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2.2 Les cellules réceptrices

2.2.4 Le(s) complexe(s) de signalisation

2.2.4.5 La formation du Ci-Activateur par le complexe Fu/Cos2

2.2.4.5.1 Le complexe activateur Fu/Cos2

La première étape du mécanisme d’activation est la phosphorylation de Smo par la kinase PKA. Comme je l’ai mentionné dans le paragraphe traitant de la régulation de la formation du Ci-Rep, la PKA se caractérise par une dualité de fonction dans la transduction du signal Hh. En absence d’Hh, elle permet la formation du Ci-Rep alors qu’en présence d’Hh elle permet l’activation de Smo. De ce fait, un mécanisme doit exister pour que la PKA choisisse le bon substrat en fonction du signal Hh.

Dans mon laboratoire, Ranieri et al., 2014 ont montré que la présence d’Hh provoque une relocalisation de la PKA de Ci vers Smo au sein du complexe de transduction. De manière intéressante, ils ont d’abord montré que la phosphorylation de Smo par la PKA est dépendante de la présence des protéines Fu et Cos2. En effet, dans des mutants pour l’une ou l’autre de ces protéines, la phosphorylation de Smo (détectée par un anticorps phospho- spécifique) est abolie. Des expériences, in vivo et in vitro, leur ont permis de monter une

association constitutive de la PKA avec le complexe Fu/Cos2, qui est indépendante du signal Hh. Au sein de ce complexe, il semblerait que ce soit la protéine Fu qui apporte la PKA à proximité de Smo et non Cos2. En effet, la PKA n’est plus associée à Cos2 dans des mutants Fu alors qu’elle reste associée à Fu dans des mutants cos2. De plus, cette association entre Fu et PKA est indépendante de l’activité kinase de Fu, indiquant un rôle structural de la protéine Fu, rôle que j’ai déjà évoqué dans le chapitre précédent sur la formation du Ci-Rep et qui a été confirmé par des expériences de cette étude. En effet, la formation du Ci-Rep est abolie dans les mutants « perte de fonction » de fu ou cos2 alors qu’elle n’est pas affectée dans des mutants fu1, mutants qui n’ont plus d’activité catalytique. Ainsi, ces résultats

montrent que le complexe Fu/Cos2 permet de réguler la phosphorylation de Ci et Smo par la PKA, et également que la présence de Fu, mais pas son activité, est nécessaire pour rapprocher la PKA de ces substrats, lesquels sont associés à Cos2.

Afin de démontrer que le déplacement de la PKA de Ci vers Smo a lieu au sein du même complexe, et qu’il ne s’agit pas de deux complexes différents, comme le papier de Li et al., 2014 le suggère, les auteurs ont immunoprécipité Smo et analysé la présence de Ci et de la PKA. Sachant que Ci n’interagit pas directement avec Smo, la présence simultanée de Ci et de la PKA dans les immunoprécipitats de Smo, et le fait que la protéine Ci ne soit pas phosphorylée par la PKA malgré sa présence, confirme que Smo bloque l’accès de la PKA à l’un de ses substrats Ci. En utilisant la technique de complémentation par fluorescence bimoléculaire (BIFC : « Bimolecular fluorescence complementation ») qui permet de visualiser la proximité entre deux protéines, ils ont pu démontrer qu’en absence d’Hh, la PKA s’associe avec Ci alors qu’en présence d’Hh cette association est diminuée au profit de l’interaction entre PKA et Smo. Ce changement d’association peut s’expliquer par le fait que la PKA a une plus grande affinité pour Smo que pour Ci. De plus, cette augmentation de l’interaction PKA/Smo est corrélée avec une diminution de l’interaction PKA/Ci. L’ensemble de ces résultats a permis aux auteurs de proposer un modèle dans lequel la PKA est constamment présente et active au sein du complexe de transduction. Le signal Hh induit une relocalisation de la PKA de Ci à Smo et cette relocalisation constitue la première étape du mécanisme d’activation de la voie Hh. De ce fait, la présence de Smo au sein du complexe Fu/Cos2 permet de qualifier le complexe d’activateur.

