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Des moyens pour forcer la réfection ou la démolition d’un immeuble vétuste : le

2.2 Des recours encadrés par une protection jurisprudentielle minimale du droit de

2.2.2 Des moyens pour forcer la réfection ou la démolition d’un immeuble vétuste : le

Les articles 227 et 231 de la Loi sur l’aménagent et l’urbanisme permettent à une municipalité, entre autres, de s’adresser à la Cour supérieure pour exiger la réalisation de travaux sur un immeuble pouvant aller jusqu’à sa démolition lorsque cet immeuble est dangereux ou a perdu plus de la moitié de sa valeur par vétusté, incendie ou explosion (art. 231 L.a.u.) ou lorsqu’il ne respecte pas certains règlements (art. 227 L.a.u.). Ces recours sont expéditifs645. Le premier alinéa de l’article 232 indique d’ailleurs qu’une demande présentée

en vertu des articles 227 à 231 est instruite et jugée d’urgence.

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous concentrons davantage sur l’article 231 (2.2.2.1). En effet, le recours prévu à l’article 227 a déjà fait l’objet d’études fouillées646. De plus, ce

recours n’a pas pour objectif premier de remédier à l’état de vétusté d’un édifice, contrairement à l’article 231, applicable de manière spécifique à un immeuble vétuste ou dangereux647. Nous traiterons cependant de l’application de l’article 227 en cas de non-

respect du règlement de construction adopté par une municipalité (2.2.2.2), puisque ce règlement permet entre autres d’établir des normes de résistance, de salubrité et de sécurité ou d’isolation de toute construction648.

2.2.2.1 L’article 231 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme : un recours pour ordonner la rénovation ou la démolition d’un immeuble vétuste ou dangereux

L’article 231 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permet à un organisme compétent, à une municipalité, ou à tout intéressé de s’adresser à la Cour supérieure lorsqu’un immeuble met en danger des personnes ou qu’il a perdu plus de la moitié de sa valeur par vétusté, par

645 L. GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 441

646 Voir notamment Id., p. 441-449 ; Marc-André LECHASSEUR, L'injonction déguisée en droit de l'urbanisme: Les ordonnances suivant l'article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, Cowansville, Éditions Yvon

Blais, 1997; Denis MICHAUD, L’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, mémoire de maîtrise, Faculté de droit, Université Laval, 1997 ; Gilles ROUSSEAU, « La légalité dans le droit de l’aménagement », (2000-01) 31 R.D.U.S 267

647 Un recours en vertu de l’article 227 (1) a) L.a.u. peut notamment être intenté lorsqu’une construction est

incompatible avec un règlement de zonage, de lotissement ou de construction.

648 Art. 118 al.2 (2) L.a.u. L’analyse de ces éléments qui visent davantage l’intégrité physique d’un bâtiment

concorde avec notre choix de nous intéresser d’abord à l’état de vétusté d’un édifice et aux pouvoirs que peuvent exercer les municipalités pour y remédier plutôt qu’aux dispositions relatives au zonage.

incendie ou par explosion649. Une fois les conditions d’ouverture du recours remplies

(2.2.2.1.1), le régime des articles 231 et suivants permet à la Cour d’user de sa discrétion afin d’ordonner la réalisation des travaux requis pour assurer la sécurité des personnes (2.2.2.1.2) ou la démolition de l’immeuble (2.2.2.1.3), de même que pour imposer des conditions relatives à l’exécution du jugement (2.2.2.1.4).

2.2.2.1.1 Un recours ouvert aux municipalités et aux personnes intéressées

L’article 231 prévoit qu’un organisme compétent, une municipalité ou tout intéressé peut s’adresser à la Cour supérieure pour ordonner qu’un immeuble soit rénové ou démoli. Cet article permet donc aux personnes intéressées, en plus des municipalités, de s’adresser à la Cour supérieure pour que la rénovation ou la démolition d’un immeuble soit ordonnée.

Les critères développés dans l’arrêt Association des Propriétaires des Jardins Taché inc. et

al. c. Entreprises Dasken inc. et al.650 ont pu guider les tribunaux dans l’élargissement de la

notion d’intérêt juridique en droit de l’urbanisme651. Toutefois, l’évaluation de l’intérêt

juridique se fait au cas par cas, puisque les articles 227 et 231 ne précisent pas la portée de cet intérêt juridique652. Malgré tout, la jurisprudence est venue préciser certains cas donnant

ouverture à cette qualification. Elle a précisé qu’un propriétaire qui habite la même zone que l’immeuble visé ou dans une zone contiguë possède l’intérêt nécessaire pour intenter un recours en vertu de l’article 231653. De plus, même s’il doit y avoir la preuve d’une certaine

forme de préjudice réel particulier subi par le demandeur654, la jurisprudence a établi qu’il

n’est cependant pas obligatoire pour lui de faire la preuve d’un préjudice pécuniaire pour que son intérêt soit reconnu655.

