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L’existence de droits acquis : un contrepoids jurisprudentiel à l’encontre des

1.2 La propriété : un droit limité

1.2.2 L’existence de droits acquis : un contrepoids jurisprudentiel à l’encontre des

En droit de l’urbanisme, la notion de droits acquis est souvent invoquée. Cette notion tire ses origines de la common law et du principe d’interprétation voulant que les lois ne peuvent pas avoir une portée rétroactive sans qu’il existe une disposition législative expresse à cet effet327.

324 Id., par. 47. Voir également Municipalité de Saint-Colomban c. Boutique de golf Gilles Gareau inc., 2019

QCCA 1402, par. 64 et Astral Media Affichage c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 4541, par. 84 à 108, conf. par Ville de Montréal c. Astral Media Affichage, 2019 QCCA 1609, par. 97-99

325 Wallot c. Québec (Ville de), préc., note 323, par. 51-54

326 En principe, la notion d’expropriation déguisée renvoie au cas où un règlement de zonage restreint tellement

les usages potentiels d’un immeuble, qu’il équivaut à une prohibition de tous les usages autres que ceux associés à un parc ou à un espace vert public (Habitations Germat inc. c. Ville de Lorraine, 2018 QCCS 5781, par. 12- 16 (requête en rejet d'appel rejetée, 2019 QCCA 542)). Comme le rappelle la Cour suprême, l’expropriation déguisée renvoie véritablement au cas où une municipalité « exerce abusivement son pouvoir de réglementer les usages permis sur son territoire dans le but de procéder à une expropriation sans verser d’indemnité »

(Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35, par. 1 et 2).

Ainsi, en matière de zonage, il est possible de prétendre à un droit acquis lorsqu’un usage légal est exercé avant l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement qui a pour effet d’interdire cet usage328. La situation dérogatoire créée par ce nouveau règlement est alors susceptible

d’être protégée par un droit acquis329. Malgré la protection jurisprudentielle accordée aux

droits acquis, les tribunaux ont cependant reconnu que l’objectif du législateur est d’encadrer et de limiter l’expansion de ces droits pour favoriser à long terme leur disparition330. Comme

nous le verrons, la notion de droits acquis revêt d’ailleurs une portée assez limitée en matière de démolition (1.2.2.1) et d’entretien (1.2.2.2) d’immeubles vétustes.

1.2.2.1 L’extinction des droits acquis de l’immeuble démoli : un principe jurisprudentiel établi

Qu’il soit vétuste ou non, la jurisprudence reconnaît que la démolition totale d’un immeuble emporte la perte des droits acquis qui lui sont associés. Déjà, en 1928, le juge Adjutor Rivard de la Cour du Banc du Roi de Québec (devenue plus tard la Cour d’appel du Québec) indiquait dans Cité de Québec c. Cauchon331 :

Sous toutes les législations de cette espèce, pareil cas est prévu; la réglementation nouvelle s'applique à la reconstruction des vieux édifices à mesure qu'ils disparaissent; et en attendant que l'uniformité soit établie, il y a "discrimination de fait", comme on l'a dit; mais s'il fallait, pour cette raison, suspendre l'exécution des règlements et même les annuler, on devrait renoncer à toute amélioration; les mesures concernant l'hygiène, l'esthétique et la prévention des incendies ne seraient possibles que lors de l'établissement des villes-champignons, construites d'un seul coup, en rase campagne332.

328 M.-A. LECHASSEUR, préc., note 39, p. 281-282. L’arrêt Huot c. L'Ange-Gardien (Municipalité de), [1992] R.J.Q. 2404 (C.A.) (demande pour autorisation de pourvoi rejetée, C.S.C., 1993-03-04, 23213) indique qu’il existe cinq conditions relativement à l’existence d’un droit acquis : « a) Les droits acquis n'existent que lorsque l'usage dérogatoire antérieur à l'entrée en vigueur des dispositions prohibant un tel usage était légal; b) L'usage existait en réalité puisque la seule intention du propriétaire ou de l'usager ne suffit pas; c) Le même usage existe toujours ayant été continué sans interruption significative; d) Les droits acquis avantagent l'immeuble qui en tire profit. De tels droits ne sont pas personnels, mais cessibles, suivant l'immeuble dont ils sont l'accessoire; e) Ils ne peuvent être modifiés quant à leur nature et parfois quant à leur étendue bien que les activités dérogatoires peuvent être intensifiées en certains cas; f) La seule qualité de propriétaire ne suffit pas quant aux droits acquis. »

