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Le régime des articles 148.0.1 à 148.0.26 de la Loi sur l’aménagement et

2.1 La complémentarité des pouvoirs réglementaires

2.1.2 Le régime des articles 148.0.1 à 148.0.26 de la Loi sur l’aménagement et

Les articles 148.0.1 et suivants de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme offrent la possibilité aux municipalités québécoises d’adopter un règlement pour encadrer le processus de démolition d’immeubles sur leur territoire. Ces pouvoirs existent depuis l’adoption de la Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d’autres dispositions

législatives en 1979 et constituent les pouvoirs habilitants généraux relativement à la démolition en droit municipal, puisque les articles similaires prévus dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes ont été abrogés et intégrés à la Loi sur l’aménagement et

l’urbanisme lors de l’adoption de la Loi sur les compétences municipales en 2005422.

418Art. 369 L.c.v. et art. 455 C.m.Q. La Cour municipale de la Ville de Québec a déjà déterminé que l’infraction

de ne pas avoir réparé un bâtiment dans le délai prescrit ne constitue pas une infraction qui peut être continue (Québec (Ville de) c. Laplante, 2008 QCCM 211, par. 49). Voir cependant 9252-8231 Québec inc. c. Ville de

Québec, 2017 QCCS 3236, préc., note 411, par. 71-75

419 Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec, préc., note 47, annexe C, art. 84.4 al. 1 ; Charte

de la Ville de Montréal, métropole du Québec, préc., note 46, annexe C, art. 48 al. 1

420 Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec, préc., note 47, annexe C, art. 84.4 al. 2 ; Charte

de la Ville de Montréal, métropole du Québec, préc., note 46, annexe C, art. 48 al. 2. L’amende prescrite en

cas de récidive liée à la détérioration d’un bâtiment peut être imposée, sans égard à un changement de propriétaire, si un avis de détérioration du bâtiment a été inscrit sur le registre foncier préalablement à l’acquisition du bâtiment par le nouveau propriétaire (Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du

Québec, préc., note 47, annexe C, art. 84.4 al. 3 ; Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, préc.,

note 46, annexe C, art. 48 al. 3).

421 Voir section 2.1.2.7 La sanction pénale du règlement

422 Comme le note cependant Jean-Pierre St-Amour, l’immunité de poursuite du comité de démolition n’a

cependant pas été reprise dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (J.-P. ST-AMOUR, préc., note 29, p. 266).

Le champ d’application des articles 148.0.1 et suivants de la Loi sur l’aménagement et

l’urbanisme ne se limite pas aux immeubles vétustes. En effet, ces articles permettent aux

municipalités d’exercer un contrôle discrétionnaire sur la démolition de tous les types d’immeubles sur leur territoire423. Toutefois, la vétusté est un motif fréquemment invoqué

pour procéder à la démolition d’un immeuble424. Ce régime encadre donc souvent la

démolition d’immeubles vétustes, bien que l’état physique de l’édifice ne soit pas le seul critère que doit analyser le comité chargé de statuer sur l’opportunité d’une démolition425.

D’ailleurs, la loi indique qu’une municipalité peut établir des catégories d’immeubles relativement à l’application de son règlement sur les démolitions426. Ainsi, un règlement sur

les démolitions pourrait s’appliquer uniquement ou de manière différente aux immeubles vétustes ou patrimoniaux d’un territoire.

Dans la prochaine section427, nous analyserons la portée de ce régime facultatif (2.1.2.1), qui

permet aux municipalités québécoises de former un comité pour régir la démolition d’immeubles sur leur territoire (2.1.2.2). En plus d’analyser le contenu de la demande de démolition (2.1.2.3), nous porterons notre attention sur la discrétion du comité chargé de statuer sur son opportunité (2.1.2.4), de même que sur la possibilité de porter en appel la décision du comité devant le conseil municipal (2.1.2.5). Nous compléterons cette lecture du régime des articles 148.0.1 à 148.0.26 en analysant les pouvoirs à la disposition des municipalités pour subventionner la démolition d’un immeuble vétuste (2.1.2.6) et assurer la sanction pénale du règlement sur le contrôle des démolitions (2.1.2.7). Enfin, nous conclurons cette section en décrivant les pouvoirs subsidiaires que peut exercer la Régie du

423Id., p. 269. Ce pouvoir ne s’étend cependant pas aux biens meubles ou aux équipements contenus dans une

usine (Domtar inc c. Lebel-sur-Quévillon (Ville de), 2010 QCCS 3946).

