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L’activation de la kinase Fused : une histoire de conformation ?

En 2004, Ascano et Robbins ont présenté un modèle innovant afin d’expliquer l’activation de la kinase Fu. Selon les auteurs, en absence d’Hh, le domaine régulateur interagit avec le domaine catalytique de Fu, induisant une conformation fermée et inactive de la kinase. La présence d’Hh serait responsable de la dissociation de l’interaction entre les deux domaines de Fu, libérant le site catalytique de Fu et permettant ainsi son activation (Fig. 33). Dans un premier temps, nous avons testé ce modèle en réalisant des expériences d’immunoprécipitation entre les deux régions de Fu. Nous avons pu visualiser une interaction entre la partie catalytique et la partie régulatrice de Fu, mais malheureusement nous n’avons pas révelé de variation de cette association sous l’effet d’Hh. Sachant que nous voulons montrer des remaniements intra-moléculaires, il est probable que la technique d’immunoprécipitation ne soit pas adaptée à ce genre d’analyse.

De manière surprenante, nous avons observé que l’association du domaine catalytique de Fu avec son domaine régulateur conduit à une kinase active capable de phosphoryler la protéine Cos2 (manuscrit ; Fig.7c). En revanche, la perte du domaine régulateur, ou une délétion du site de fixation du domaine catalytique dans le domaine régulateur conduisent à la perte de la phosphorylation de Cos2 (manuscrit ; Suppl. Fig. 7a et b). Ce résultat suggère que l’une des fonctions du domaine régulateur pourrait être de rapprocher le domaine catalytique de Fu des substrats à phosphoryler. Afin de tester cette hypothèse, nous avons utilisé la technique de BiFC dans le but de visualiser les différentes conformations qui ont lieu entre les domaines catalytique et régulateur de Fu, et de

déterminer l’effet de ces changements sur la phosphorylation de Cos2 en fonction du signal Hh. Sachant que Gprk2 intervient dans l’activation différentielle de la kinase Fu, nous avons décidé de mimer les différents niveaux d’Hh en utilisant soit une forme mutante de Gprk2 dépourvue d’activité kinase, représentative des faibles doses d’Hh, soit une forme sauvage de Gprk2, caractéristique des hautes concentrations d’Hh. Ceci nous a permis d’une part, de mesurer l’importance de GprK2 dans ces changements de conformation, et d’autre part, de déterminer son impact sur la phosphorylation de Cos2.

Pour cela, nous avons placé le premier fluorochrome en N-terminal du domaine catalytique de Fu, et le second à l’extrémité C-terminale de Cos2, et analysé l’intensité du signal YFP en présence du domaine régulateur et des différentes formes de Gprk2 (manuscrit ; Fig. 7d). De manière intéressante, un signal YFP est quantifiable en présence d’Hh, caractéristique d’une interaction ou d’une proximité entre le domaine catalytique de Fu et son substrat Cos2. Ceci semble être corrélé avec la phosphorylation de Cos2 sur la sérine 572. De plus, la présence d’une Gprk2 sauvage augmente cette proximité et conduit à la phosphorylation de Cos2 sur la sérine 931, suggérant un rapprochement renforcé ou une ouverture du domaine catalytique vers son substrat Cos2 (manuscrit ; Fig. 7e). Ce résultat semble confirmer, en partie, l’hypothèse d’Ascano et Robbins émise en 2004, et indique qu’une fois encore, Hh induit des changements structurels des protéines appartenant au complexe de transduction. Néanmoins, comme je l’ai évoqué dans le paragraphe traitant du rôle de Smo dans l’activation différentielle de Smo, nous pensons qu’il existe au moins deux états d’activation de Fu qui pourraient être expliqués par des conformations différentes de la protéine Fu (Fig. 48). Actuellement, nous avons mis en évidence ces 2 états de conformation grâce à des expériences de BiFC entre le domaine catalytique et Cos2, alors que la technique d’immunoprécipitation, ne nous a pas permis de visualiser des changements d’interaction entre les domaines régulateur et catalytique de Fu. Des expériences complémentaires, menées à l’aide d’autre technique à l’instar du FRET, pourront permettre d’affiner ces différents états d’activation de Fu.

Une autre question reste en suspens, comment Hh induit l’ouverture de Fu ? Dans leur papier de 2011, Zhou et Kalderon ont montré qu’Hh entraine de nombreuses phosphorylations sur la protéine Fu, causées soit par la kinase Fu elle-même, soit par la kinase CK1. Cependant, selon les auteurs, il n’existe pas d’interaction intra-moléculaire entre les deux domaines d’une protéine Fu, mais il s’agit d’une association entre le domaine catalytique d’une molécule de Fu et le domaine régulateur d’une autre molécule de Fu. Cette association permet des phosphorylations croisées sous l’effet d’Hh, et ainsi l’activation de la kinase Fu. Dans ce raisonnement, Il est évident que Fu ne peut s’auto-phosphoryler qu’après avoir été activée, probablement par les phosphorylations de la CK1. Nous sommes d’accord avec le fait que des phosphorylations initiées par le signal Hh puissent activer Fu, mais nous pensons que l’interaction se fait entre les deux domaines d’une même protéine Fu et non pas entre des domaines de deux molécules de Fu différentes. Un argument en faveur de cette hypothèse est qu’une protéine Fu inactive (Fu-KD) n’est jamais phosphorylée par une Fu-WT (donnée non montrée). L’analyse par FRET ou BiFC de la structure de formes

de Fu dont l’activité kinase a été soit éliminée (Fu-KD), soit rendue constitutivement active (Fu-EE) pourrait s’avérer nécessaire pour prouver notre modèle.