Comme je l’ai dit dans la partie réservée à Smo, la présence d’Hh induit la phosphorylation de Smo par de nombreuses kinases. Plus la quantité d’Hh est importante, plus Smo est phosphorylée. Le complexe de transduction doit garder cette information de phosphorylation différentielle reçue par Smo à la membrane plasmique et la retranscrire au Ci-Act, qui va alors activer les gènes cibles dans le noyau en fonction des doses d’Hh perçues par la cellule. Claret et al., en 2007 ont mis en évidence une boucle de rétro-contrôle entre Smo/Fu qui est requise pour les hauts niveaux d’activation de la voie Hh. Dans leur étude, Ils ont montré qu’en présence d’Hh, Smo induit la relocalisation de Fu à la membrane plasmique, relocalisation qui permet probablement d’activer la kinase Fu. En effet, l’expression d’une forme de Fu ancrée à la membrane (Gap-Fu) conduit à une activation ectopique de la voie Hh, suggérant que la localisation membranaire de Fu contrôle son

activité. Une fois à la membrane, Fu augmente la stabilisation et la phosphorylation de Smo, aboutissant à la forme hyper-phosphosphorylée de Smo qui contrôle l’expression des gènes activés à hauts niveaux d’Hh (Fan et al., 2012; Su et al., 2012). Cependant, dans ce papier, les auteurs n’ont pas pu déterminer si l’augmentation de la phosphorylation de Smo observée en présence de Fu était due à l’action directe de Fu sur Smo.

Récemment, ces mêmes chercheurs ont publié des résultats qui affinent leur précédente étude en identifiant les sites de phosphorylation de Fu sur Smo (Sanial et al., 2017). En effet, quatre groupes de Sérine/thréonine (Ct) situés dans la partie C-terminale de Smo entre les positions 916 et 1036 sont phosphorylés par Fu. La phosphorylation de ces sites est nécessaire pour obtenir la forme hyper-phosphorylée de Smo, ainsi que l’expression des gènes cibles activés à hauts niveaux d’Hh, confirmant ainsi leur étude de 2007. Cette boucle de rétro-contrôle positive de Fu sur Smo apporte une complexité supplémentaire à la régulation de cette dernière, puisque Fu vient s’ajouter aux nombreuses kinases qui phosphorylent déjà Smo. Les auteurs expliquent le rôle de Smo et Fu sur l’activation des hauts signaux d’Hh dans un modèle que je décrierai plus en détail dans la partie discussion de ce manuscrit. D’après eux, l’activation de Fu se fait en plusieurs étapes, étapes qui sont corrélées à l’activation différentielle de Smo. Ainsi, la transmission des différentes doses d’Hh est communiquée au complexe de transduction via la relation entre Fu et Smo.

La protéine Fu a un rôle majeur dans la transduction du signal Hh. En absence d’Hh, elle agit comme une protéine d’échafaudage afin de rapprocher Ci de la PKA alors qu’en présence d’Hh, son activité kinase est essentielle à l’activation des gènes cibles de la voie Hh (Fukumoto et al., 2001). En effet, dans les mutants fu dépourvus d’activité catalytique (fu1),

Ci-155 est stabilisé, mais les gènes cibles activés à hauts niveaux d’Hh ne s’expriment pas (Alves et al.,1998). Cette donnée importante suggère que l’activité kinase de Fu est requise dans la fonction du Ci-Act, et cet aspect sera débattu plus tard.

