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2.1 Les cellules productrices

2.1.2 Le mouvement d’Hh

Après sa maturation et sécrétion à partir des cellules productrices, Hh doit circuler à travers l’espace extracellulaire afin de réaliser son action morphogénétique au niveau des cellules réceptrices. Etant donné qu’Hh est capable d’activer soit des gènes à courtes distances (ptc, en) soit des gènes à longue distance (dpp, iro), son mouvement est probablement régi par plusieurs procédés. Hh peut agir par simple diffusion en coopérant avec des protéines de la matrice extracellulaire : les protéoglycanes à sulfate d’héparane (HSPGs :« Heparan Sulfate Proteoglycans »), Shifted (Shf), et la glycoprotéine Scube2 (« Signal peptide, CUB domain and EGF like domain containing 2 »). Hh peut également être transporté par divers véhicules (exovésicules, cytonèmes, lipoprotéines). Ces différents modes de diffusion seront évoqués dans le chapitre suivant.

2.1.2.1 La matrice extracellulaire et le mouvement d’Hh

De manière intéressante, il a été montré que Hh diffuse soit sous forme monomérique, responsable de son action à courte distance, ou bien sous forme de multimères, forme favorisant l’activation des gènes à longue distance, probablement en dissimulant les modifications lipidiques (Vincent, 2008; Vyas et al., 2008) (Fig. 15). Quel que soit son état (monomère ou multimère), des protéines de la matrice extracellulaire vont participer à la diffusion d’Hh.

Les HSPGs sont des macromolécules présentes à la surface cellulaire qui sont composées d’un corps protéique auquel est lié un GAG (« Glycosaminoglycan »), c’est-à-dire une chaine polysaccharidique, de type sulfate d’héparane. La liaison du GAG est permise par trois enzymes chez la drosophile : tout velu (ttv), sister of tout velu (ttv) et brother of tout

velu (botv). Des clones « perte de fonction » de ttv dans l’antérieur du disque empêche la

diffusion d’Hh, indiquant que les HSPGs sont nécessaires au mouvement d’Hh (Bellaiche et al., 1998). Les HSPGs sont classées en trois familles en fonction de la structure de leurs corps protéiques, dans lesquelles les glypicanes ont le corps protéique attaché à la membrane

plasmique par un glycolipide de type glycosylphosphatidylinositol (GPI :

« glycosylphosphatidylinositol anchor ») (Bernfield et al., 1999; Esko et Selleck, 2002). Chez la drosophile, deux glypicanes ont été identifiés comme jouant un rôle dans la voie de signalisation Hh : Dally (Nakato et al., 1995) and Dally like (Dlp ; Khare et Baumgartner, 2000). Dans des clones doubles mutants dally et Dlp situés dans le compartiment postérieur, la voie de signalisation Hh est bloquée (Han et al., 2004), alors que l’activation des gènes cibles à longue distance n’est pas affectée par l’absence de Dlp (Gallet et al., 2008). Ces expériences suggèrent des rôles distincts de ces deux glypicanes. Dally est essentiel pour la sécrétion et la diffusion d’Hh, puisqu’il est nécessaire à l’activation des gènes cibles à longue

distance (Ayers et al., 2010) alors que Dlp semble être plus important pour la réception (Desbordes et Sanson, 2003) où il agirait comme co-récepteur pour faciliter l’interaction entre Hh et son récepteur, Ptc (Lum et al., 2003) (Fig. 15). Le rôle de Dlp est décrit dans le paragraphe 2.2.2.2.

Une autre protéine de la matrice extracellulaire, appelée Shifted (sft), a été montrée comme importante dans la stabilisation et le mouvement d’Hh. Des mutations « perte de fonction » pour ce gène entrainent une diminution de l’activation des gènes cibles d’Hh (Glise et al., 2005). Ce même groupe a montré que Sft est capable d’interagir non seulement avec Hh, permettant sa stabilisation, mais également avec la HSPG Dlp (Gorfinkiel et al., 2005). Mais la fonction précise de Sft dans ces interactions reste à définir.

La protéine Scube2, que j’ai déjà décrite dans la partie sécrétion, a aussi été impliquée dans la diffusion d’Hh. En effet, des analyses épistatiques placent Scube2 en amont de Ptc, suggérant un rôle de Scube2 dans le transport ou la stabilité d’Hh dans l’espace extracellulaire (Hollway et al., 2006; Woods et Talbot, 2005).