329 M.-A. LECHASSEUR, préc., note 39, p. 281-282

330 Lac-du-Cerf (Municipalité de) c. Ménard, 2016 QCCS 4616, par. 186-187 confirmé par Ménard c.

Municipalité de Lac-du-Cerf, 2018 QCCA 1798

331 Québec (Cité) c. Cauchon, 1928 45 B.R. 370, par. 13 332 Id.

Ainsi, lorsqu’un immeuble est complètement démoli, il y a perte de tous les droits acquis qui peuvent y être associés, même en l’absence de règlement à cet effet333. L’article 118 de la

Loi sur l’aménagement et l’urbanisme a codifié cette règle en permettant aux municipalités

d’adopter un règlement pour prévoir qu’un bâtiment détruit soit reconstruit ou réparé en conformité avec les règlements en vigueur au moment de cette reconstruction ou réparation334. Cet article permet donc à une municipalité de s’assurer qu’un bâtiment ne

puisse pas bénéficier de droits acquis lorsqu’il a été démoli, que cette démolition soit volontaire ou non335.

La Cour d’appel du Québec s’est récemment penchée sur la portée de cet article dans l’affaire

Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc.336 Dans ce dossier, d’abord entendu en

Cour supérieure337, la Ville de Vaudreuil exigeait, en vertu des articles 227 et 231 de la Loi

sur l’aménagement et l’urbanisme, la démolition des ruines d’une station-service incendiée

et la cessation d’usage qui y était associé338. Compris dans une zone agricole décrétée après

sa construction, le bâtiment bénéficiait d’un droit acquis au moment de son incendie339.

Le propriétaire s’opposait à cette demande de démolition et prétendait à l’existence de droits acquis quant à l’usage. En effet, bien que le règlement de construction adopté conformément à l’article 118 prévoyait l’extinction des droits acquis en cas de perte de plus de la moitié de la valeur de l’édifice, le propriétaire prétendait que l’incendie avait entraîné uniquement la perte des droits acquis relatifs aux normes de construction340. De son point de vue, l’incendie

333 J. L’HEUREUX,préc., note 39, p. 693 ; M.-A. LECHASSEUR, préc., note 39, p. 320 ; Lorne GIROUX, « Les interrelations entre le droit de l’environnement et le droit de l’aménagement du territoire », (1988) 48 R. du B. 467, 488-489 cité par Francheville (Municipalité régionale de comté de) c. Sauvé, [1991] R.J.Q. 2889 (appel rejeté sur requête, C.A., 1992-01-15). Une municipalité pourrait cependant prévoir dans son règlement qu’un immeuble démoli et protégé par droits acquis peut être reconstruit en bénéficiant, sous réserve de certaines conditions, des mêmes droits acquis qu’avant la démolition (Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec

inc., 2018 QCCA 1107, par. 16 et 17 (requête pour suspendre l'exécution provisoire accueillie en partie, 2018

QCCA 1474 ; demande pour autorisation de pourvoi rejetée, C.S.C., 2019-05-02, 38299)).

334 En matière de zonage, l’article 113 (18) b) de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme offre un pouvoir

similaire.

335 Lac-du-Cerf (Municipalité de) c. Ménard, préc., note 330, par. 149 336 Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333 337 Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., 2016 QCCS 6905

338 Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333, par. 34 (j. St-Pierre, motifs min.) 339 Id., par. 26 et 27 (j. St-Pierre, motifs min.)

n’empêchait pas la poursuite de l’usage dérogatoire, en raison de l’absence de disposition relative à l’extinction des droits acquis dans le règlement de zonage341.

La Cour d’appel a conclu, sous la plume du juge Yves-Marie Morissette, que le bâtiment incendié avait perdu tous ses droits acquis342. Pour la Cour, l’expression « en conformité avec

les règlements en vigueur au moment de cette reconstruction » du troisième paragraphe de l’article 118 comprend à la fois les règlements relatifs aux normes de construction, à l’usage et à l’implantation343. Ainsi, à moins d’indication contraire, une disposition adoptée en vertu

du troisième paragraphe de l’article 118 vise l’extinction des droits acquis relativement à l’ensemble des règlements municipaux en vigueur au moment de la survenance de la cause entraînant la perte des droits acquis344.

La protection des droits acquis est donc très limitée en matière de démolition puisqu’en principe, cette opération entraîne leur extinction totale, à moins qu’il soit expresséement prévu dans un règlement municipal que les droits sont conservés ou que le propriétaire dispose d’un délai pour reconstruire en bénéficiant de tels droits345.