Pour mieux comprendre l’activation de Fu, je vais revenir sur sa structure. Fu est constituée d’un domaine catalytique en N-terminal et un domaine régulateur en C-terminal (Fig.28). C’est par son domaine régulateur que Fu interagit avec de nombreuses protéines du complexe de transduction : Cos2 (Robbins et al., 1997 ; Sisson et al.,1997) ; Smo (Malpel et al., 2007) ; Sufu (Monnier et al., 1998) ; PKA (Ranieri et al.,2014) et même avec son domaine catalytique, formant ainsi une boucle intramoléculaire (Ascano et Robbins, 2004). D’ailleurs, Ascano et Robbins ont proposé un modèle de changement de conformation dans la structure de la kinase Fu pour expliquer comment s’effectue son activation. En absence d’Hh, le domaine catalytique et le domaine régulateur interagissent entrainant une conformation dite « fermée » de Fu qui est alors inactive et donc incapable de phosphoryler ses substrats. La présence d’Hh induit l’ouverture de cette conformation, permettant l’activation de la kinase Fu (Fig. 33).

Fig. 33 : Le modèle d’activation de la kinase Fu

En absence d’Hh, le domaine catalytique (Cat) interagit avec le domaine régulateur (Reg) de Fu, aboutissant à une conformation « fermée » de la protéine Fu. Cette conformation est inactive, mais essentielle pour agir comme plateforme avec Cos2 afin d’induire la formation du Ci-Rep. La présence d’Hh entraine l’ouverture de cette conformation, probablement par des phosphorylations dues à CK1 ou à Fu elle-même. Une fois activée, Fu peut phosphoryler ces substrats comme Cos2, mais également induire la formation du Ci-Act par un mécanisme encore inconnu.

Hh pourrait entrainer l’ouverture de la structure de Fu en induisant de nombreuses phosphorylations notamment sur les thréonines 151, 154 et 159 localisées dans la boucle d’activation du domaine catalytique de Fu, mais également sur des résidus situés dans le domaine régulateur (S482, S485, T486) (Zhou et Kalderon, 2011). Ces phosphorylations peuvent être dues à la kinase Fu elle-même, les résidus en position 159 et 482 ont été identifiés comme étant des sites d’autophosphorylation de la kinase Fu, mais également à la kinase CK1 qui viendrait phosphoryler les sérines et thréonines 151, 154, 485 et 486 après que Fu ait été pré-phosphorylée. L’activation de la kinase Fu nécessite son interaction avec le complexe Smo/Cos2. En effet, l’activation ectopique induite par l’expression d’une forme hyper phosphorylée de Smo est perdue dans le double mutant pour Smo et Cos2 (Zhou et Kalderon. 2011). De manière intéressante, l’addition de Gap-Fu (Fu constitutivement activée et localisée à la membrane plasmique) restaure l’expression d’En. Ainsi Cos2 est requis pour permettre à Smo d’activer Fu, probablement en entrainant l’agrégation de Fu à la membrane plasmique qui va alors pouvoir s’activer par autophosphorylation. Cette idée a été validée par Shi et al., 2011 qui ont montré qu’Hh promeut la dimérisation de Fu de façon dépendante de Cos2 par des expériences de FRET. En forçant la dimérisation de Fu, ils ont obtenu une kinase constamment phosphorylée et activée, démontrant que la dimérisation de Fu est suffisante pour induire son activation. Ces expériences démontrent également que Cos2, comme la plupart des protéines de la voie Hh, peut agir comme un régulateur négatif ou positif en fonction du signal Hh. En absence d’Hh, Cos2 favorise la formation de Ci-Rep alors qu’en présence d’Hh elle permet l’activation de la kinase Fu et de Ci.

Une fois activée, Fu phosphoryle ses substrats dont la protéine Cos2 (Liu et al., 2007; Nybakken et al., 2002; Ruel et al., 2007). La phosphorylation de Cos2 par Fu se fait sur deux sérines : la sérine en position 572 et la sérine en position 931 (Nybakken et al., 2002 ; Fig.27). Dans mon laboratoire, Ranieri et al., ont généré des anticorps spécifiques de ces deux sérines afin d’étudier la fonction de ces résidus dans l’activation de Ci. Les auteurs ont montré que les phosphorylations sur ces sérines traduisent un état d’activation différentielle du complexe de transduction, permettant la formation d’une forme activatrice de Ci, adaptée à la dose d’Hh perçue. En effet, l’analyse des formes phosphorylées de Cos2 indique