649 Art. 231 al.1 L.a.u.

650Association des Propriétaires des Jardins Taché inc. et al. c. Entreprises Dasken inc. et al., 1974] R.C.S. 2 651 L. GIROUX et I. CHOUINARD, préc., note 39, p. 443 ; M.-A. LECHASSEUR, préc., note 39, p. 650-655

652 Comme le souligne avec raison le juge Chabot : « la question de l'intérêt juridique en vertu de l'article 227

L.A.U. est une notion complexe qui a fait couler beaucoup d'encre judiciaire depuis plusieurs décennies. Encore aujourd'hui, le contenu de cette notion demeure nébuleux. » (Service de rénovation RS inc. c. Lucu, 2013 QCCS 5531, par. 68).

653 M.-A. LECHASSEUR, préc., note 39, p. 656- 661; Entreprises Bourget inc. c. Bélanger, [1996] R.J.Q. 1541

(C.A.)

654 Service de rénovation RS inc. c. Lucu, préc., note 652, par. 77

En droit administratif, les tribunaux hésitent à reconnaître l’intérêt pour agir à des associations de défense d’intérêts particuliers en l’absence d’un préjudice réel, sérieux et immédiat subi par ces organismes ou leurs membres656. Certes, cette réticence des tribunaux

peut s’expliquer par une volonté d’éviter les contestations frivoles657. Néanmoins, il serait

heureux que la jurisprudence accorde une portée plus large à la notion de personne intéressée prévue à l’article 231, notamment lorsque la demande vise un immeuble ayant une valeur patrimoniale. En effet, les biens patrimoniaux sont reconnus comme tels en raison de leur valeur collective658. Dès lors, il semble que les questions entourant l’entretien ou la

démolition de ces immeubles sont susceptibles d’intéresser les citoyens de l’ensemble de la municipalité et non seulement ceux de la même zone ou de la zone contiguë659.

De plus, puisque l’article 231 a surtout pour objectif d’assurer la sécurité du public660, il

semblerait logique de reconnaître une portée plus large à la notion de personne intéressée, surtout lorsque les citoyens veulent assurer la sécurité de leur milieu et que les corps publics refusent ou négligent d’intervenir. L’effondrement d’un immeuble peut avoir des

656 Voir notamment Québec (Développement durable, Environnement, Faune et Parcs) c. Québec (Commission

de protection du territoire agricole), 2012 QCTAQ 01392 (requête pour permission d'appeler rejetée, 2012

QCCQ 3423). Cependant, en matière de protection de l’environnement, les tribunaux semblent plus ouverts à reconnaître un intérêt élargi, notamment en raison des articles 19.1 à 19.7 de la Loi sur la qualité de

l’environnement. Voir également Conseil régional de l'environnement de Montréal c. Québec (Procureur général), 2008 QCCS 1041 et Guindon c. Québec (Ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs), 2014 QCCS 288

657 Voir notamment Comité des citoyens de la Presqu’Île-Lanaudière et al c. Procureur général du Québec, 2005 no

AZ-50328833 (C.S.) et Québec (Développement durable, Environnement, Faune et Parcs) c. Québec

(Commission de protection du territoire agricole), préc., note 656, par. 82

658 L’article 127 de la Loi sur le patrimoine culturel indique qu’une municipalité peut citer un bien patrimonial

« dont la connaissance, la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public ». Néanmoins, comme l’a reconnu la Cour d’appel du Québec en reprenant les propos du professeur Lorne Giroux, aujourd’hui juge à la Cour d’appel du Québec, la notion de bien culturel est « objective » et « existe indépendamment de tout acte de reconnaissance de l’autorité publique » (Sidcan inc. c. Lee, [2000] R.D.I. 374 (C.A.), par. 8 citant Lorne GIROUX, « La Loi sur les biens culturels », 1984 1 C.P. du N. 129, 136). Ainsi, un immeuble peut être considéré comme patrimonial même s’il n’est pas cité ou classé en vertu de la Loi sur le

patrimoine culturel. Voir à ce sujet la décision 2435-2221 Québec inc.c. Québec (Procureur général) (ministre de la Culture et des Communications), 2014 QCCS 652.