1.2.2.2 L’état physique d’une construction comme source d’extinction des droits acquis

Les municipalités québécoises disposent de pouvoirs réglementaires pour prévoir les règles relatives au maintien et à la perte des droits acquis sur leur territoire. En effet, deux dispositions de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme offrent aux municipalités la possibilité de réglementer les droits acquis relatifs à une construction : l’article 113 et l’article 118. Bien que similaires, ces articles doivent cependant être distingués (1.2.2.3.1), car seul l’article 118 permet de prévoir la perte de droits acquis en cas de vétusté d’une

341 Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333, par. 14 342 Id., par. 8-21

343 Id., par 16. Dans sa dissidence, la juge Marie St-Pierre conclut plutôt qu’il ne peut y voir perte de droits

acquis relativement à l’usage, puisque le règlement de zonage est muet à ce sujet (Id., par. 49-82).

344 En l’absence d’une disposition à l’effet contraire dans la réglementation municipale, la Cour d’appel indique

que l’expression « en conformité avec les règlements au moment de cette reconstruction » « doit recevoir application telle quelle » (Id., par. 16). Ce raisonnement est conforme à l’idée qu’il y a perte de droits acquis en cas de destruction complète d’un bâtiment et ce, même l’absence de règlement (préc., note 333 ). Toutefois, en matière de zonage, une municipalité peut offrir plus de flexibilité dans son règlement comme le prévoit l’article 113 (18) de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

345 Au sujet d’un tel règlement, voir Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., note 333, par. 16 et

construction (1.2.2.3.2). La possibilité d’entretenir un immeuble vétuste protégé par droits acquis est donc relativement limitée, car même en l’absence d’un règlement adopté en vertu de l’article 118, la jurisprudence reconnaît qu’en certaines circonstances, la vétusté d’un édifice est susceptible d’entraîner la perte des droits acquis qui lui sont associés (1.2.2.3.3).

1.2.2.3.1 Une nécessaire distinction entre les articles 113 et 118 de la Loi sur

l’aménagement et l’urbanisme

En matière de zonage, l’article 113 permet d’interdire la modification d’une construction dérogatoire protégée par droits acquis ou d’établir les conditions en vertu desquelles une construction dérogatoire protégée par droits acquis peut être modifiée346. Une municipalité

peut également prévoir qu’il y a perte de droits acquis lorsqu’une construction est remplacée par une autre347. L’article 118 offre quant à lui le pouvoir de réglementer les normes de

résistance, de salubrité, de sécurité ou d’isolation de toute construction et de prévoir que la réfection d’un immeuble détruit, dangereux ou ayant perdu la moitié de sa valeur devra être effectuée conformément à la réglementation en vigueur348.

Malgré le fait qu’ils permettent tous deux de prévoir la perte de droits acquis en cas de démolition d’un immeuble, les articles 113 et 118 demeurent différents dans leur esprit349.

En effet, l’article 113 prévoit que la perte de droits acquis survient lorsqu’il y a remplacement ou modification d’une construction, alors que l’article 118 indique que cette perte survient lorsqu’une construction est dangereuse ou qu’elle a perdu plus de la moitié de sa valeur. Ainsi, la perte de droits acquis en matière de zonage peut survenir à la suite d’une opération effectuée sur un immeuble - son remplacement ou sa modification - qui découle d’une action positive du propriétaire. S’inscrivant dans une perspective opposée, l’article 118 vise davantage les cas où l’inaction du propriétaire conduit à un état – la dangerosité ou la perte

346 Art. 113 (18) c) L.a.u. 347 Id., (18) b)

348 Comme nous l’avons vu, la « réglementation en vigueur » au sens de l’article 118 comprend à la fois les

règlements relatifs aux normes de construction, à l’usage et à l’implantation (Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-

4850 Québec inc., préc., note 333, par. 16).

349 Même si le règlement de zonage et le règlement de construction doivent être rédigés distinctement (Ancienne-

Lorette (Ville de l') c. Québec (Communauté urbaine de), 1989 no AZ-89021318 (C.S.)), il peut exister une

certaine confusion lorsque le règlement de zonage et le règlement de construction prévoient tous deux des dispositions relatives aux droits acquis. Voir notamment Érable (Municipalité régionale de comté de l') c.

de plus de la moitié de la valeur – susceptible d’entraîner l’extinction des droits acquis. En ce sens, l’article 118 vise davantage l’état physique d’une construction que la nature des travaux effectués sur celle-ci350.