424 Voir notamment Mignault Perrault (Succession de) c. Hudson (Ville de), préc., note 67 par. 24-26 ;

Beauchemin c. Varennes (Ville de), 2011 QCCS 2713, par. 44 ; Al-Musawi c. Montréal (Ville de), 2013 QCCS

3778, par. 11 (appel rejeté sur requête, 2013 QCCA 2029) ; Coeur de Pointe-Claire c. Ville de Pointe-Claire, 2019 QCCS 4322, par. 45 et 69

425 Art. 148.0.10 al. 2 L.a.u. 426 Id.

427 À défaut de paraître trop technique, cette section offre néanmoins un aperçu des pouvoirs habilitants à la

disposition des municipalités. Il demeure cependant difficile d’évaluer la portée réelle de ces pouvoirs habilitants, car leur application concrète dépend de la réglementation de chaque municipalité, ce qui n’est pas sans compliquer la tâche du juriste qui souhaite dresser le portrait de l’application de ces pouvoirs sur l’ensemble du territoire québécois.

logement pour régir la démolition d’immeubles locatifs lorsqu’une municipalité n’a pas adopté de règlement en vertu de l’article 148.0.2 (2.1.2.8).

2.1.2.1 L’adoption facultative du règlement et le caractère obligatoire de certaines dispositions

L’article 148.0.2 est la disposition habilitante qui octroie aux municipalités le pouvoir d’adopter un règlement sur la démolition428. Cet article permet ainsi aux municipalités

« d’interdire la démolition d’un immeuble, à moins que le propriétaire n’ait été autorisé par un comité visé à l’article 148.0.3 »429. Le comité visé à l’article 148.0.3 est créé par règlement

et a pour fonction d’autoriser les demandes de démolition sur la base de considérations d’opportunité, en plus d’exercer tout autre pouvoir que lui confère le chapitre V.0.1 sur la démolition d’immeubles430.

Ce principe général est cependant susceptible de varier d’une municipalité à l’autre, puisque l’adoption du régime prévu par le législateur québécois aux articles 148.0.1 à 148.0.26 demeure facultative, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ne prévoyant pas d’obligation à cet égard431. Une municipalité peut donc choisir de ne pas adopter un règlement en vertu

de l’article 148.0.2 et de s’en tenir uniquement au régime des articles 113 et 119432. Dans un

tel cas, l’émission d’un permis de démolition fait uniquement l’objet d’un contrôle par un fonctionnaire désigné par le conseil et toutes les dispositions relatives à la consultation des citoyens et des personnes intéressées ne sont pas applicables433. Le fonctionnaire désigné ne

possède alors pas de discrétion et doit émettre le permis si la demande respecte la réglementation434, contrairement au comité de démolition, qui peut quant à lui refuser ou

autoriser l’émission du permis sur la base de considérations d’opportunité435.

428 L’approbation de la MRC n’est pas nécessaire pour qu’un règlement sur la démolition d’immeubles puisse

entrer en vigueur (Electrolux Canada Corp. c. Ville de l'Assomption, 2018 QCCS 3945, par. 61-66).

429 Art. 148.0.2 al. 1 (1) L.a.u.

430 Art. 148.0.3 al. 1 L.a.u. Voir également les commentaires du ministre des Affaires municipales, Guy Tardif

(QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 234, p. B-8884 et B-8885)

431 L. GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 433

432 Le jeu des articles 113 (13) et 119 (2) L.a.u. permet à une municipalité d’interdire la démolition d’une

construction sur son territoire sans l’obtention d’un certificat d’autorisation.

433Art. 119 (7) et 120 L.a.u. 434 Art. 120 L.a.u.

La structure du régime des articles 148.0.1 à 148.0.26 demeure particulière, car en plus de rendre son adoption facultative, le législateur québécois a prévu pour les municipalités qui l’adoptent la possibilité de ne pas inclure l’ensemble des normes qu’il contient. En effet, même lorsqu’une municipalité choisit d’adopter un règlement en vertu de l’article 148.0.2, celle-ci n’a pas l’obligation d’y inclure l’ensemble des normes prévues aux articles 148.0.1 à 148.0.26 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme436. L’intégration dans le règlement

sur les démolitions de certaines dispositions facultatives qui comprennent l’expression « peut » repose sur la discrétion du conseil municipal437.