2.1.2.2 Les transporteurs impliqués dans le mouvement d’Hh

En plus de sa diffusion, via les protéines évoquées plus haut, Hh peut se mouvoir dans l’espace extracellulaire, véhiculé par différents transporteurs (lipoprotéines, exovésicules et cytonèmes).

Les lipoprotéines sont des complexes macromoléculaires composés d’un corps lipidique qui est entouré par une couche de phospholipides, cholestérols et apolipoprotéines (Bolanos-Garcia et Miguel, 2003). Des expériences de colocalisation (Panáková et al., 2005) ainsi que des expériences de centrifugation par gradient de densité (Eugster et al., 2007) ont montré que Hh est associé et transporté au sein de particules de lipoprotéines, dont un des constituants est la lipophorine. Dans les mutants pour la lipophorine, l’expression des gènes cibles activés à longue distance est affectée alors que l’activation des gènes cibles à courte distance est inchangée, suggérant un rôle de de ces particules dans le transport d’Hh loin de la frontière A/P.

Le morphogène Hh a aussi été montré comme pouvant voyager à la surface d’exovésicules chez la drosophile (Gradilla et al., 2014; Matusek et al., 2014) et chez les vertébrés (Vyas et al., 2014). Les exovésicules sont de petites vésicules, de 30 à 200nm, sécrétées dans l’espace extracellulaire. Elles sont produites par un complexe multiprotéique, nommé ESCRT (« Endosomal sorting complexes required for transport »). Des expériences indiquent que la déplétion de ce complexe affecte seulement les gènes à longue distance (Matusek et al., 2014) alors que d’autres études montrent que le complexe ESCRT est nécessaire à la fois pour l’expression des cibles d’Hh à longue distance mais également à courte distance (Gradilla et al., 2014). Des études complémentaires sont réalisées actuellement au laboratoire afin de mieux définir le rôle des ESCRT dans la sécrétion, la diffusion d’Hh et son impact sur la signalisation.

Un autre moyen de transporter Hh des cellules productrices aux cellules receveuses a été récemment reporté, il s’agit des cytonèmes (Bischoff et al., 2013). Les cytonèmes sont de longues et fines extensions cytoplasmiques composées d’actines (Ramírez-Weber et Kornberg, 1999). Afin de montrer leur rôle dans l’établissement du gradient d’Hh, l’équipe de Bischoff a déplété les cytonèmes en utilisant des ARNi dirigés contre les protéines de liaisons à l’actine, protéines impliquées dans la croissance des cytonèmes. Sans ces longues extensions cytoplasmiques, le gradient d’activité d’Hh est perturbé. Le problème de cette expérience est que la déplétion de l’actine, peut affecter d’autres mécanismes biologiques étant donné les effets pléiotropiques de cette protéine. Ainsi le rôle des cytonèmes dans l’établissement du gradient d’Hh reste encore à confirmer. Il en est de même sur le transport d’Hh via ces structures. En effet, Hh a été montré comme pouvant voyager à l’intérieur des cytonèmes de différentes façons : sous sa forme mature (HhNp ;Callejo et al., 2011) ou bien dans des exovésicules (Gradilla et al., 2014). Cependant, la plupart de ces expériences ont été réalisées en stabilisant les cytonèmes par surexpression de protéines comme la protéine Ihog, ce qui n’exclut pas des artefacts d’expérimentation. Pour pleinement comprendre le rôle des cytonèmes à la fois dans l’établissement du gradient et le transport d’Hh, il serait nécessaire de visualiser et d’inactiver les cytonèmes endogènes afin de mesurer l’importance de ces structures dans l’activation de la voie. Une telle approche est en cours de développement dans le laboratoire par Caterina Novelli.

Fig. 15 : Le mouvement d’Hh

Hh peut être trouvé sous forme de monomère, impliqué dans l’activation des gènes à courte distance, ou sous forme de multimères, important pour l’expression des gènes à longue distance. La molécule d’Hh peut également s’associer à différentes protéines comme les HSPGs, Shf ou Scube2 (non représentée) qui facilitent sa diffusion dans l’espace extracellulaire. Hh est transporté loin des cellules productrices grâce à des transporteurs à l’instar des exovésicules, des particules de lipoprotéines ou bien via les cytonèmes (image adaptée à partir de Vincent et al., 2008 et de la thèse de Tanvi Gore).