèle que SUFU reste associé à la protéine Gli mais transloqué avec elle dans le noyau. En effet, ils ont montré que la présence de Shh induit une accumulation de SUFU nucléaire. Cette accumulation de SUFU est dépendante de sa phosphorylation par les kinases PKA et GSK3, confirmant le rôle positif qui avait été attribué à la PKA par Milenkovic et al., 2009, et montrant encore une fois la dualité de fonction de chaque kinase de la voie Shh. De plus, par des expériences de liaison à la chromatine, ils ont prouvé l’existence des complexes SUFU/Gli1 et SUFU/Gli3 à l’ADN. Des analyses complémentaires leur ont permis d’attribuer un rôle de chaperonne à la protéine SUFU qui va en présence de Shh, transporter le Gli-Act, déjà activé dans le cytoplasme, au niveau du noyau, et faire sortir le Gli-Rep hors du noyau. Ainsi, d’après les auteurs, SUFU permettrait de faire transiter les protéines Gli-FL à travers le cil pour former les formes activatrices, Gli- Act. Ceci est différent du modèle de dissociation dans lequel l’activation des protéines Gli se fait dans le noyau. De plus, cette étude montre une divergence forte entre les vertébrés, où SUFU a une fonction majeure dans la signalisation Shh, et la drosophile, chez qui SUFU a un rôle secondaire.

Quel que soit la façon dont Gli-FL entre dans le noyau, seule ou avec SUFU, Gli doit être maturé en activateur. Comme je l’ai dit plus haut, le mécanisme de formation des formes activatrices de Gli n’est pas documenté, néanmoins il est probable que des kinases soient impliquées, car des formes phosphorylées de Gli1, Gli2 et Gli3 sont détectées dans le noyau en présence de Shh (Humke et al ; 2010 ; Maloverjan et al., 2009). Une partie de ces phosphorylations est due à ULK3. Des essais kinases in vitro ont montré que les protéines Gli

sont phosphorylées en présence de cette kinase ULK3, entrainant l’activation des protéines Gli (visible par des expériences de mesure d’activité transcriptionnelle), suggérant que les phosphorylations pourraient être responsables de la formation des Gli activateurs. ULK3 semble agir davantage sur Gli1 que Gli2 et Gli3, et induit notamment la translocation nucléaire de Gli1 de façon dépendante de son activité kinase (Maloverjan et al., 2009). Ainsi la phosphorylation sur Gli1 semble être activatrice. En ce qui concerne les phosphorylations sur Gli2 et Gl3, que ce soit par ULK3 ou d’autres kinases, elles pourraient plutôt entrainer leur dégradation que leur activation. En effet, SPOP (« Speckle-type POZ protein ») protéine impliquée dans la dégradation de Gli-Act, a été retrouvée dans le noyau en présence de Shh (Wang et al., 2010 ; Humke et al., 2010). De plus, il est à noter que dans le mécanisme d’activation, Gli3 joue un rôle mineur, puisque des mutants « perte de fonction » de gli3 affichent un phénotype d’activation ectopique de la voie Shh, suggérant une fonction principalement répressive de Gli3 (Büscher et al., 1997). Cependant Gli 3 a été montré comme pouvant activer la transcription de Gli1, justifiant le fait que Gli3 puisse agir à la fois comme répresseur et activateur de la voie Shh. Néanmoins, Gli2 et Gli1 semblent être les acteurs majeurs du mécanisme d’activation. D’ailleurs, une autre modification post- traductionnelle, impliquée dans l’activation de la voie Shh, n’a été identifiée que sur Gli1 et Gli2, il s’agit de l’acétylation. Canettieri et al., en 2010 ont montré que les protéines Gli1 et Gli2 sont acétylées, et que la présence de Shh induit leur déacétylation par l’histone déacétylase 1 (HDAC1) associée à une augmentation de leur activité transcriptionnelle. Récemment, la β-arrestin1 a été identifiée comme étant responsable de l’acétylation de Gli1, acétylation qui inhibe l’activité transcriptionnelle de Gli1 (Miele et al., 2017). Tout comme Gli3, Gli 2 régule l’activité transcriptionnelle de Gli1 (Sasaki et al., 1999) et entre Gli1 et Gli2, il semblerait que Gli2 soit le principal activateur de la voie, car des souris déficientes pour le gène gli2 affichent des défauts développementaux plus importants que des souris mutantes pour gli1 (Ding et al., 1998; Park et al., 2000). Les différentes formes activatrices de Gli permettent la transcription des gènes cibles impliqués dans la différentiation et la prolifération cellulaire, mais également dans le renouvellement des cellules souches. Tous ces processus biologiques sont notamment importants pour l’homéostasie et la réparation tissulaire (chapitre 1). De plus, Gli-Act peut aussi induire l’expression de régulateurs négatifs comme ptch afin de contrôler l’activation de la voie Shh (Fig. 33, à droite).

Durant ce chapitre, j’ai décrit la voie canonique de Shh en m’efforçant de montrer la conservation du mécanisme de transduction au cours de l’évolution, entre la drosophile et les vertébrés. Même si chez les vertébrés, le signal Shh implique plus de protéines, la fonction de chacune des protéines est similaire à celle de son homologue chez la drosophile (Tableau 1).

Tableau 1 : Tableau comparatif des protéines de la voie Hh/Shh chez la drosophile et chez les vertébrés