Néanmoins, il existe dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme un noyau dur de normes qui doivent être respectées par toute municipalité qui choisit d’adopter un règlement sur les démolitions en vertu de l’article 148.0.2438. Le caractère obligatoire de ces dispositions, qui

contiennent l’expression « doit » ou qui sont rédigées à la forme impérative, s’explique par la nature du régime relatif à la démolition mis en place par le législateur québécois lors de l’adoption de la Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d’autres

dispositions législatives en 1979439. Tout en offrant une certaine flexibilité aux municipalités

dans le choix des dispositions réglementaires à adopter, le législateur québécois a toutefois prévu quelques normes minimales devant être respectées par les municipalités qui choisissent

436 Ces dispositions dont l’adoption est facultative sont les suivantes : art. 148.0.2, 148.0.4, 148.0.12, 148.0.17,

148.0.22 al. 2, 148.0.25 et 148.0.26 L.a.u.

437 Toutefois, si le conseil décide effectivement d’intégrer l’une de ces dispositions facultatives dans un

règlement, il doit respecter les paramètres qu’établit l’article de Loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui l’habilite à adopter cette disposition. À titre d’exemple, un conseil municipal n’est pas obligé d’inclure dans un règlement sur les démolitions une disposition similaire à celle de l’article 148.0.25, qui prévoit qu’une municipalité peut octroyer une subvention pour la démolition d’un immeuble. Par contre, si un conseil choisit d’inclure une telle disposition dans un règlement sur les démolitions, ce règlement doit respecter la règle prévue au second alinéa de l’article 148.0.25, qui indique que le montant de cette subvention ne peut excéder le coût réel des travaux de démolition. Sur la discrétion du conseil municipal quant à l’intégration de certaines dispositions, voir QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 234, p. B-8888, B-8891, B-8892 et B-8915 et J.-P. ST-AMOUR, préc., note 29, p. 272

438 Ces dispositions sont les suivantes : art. 148.0.1, 148.0.3, 148.0.5 (sauf pour l’avis public), 148.0.6, 148.0.7

(sauf pour l’audition), 148.0.8, 148.0.9, 148.0.10, 148.0.13, 148.0.14, 148.0.15, 148.0.16, 148.0.18, 148.0.19 (sous réserve de 148.0.3 al. 3), 148.0.20 (sous réserve de 148.0.3 al. 3), 148.0.21, 148.0.22 (sauf pour le deuxième alinéa), 148.0.23 et 148.0.24 L.a.u.

439 Les débats tenus lors de la séance de la Commission permanente des affaires municipales du 19 septembre

1979 témoignent de cette volonté de rendre obligatoires certaines dispositions relatives à la démolition (QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 234, p. 8898). Au sujet de l’obligation pour le comité de tenir des séances publiques, voir p. 8891 et 8892.

d’adopter un règlement en vertu de l’article 148.0.2, notamment pour contrôler le stock de logements et protéger le patrimoine culturel440. L’affichage d’un avis de démolition sur

l’immeuble441, le caractère public des séances du comité de démolition442 ainsi que la

transmission à toute personne en cause, sans délai et par poste recommandée, de la décision motivée concernant la démolition443, sont des exemples de normes qu’une municipalité doit

obligatoirement intégrer dans son règlement sur les démolitions lorsqu’elle choisit de l’adopter en vertu de l’article 148.0.2. La volonté législative de favoriser la participation citoyenne en permettant aux locataires, aux propriétaires et aux personnes intéressées de prendre connaissance d’une demande de démolition et de faire valoir leur point de vue à l’égard de celle-ci explique également la présence de ces normes minimales dans la Loi sur

l’aménagement et l’urbanisme444.

Le caractère obligatoire de ces normes fait en sorte ces dernières peuvent s’appliquer même si elles n’ont pas été incluses dans le règlement sur les démolitions adopté en vertu de l’article 148.0.2445. Il faut cependant qu’une municipalité ait effectivement adopté un tel règlement

pour que ces dispositions trouvent application. En cas contraire, les dispositions de la Loi sur

l’aménagement et l’urbanisme, même celles ayant un caractère obligatoire, ne peuvent

trouver application, puisqu’il s’agit uniquement de dispositions habilitantes446.

Les règlements municipaux demeurent donc la source première pour connaître les paramètres juridiques du processus de démolition sur le territoire de chaque municipalité. Cette situation prévue par le législateur québécois n’est pas sans créer une iniquité, puisque dans certaines

440 Id., p. 8909 ; A.-M. MOREL,préc., note 233

441 Art. 148.0.5 al. 1 L.a.u.

442 Art. 148.0.7 al. 2 L.a.u. Voir aussi QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 234, p. 8891 et 8892

443 Art. 148.0.18 L.a.u.

444 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 234, p. 8891 et 8892

445 Voir notamment les décisions Beauchemin c. Varennes (Ville de), préc., note 424, par. 83-92 et Mignault

Perrault (Succession de) c. Hudson (Ville de), préc., note 67, par. 68 qui se fondent sur les articles de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme pour évaluer la légalité du processus de démolition suivi par les villes de

Varennes et Hudson.