1.2.2.3.2 L’extinction des droits acquis d’un immeuble vétuste ou dangereux : un pouvoir réglementaire reconnu à l’article 118 de la Loi sur l’aménagement et

l’urbanisme

L’article 118 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permet de réglementer la perte de droits acquis lorsqu’un édifice est devenu dangereux ou qu’il a perdu au moins la moitié de sa valeur par incendie ou qu’elle qu’autre cause351. Une municipalité peut donc prévoir que

la dangerosité ou la perte d’au moins la moitié de la valeur d’un immeuble entraîne l’extinction des droits acquis qui lui sont associés, notamment quant aux matériaux de la construction et à la façon de les assembler352. Ce pouvoir réglementaire permet ainsi aux

municipalités de s’assurer qu’un immeuble vétuste puisse être réparé ou reconstruit en fonction de la réglementation en vigueur lorsqu’il se trouve dans l’une ou l’autre de ces deux situations relatives à son état physique.

La dangerosité d’un bâtiment ou la perte de plus de la moitié de sa valeur peuvent survenir dans différentes circonstances laissées à l’appréciation des municipalités. Néanmoins, certains critères élaborés par la jurisprudence, dont ceux relatifs à l’article 231 L.a.u., permettent de mieux cerner la portée de ce pouvoir réglementaire et de déterminer si un

350 Dans le cadre de ce mémoire, seuls les pouvoirs relatifs à l’article 118 feront l’objet d’une attention

particulière. En effet, notre étude se concentre sur la vétusté et donc sur les conséquences de l’état physique d’une construction eu égard aux dispositions relatives à l’entretien et à la démolition d’immeubles. Cependant, l’état de vétusté d’un édifice peut quand même influencer, de manière accessoire, la perte des droits acquis en vertu d’un règlement adopté conformément à l’article 113. En effet, s’il devient impossible de rénover un immeuble sans procéder à sa reconstruction complète parce qu’il est devenu trop vétuste, la jurisprudence reconnaît qu’il y a nécessairement perte de droits acquis, car l’ancienne structure ne sera pas simplement rénovée, mais plutôt reconstruite (Municipalité de Bolton-Est c. Poirier, 2018 QCCS 1086, par. 45- 52 ; Francheville (Municipalité régionale de comté de) c. Sauvé, préc., note 333 ; Jean-Pierre ST-AMOUR et Marc-André LECHASSEUR, Loi sur l’aménagement et l’urbanisme annotée, vol. 1, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, feuilles mobiles, art. 113, no 5.3.3/8). Toutefois, dans une telle situation, ce n’est pas la vétusté qui

engendre directement la perte de droits acquis, mais plutôt la reconstruction de l’édifice qui devient nécessaire en raison de cet état de vétusté.

351 L’article 118 permet également de prévoir les règles applicables lorsque l’immeuble est démoli (préc., note

334).

immeuble se trouve dans cet état353. À cet égard, un bâtiment dans un état de délabrement

extrême et représentant un risque flagrant d’effondrement a été jugé dangereux354. Ainsi, il

ne suffit pas que l’immeuble soit vétuste; il faut de plus que cet état de vétusté constitue un danger355. Néanmoins, la dangerosité dépend des faits de chaque espèce et il arrive que le

caractère dangereux d’un édifice puisse faire l’objet d’opinions divergentes. En ce cas, les tribunaux préfèrent déclarer l’immeuble dangereux au moment où le jugement devient final dans l’optique de permettre au propriétaire de profiter d’un délai de reconstruction qu’un règlement municipal peut prévoir356. Il demeure néanmoins établi que lorsque la

réglementation le prévoit, la dangerosité d’un édifice entraîne l’extinction des droits acquis qui lui sont associés357.