que le gradient de Ci-155 est similaire au signal détecté par l’anticorps dirigé contre la sérine 572 alors le profil d’activation de la sérine 931 coïncide avec celui du Ci-Act. De plus, dans le mutant gprk2, protéine nécessaire à l’activation des gènes cibles à hauts niveaux en favorisant la conformation hyper-active de Smo (2.2.3.2.3), la phosphorylation de la sérine 931 est perdue alors que celle sur la sérine 572 n’est pas affectée. Ces résultats montrent que l’activation différentielle de Smo, corrélée à différentes étapes d’activation de Fu, (Sanial et al.,2017) est révélée au sein du complexe de transduction par la phosphorylation différentielle des sérines 572 et 931 (Ranieri et al., 2012).

L’étude de Sanial et al., 2017, ainsi que les publications de Ranieri et al., 2012 et Chen et al., 2010, ont permis d’élaborer un modèle dans lequel l’existence et la formation séquentielle de deux complexes de transduction permettent de transmettre un signal adapté aux doses d’Hh perçues par la cellule. A des niveaux intermédiaires d’Hh, Smo est phosphorylée par la PKA et CK1, aboutissant à une conformation active de Smo par l’ouverture de sa queue cytoplasmique et sa dimérisation (Zhao et al., 2007). Cette conformation de Smo permet d’activer Fu à un premier niveau qui est suffisant pour phosphoryler Cos2 sur la sérine 572 et aboutir à la formation du Ci-155. A des forts niveaux d’Hh, GprK2 induit l’hyper-phosphorylation de Smo qui va alors renforcer la dimérisation des extrémités C-terminales de Smo, aboutissant à la conformation hyper-active de Smo (Chen et al., 2010). Fu sera alors activée à un second niveau dans un complexe qualifié d’hyper- actif, où Cos2 est phosphorylée sur les sérines 572 et 931, qui est responsable de la formation du Ci-Act (Fig. 34). Cependant, une étude récente de Zadorozny et al., 2015 a montré que la phosphorylation de Cos2 par Fu sur les deux sérines, n’est pas requise pour la formation du Ci-155 et du Ci-Act due à l’activité de Fu en présence d’Hh. Ceci suggère que ces sites sont plus des rapporteurs de l’état d’activation de la kinase Fu que des effecteurs du mécanisme d’activation.

Fig. 34 : Le complexe Fu/Cos2 est activé de façon différentielle selon les niveaux d’Hh

En absence d’Hh, la PKA phosphoryle Ci, conduisant à la formation du Ci-Rep. En présence de faibles doses d’Hh, les kinases PKA et CK1 (CK1 n’est pas représenté ici pour faciliter la représentation graphique) phosphorylent Smo, entrainant l’ouverture de sa queue cytoplasmique. Cette conformation active de Smo induit un premier état d’activation de la kinase Fu qui va alors, d’une part phosphoryler Cos2 sur la sérine 572, et d’autre part conduire à l’activation partielle du Ci-155, probablement en permettant sa libération du complexe Fu/Cos2. A de fortes concentrations d’Hh, GprK2 phosphoryle Smo, renforçant ainsi la dimérisation des queues cytoplasmiques et aboutissant à une conformation hyper active de Smo. Dans cet état, Smo est responsable d’un second niveau d’activation de la kinase Fu. Fu phosphoryle alors Cos2 sur la sérine 931, et induit la formation du Ci- Act par un mécanisme qui reste à découvrir. En fonction des quantités d’Hh dans les cellules, ces deux complexes peuvent cohabiter, cela permet d’ailleurs une régulation plus fine des gènes cibles de la voie (Adaptée à partir de l’HDR de Laurent Ruel).

2.2.4.5.2 La régulation de la formation des formes activatrices de Ci : Ci-155 et Ci-