446 À l’exception de l’indemnité et du recours prévus aux articles 39 L.R.l, 148.0.13 L.a.u. et 1965 C.c.Q. (L.

GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 433 ; Condos de Ravenne inc. c. Régie du logement, 2012 QCCS 3289).

municipalités, les citoyens peuvent faire valoir leur opinion relativement à la démolition d’un immeuble alors que dans d’autres, cette possibilité ne leur est pas offerte447.

2.1.2.2 Le comité de démolition, un organe politique

Le conseil municipal qui a adopté un règlement en vertu de l’article 148.0.2 doit constituer un comité ayant pour fonctions d’autoriser les demandes de démolition448. Ce comité exerce

également tout autre pouvoir que lui confère le chapitre V.0.1 de la Loi sur l’aménagement

et l’urbanisme449.

Le législateur québécois a choisi de faire du comité un organe politique, puisque celui-ci doit être formé de trois membres du conseil municipal, contrairement au comité consultatif d’urbanisme, qui lui peut également être composé de membres choisis parmi les résidents du territoire de la municipalité450. Les membres du comité de démolition sont désignés par le

conseil municipal pour un mandat renouvelable d’une durée d’un an451. Le conseil municipal

peut cependant faire le choix de s’attribuer ces pouvoirs sans procéder à la création d’un comité de démolition452. Dans ce cas, les articles applicables au comité s’appliquent au

conseil avec les adaptations nécessaires, mais le droit d’appel prévu aux articles 148.0.19 et 148.0.20 est inexistant, faisant ainsi du conseil la seule autorité qui peut se prononcer sur l’opportunité de la démolition453.

447 La Loi sur le développement durable, préc., note 33, prévoit pourtant à son article 6 e) que « la participation

et l’engagement des citoyens et des groupes qui les représentent sont nécessaires pour définir une vision concertée du développement et assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique ».

448 Art. 148.0.3 al.1 L.a.u. 449 Id.

450 Id., al. 2 ; art. 146 (1) L.a.u.

451 Id. L’article 148.0.24 indique qu’« un membre du conseil qui cesse d’être membre du comité avant la fin de

son mandat, qui est empêché d’agir ou qui a un intérêt personnel direct ou indirect dans une affaire dont est saisi le comité, est remplacé par un autre membre du conseil désigné par le conseil pour la durée non expirée de son mandat, ou pour la durée de son empêchement ou encore pour la durée de l’audition de l’affaire dans laquelle il a un intérêt, selon le cas. »

452Art. 148.0.3 al.3 L.a.u. Auquel cas les articles 148.0.1, 148.0.2 et 148.0.4 à 148.0.18 et 148.0.21 à 148.0.24

s’appliquent au conseil, compte tenu des adaptations nécessaires.

2.1.2.3 Le contrôle politique et citoyen de la demande de démolition

La demande visant à obtenir l’autorisation de démolir un immeuble est susceptible de faire l’objet d’un contrôle politique et citoyen. En effet, le comité de démolition peut exiger un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé avant de statuer sur l’opportunité de démolir un immeuble (2.1.2.3.1). De même, les citoyens peuvent participer au débat entourant l’autorisation de démolir un immeuble, car la demande doit faire l’objet d’une diffusion publique (2.1.2.3.2) et parce qu’il est possible pour les personnes intéressées de faire valoir leur opposition quant à cette demande (2.1.2.3.3).

2.1.2.3.1 Le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé

Dans le règlement qu’elle adopte en vertu de l’article 148.0.2, une municipalité peut exiger que, préalablement à l’étude de sa demande d’autorisation, le propriétaire soumette à l’approbation du comité, un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé454. Un tel

programme peut notamment comprendre la description de l’usage proposé, l’implantation de la construction sur le terrain ainsi qu’une simulation visuelle du nouveau projet455.