De même, la perte de plus de la moitié de la valeur par incendie ou par quelle qu’autre cause peut également être un critère pour établir la perte de droits acquis par règlement358. Le

pouvoir habilitant de l’article 118 L.a.u. est relativement large puisqu’il indique que la perte de valeur peut survenir par « quelle qu’autre cause » que ce soit. À cet égard, la vétusté peut faire partie des causes qu’une municipalité choisit d’intégrer dans son règlement359. Il est

donc possible pour une municipalité de prévoir qu’un bâtiment ayant perdu au moins la moitié de sa valeur par vétusté puisse perdre ses droits acquis. Tout comme c’est le cas pour la dangerosité de l’immeuble, la jurisprudence développée sous l’égide de l’article 231 L.a.u. relativement à la détermination de l’état de vétusté d’un édifice peut être utile pour appliquer

353 Il peut arriver qu’une municipalité demande la démolition d’un immeuble qu’elle juge dangereux et que le

propriétaire oppose des droits acquis relativement à la reconstruction de l’immeuble. En ce cas, l’analyse de la dangerosité menée en vertu de l’article 231 peut croiser celle menée en vertu d’un règlement prévoyant la perte de droit acquis en cas de dangerosité. Voir Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, 2010 QCCS 3450, par. 230-233 (appel rejeté sur requête, 2010 QCCA 2094)

354 Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, préc., note 353, par. 196-226

355 Un immeuble peut être vétuste sans pour autant être dangereux. (art. 145.41 L.a.u et Montréal (Ville de) c.

9083-0902 Québec inc., préc., note 79, par. 26)

356 Sur l’application de tels délais, voir L. GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 406 et Ville de Vaudreuil-

Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333, par. 17

357 Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, préc., note 353, par. 228

358 La notion de perte de plus de la moitié de la valeur prévue à l’article 118 se distingue cependant de la perte

de valeur prévue à l’article 231. En effet, le critère à retenir pour appliquer l’article 118 est la valeur réelle et non uniquement la valeur physique, comme c’est le cas pour l’article 231 (Greenfield Park (Ville de) c. Sanada

Realties inc.,préc., note 65 ; Ville de Vaudreuil-Dorion c. 9160-4850 Québec inc., préc., note 333). Comme

l’indiquent les auteurs Chouinard et Giroux : « il s’agit de la valeur réelle qui peut être établie de n’importe quelle façon, notamment par expertise, bien que rien n’empêche que la valeur au rôle d’évaluation puisse servir dans la détermination de l’ampleur de la perte. » (L. GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 405).

la réglementation municipale adoptée conformément à l’article 118360. De même, la

définition jurisprudentielle de vétusté développée à partir des articles du Code civil associant la vétusté à la fin de vie utile des matériaux permet d’éclairer l’article 118361.

L’article 118 L.a.u. reconnaît donc que les municipalités peuvent sanctionner le manque d’entretien d’un immeuble en prévoyant la perte des droits acquis qui lui sont associés lorsque ce manque d’entretien conduit à la dangerosité de l’édifice ou à la perte de plus de la moitié de sa valeur. Un tel pouvoir limite de manière importante l’existence même du concept de droit acquis en cas de vétusté d’un immeuble et témoigne de la volonté du législateur québécois de favoriser l’extinction de ces droits plutôt que leur maintien362.

1.2.2.3.3 L’extinction des droits acquis en cas de vétusté d’une construction : un principe jurisprudentiel?

Nous avons vu dans les deux sections précédentes que les municipalités peuvent réglementer la perte des droits acquis en vertu des articles 113 et 118 de la Loi sur l’aménagement et

l’urbanisme. Qu’en est-il cependant lorsque la réglementation municipale ne prévoit rien

relativement à la perte de droits acquis ou qu’un règlement portant sur cette matière entre en vigueur pour la première fois? L’état de vétusté d’une construction est-il susceptible d’influer sur la conservation des droits acquis? À ce sujet, il faut distinguer la perte de droits acquis à

la vétusté, de la perte de droits acquis en raison de la vétusté.

Il semble évident qu’il n’existe pas de droit acquis à la vétusté. Une telle théorie pourrait à titre d’exemple être soulevée en défense lorsqu’un propriétaire souhaiterait laisser son immeuble dans un état de vétusté parce que la réglementation qui interdit une telle situation aurait été adoptée postérieurement à sa survenance. Reconnaître un droit acquis à la vétusté parce qu’une disposition municipale qui la prohibe a été adoptée alors qu’un immeuble était déjà vétuste serait contraire à la volonté du législateur de permettre aux municipalités

360 Par analogie, voir Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, préc., note 353, par. 231 et 232 361 Voir section 1.1.1.3.2 La vétusté au sens du Code civil du Québec

362 Un tel pouvoir existe depuis longtemps en droit québécois. Déjà, en 1899, la Ville de Montréal s’est vue

octroyer un pouvoir similaire à celui de l’actuel article 118 L.a.u., qui prévoyait la possibilité d’ordonner qu’un bâtiment ayant perdu au moins 50% de sa valeur par vétusté puisse être démoli (Loi revisant et