L’ensemble de nos données suggère que le signal Hh induit des changements de conformation à l’intérieur de la protéine Fu afin de rapprocher le domaine catalytique de Fu de ses substrats qui sont associés au domaine régulateur.

Dans ce chapitre, j’ai tenté d’apporter des arguments afin d’illustrer un modèle expliquant comment Hh, via son action sur les protéines Smo et Gprk2, permet l’activation différentielle de la kinase Fu (Fig. 48). Ces états d’activation de la kinase Fu en fonction de la quantité d’Hh sont probablement causés par des interactions avec différentes protéines et également des phosphorylations de la kinase Fu. L’addition de ces deux processus induit des changements de conformation de la structure de Fu, afin de libérer progressivement le site catalytique de la kinase, et de permettre ainsi les phosphorylations différentielles de Cos2 et probablement celles de Ci (Chapitre 3 de la discussion) pour obtenir une activation des gènes cibles de la voie adaptée aux doses d’Hh perçues par la cellule.

Dans le chapitre suivant, je me suis intéressée au rôle de la protéine Fu en absence d’Hh dans le complexe répresseur, et en présence d’Hh au sein du complexe activateur, dans lequel l’activité kinase Fu est essentielle pour permettre la formation du Ci-Activateur.

Chapitre 2 : La transition d’un complexe répresseur en absence d’Hh à un

complexe activateur en présence d’Hh

Dans la signalisation Hh, le complexe de transduction joue un rôle décisif dans la répression, en absence d’Hh, ou l’activation, en présence d’Hh, des gènes cibles de la voie. La composition de ce complexe est sensiblement identique, si ce n’est l’insertion de Smo en présence d’Hh. C’est d’ailleurs la protéine Smo qui est l’initiateur des changements de conformation intra-moléculaire mais aussi inter-moléculaire qui permettent d’aboutir à l’activation du signal. En effet, dans les cellules réceptrices, Hh permet la stabilisation de Smo, qui va alors entrer et remporter la compétition contre Ci pour la liaison à la PKA, entrainant une relocalisation de la PKA au sein du complexe de transduction (Ranieri et al., 2014). En fonction des quantités d’Hh perçues, Smo adopte des conformations plus ou moins actives afin de transmettre l’information de concentrations différentielles d’Hh à la kinase Fu, par les mécanismes évoqués plus haut. L’observation de tels changements de conformation entre des protéines appartenant à un même complexe, nous a amenés à nous demander si la présence d’Hh pouvait induire des processus similaires plus en aval dans la voie qui pourraient expliquer la formation du Ci en activateur.

Une façon de répondre à cette problématique est d’analyser les différences structurales entre le complexe répresseur et le complexe activateur. Les données apportées par la littérature, ainsi que nos résultats indiquent qu’en absence d’Hh, le complexe de transduction se compose des protéines PKA, Fu, Cos2, Gprk2, Ci. Au sein de ce complexe répresseur, Ranieri et al., 2014 ont montré que Fu rapproche la PKA de son substrat Ci qui est lié à la kinésine Cos2. Les résultats de cette publication indiquent que la maturation du Ci-Rep nécessite la présence de la protéine Fu, protéine dont l’activité kinase est cruciale dans le mécanisme d’activation (Alves et al., 1998). Ainsi, Fu exerce une fonction à la fois en absence et en présence d’Hh, suggérant que Fu pourrait avoir un rôle majeur dans le passage d’un complexe répresseur à un complexe activateur.

Pour étudier comment Fu, en plus des protéines PKA et Smo, participe aux changements de conformation qui permettent de différencier les complexes de transduction en fonction du signal Hh, nous avons analysé l’importance de l’état d’activation de Fu en absence ou en présence d’Hh. Nous avons démontré que la présence d’Hh active Fu, entrainant une augmentation de la phosphorylation de Ci qui est associée à l’activation des gènes cibles de la voie Hh in vivo. En plus de la relocalisation de la PKA de Ci vers Smo, nous avons révélé qu’Hh induit un nouveau changement de conformation au sein du complexe de transduction. En effet, en présence d’Hh, Fu se déplace du domaine C-terminal au domaine N-terminal de Ci, dans lequel nous avons pu identifier des sites putatifs de phosphorylation de Fu. Des expériences de co-immunoprécipitation et de BiFC in vitro et in vivo, nous ont permis de mieux caractériser les différences d’interactions entres les protéines du complexe en absence ou présence d’Hh. Ainsi un complexe répresseur est caractérisé par les interactions de la PKA et Fu avec la partie C-terminale de Ci, alors que l’association entre la

PKA et Smo ainsi que l’interaction entre Fu et la région N-terminale de Ci sont représentatives d’un complexe activateur.

Notre étude, qui devra être poursuivie par des expériences complémentaires et qui va être discutée dans le chapitre suivant, suggère un rôle majeur de l’axe PKA/Smo/Fu dans la transition d’un complexe répresseur, en absence d’Hh, à un complexe activateur en présence d’Hh.

2.1 Fu exerce une fonction indépendante de son activité kinase afin de réguler