Appelée à définir les contours de l’expression « programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé », la Cour supérieure a jugé dans l’affaire Beauchemin c. Varennes456 que le

comité de démolition qui analyse un tel en vertu de l’article 148.0.4 de la Loi sur

l’aménagement et l’urbanisme ne jouit d’aucune discrétion, puisqu’il doit uniquement

vérifier la conformité du programme préliminaire avec les règlements municipaux en vigueur457. La discrétion du comité s’exerce cependant au stade de la décision sur la

démolition puisque l’utilisation du sol dégagé fait partie des critères que doit considérer le

454 Art. 148.0.4.al. 1 L.a.u.

455 À titre d’exemple, voir notamment Règlement régissant la démolition d’immeubles, Conseil municipal de la

Ville de Mascouche, règlement no 1254, art. 12 e) 456 Beauchemin c. Varennes (Ville de), préc., note 424

457 Id., par. 151 et 207 ; art. 148.0.4 al. 3 L.a.u. La décision Beauchemin c. Varennes est la seule décision

québécoise à traiter de cet aspect de l’article 148.0.4, qui par ailleurs, était plutôt secondaire au litige. Le caractère discrétionnaire du régime mis en place par le législateur québécois au chapitre V.0.1 de la Loi sur

l’aménagement et l’urbanisme ainsi que l’emploi de l’expression « peut » plutôt que « doit » dans le troisième

alinéa de l’article 148.0.4 pourraient amener les tribunaux à conclure autrement. Pour une critique de cette décision, voir la section 2.1.2.4.3 L’imposition de conditions accessoires à la décision

comité pour statuer sur l’opportunité d’autoriser la démolition de l’immeuble visé par la demande458.

Lorsqu’il détermine la conformité du programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé aux règlements municipaux, le comité doit considérer « les règlements en vigueur au moment où le programme lui est soumis »459. Comme nous l’avons vu, la démolition totale d’un

édifice entraîne la perte des droits acquis qui lui sont associés460. Conséquemment, en

l’absence de disposition à l’effet contraire dans la réglementation municipale, le comité doit analyser le projet à la lumière de la réglementation applicable à la nouvelle construction et non de celle qui s’appliquait à l’immeuble protégé par droits acquis461.

Le règlement peut aussi exiger que, si le programme est approuvé, le propriétaire fournisse à la municipalité, préalablement à la délivrance d’un certificat d’autorisation, une garantie monétaire de l’exécution de ce programme462. En conférant à une municipalité un moyen de

458 Art. 148.0.10 al. 2 L.a.u. Voir également Electrolux Canada Corp. c. Ville de l'Assomption, préc., note 428,

par. 127

459 Art. 148.0.4 al. 3 L.a.u. Toutefois, dans le cas où la délivrance d’un permis de construction pour le

programme proposé est suspendue en raison d’un avis de motion, le comité ne peut approuver le programme avant l’expiration de la suspension ou avant l’entrée en vigueur du règlement de modification ayant fait l’objet de l’avis de motion si cette entrée en vigueur est antérieure à l’expiration de la suspension (art. 148.0.4 al. 3 L.a.u.). Dans un tel cas, la décision du comité est rendue eu égard aux règlements en vigueur lors de cette décision (art. 148.0.4 al. 3 L.a.u.). Depuis 2017, l’article 140.0.11 de la L.a.u, qui prévoyait que le comité ne devait pas autoriser la démolition si le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé avait été préalablement refusé ou que les frais exigibles n’avaient pas été payés, a été abrogé (Loi visant principalement

à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, préc., note 37, art. 16). Ainsi, le comité de démolition n’a plus l’obligation de

refuser la démolition si le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé a été refusé. Toutefois, l’article 148.0.4 de la L.a.u. a également été modifié en 2017 pour permettre aux municipalités d’adopter un règlement qui exige la production d’un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé après que l’autorisation de démolir ait été accordée par le comité, plutôt qu’avant (Loi visant principalement à reconnaître que les

municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs,

préc., note 37, art. 15 et art. 148.0.4 al. 2 L.a.u.) Dans ce cas, l’autorisation de démolition est conditionnelle à l’approbation du programme par le comité (art. 148.0.4 al. 2 L.a.u.).

460 Cette perte de droits acquis existe même en l’absence de règlement à cet effet (section 1.2.2.1 L’extinction

des droits acquis de l’immeuble démoli : un principe jurisprudentiel établi).

461 À notre connaissance, les tribunaux ne se sont pas prononcés sur la portée de cette expression sous l’angle

de la question des droits acquis. Cependant, il semble logique de reconnaître que la nouvelle réglementation s’applique, puisque rien n’indique que l’expression « les règlements en vigueur au moment où le programme lui est soumis » ne doit pas être interprétée dans son sens ordinaire. Voir par analogie Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333, par. 19

462Art. 148.0.4, al.1 L.a.u. Dans l’affaire Domtar inc c. Lebel-sur-Quévillon (Ville de), préc., note 423, par. 10

et 74, la Cour supérieure a déterminé qu’une garantie équivalant à 33 1/3 % de la valeur inscrite au rôle d'évaluation en vigueur de l'immeuble à démolir n’était pas déraisonnable.

s’assurer que le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé soit effectivement