659 Le point de vue citoyen peut être utile, notamment lorsqu’il s’agit pour les tribunaux d’exercer leur discrétion

relativement au choix entre une ordonnance de réfection ou de démolition. Comme le rappelle le professeur Jacques L’Heureux : « le droit d’un propriétaire sur son immeuble ne doit pas faire oublier celui de la société sur son patrimoine. “La façade de la maison n’appartient pas à celui qui y demeure, mais à celui qui la regarde”, disait avec beaucoup de sagesse Lao Tseu à ce sujet. Il y a lieu de remarquer ici que l’interdiction de démolition n’enlève pas au propriétaire son droit de propriété et que celui-ci pourra continuer à utiliser son immeuble comme dans le passé. L’autorisation de démolir, au contraire, fait disparaître complètement une partie du patrimoine. » (J. L’HEUREUX,préc., note 39, p. 730-731).

conséquences beaucoup plus graves que la simple violation d’un règlement de zonage en vertu de l’article 227. Cependant, en l’absence de définition claire de la part du législateur, les tribunaux doivent évaluer chaque cas au mérite pour délimiter cet intérêt juridique. Ainsi, depuis 2013, la Cour supérieure a reconnu que l’article 231 permet à un propriétaire de s’adresser lui-même à la Cour pour obtenir la démolition de son immeuble661.

2.2.2.1.2 Les conditions d’ouverture d’un recours expéditif

Afin que la rénovation ou la démolition d’un immeuble vétuste puisse être ordonnée par la Cour supérieure en vertu de l’article 231 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, une municipalité doit recueillir les éléments de preuve (2.2.2.1.2.1) qui permettront à la Cour de conclure à la perte de la moitié de la valeur de l’édifice (2.2.2.1.2.2) ou à sa dangerosité (2.2.2.1.2.3).

2.2.2.1.2.1 La cueillette des éléments de preuve par la municipalité

Le demandeur qui souhaite utiliser le recours de l’article 231 doit établir, par prépondérance de preuve662, que l’état d’une construction est tel qu’il peut mettre en danger la sécurité des

personnes ou que cette construction a perdu la moitié de sa valeur par vétusté, par incendie ou par explosion663.

La cueillette d’éléments de preuve, notamment par la prise de photographies et l’inspection des lieux, est nécessaire pour établir cette perte de valeur ou cette dangerosité. À cet égard, la Loi sur les cités et villes habilite une municipalité à adopter un règlement pour autoriser des inspecteurs à visiter l’intérieur et l’extérieur des maisons664. Les tribunaux ont reconnu

que la visite d’un inspecteur sans autorisation préalable ou préavis n’est pas abusive au sens

661 Projets Knightsbridge inc. c. Montréal (Ville de) (arrondissement Plateau Mont-Royal), préc., note 476.

Toutefois, cette affaire a été rendue dans un contexte particulier, alors que les experts des demandeurs et de la défenderesse reconnaissaient la dangerosité de l’immeuble.

662 St-Louis-de-France (Ville de) c. Martel, 1998 no AZ-99026137 (C.S.) et Lac-des-Plages (Municipalité de)

c. Jodoin, préc., note 353, par. 179

663 Art. 231 al. 1 L.a.u.

de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés665. Bien que le propriétaire ait

l’obligation légale de laisser pénétrer l’inspecteur dans son immeuble, ce dernier ne peut cependant pas entrer dans un édifice en l’absence du propriétaire ou malgré son refus666. Dans

cette dernière situation, une sanction de nature pénale pourrait être imposée au propriétaire et la municipalité pourrait requérir l’émission d’une injonction en vertu de l’article 158 du

Code de procédure civile pour forcer le propriétaire à laisser l’inspecteur pénétrer dans son

bâtiment667.

2.2.2.1.2.2 Le critère de la perte de la moitié de la valeur physique de l’immeuble

Une muniucipalité qui constate qu’un immeuble sur son territoire a perdu la motié de sa valeur peut s’adresser à la Cour supérieure pour assurer la réfection ou la démolition de cet immeuble. Même si la notion de perte de valeur semble intuitivement renvoyer à une question économique, cette perte doit d’abord être évaluée à la lumière du risque pour la sécurité des personnes668. C’est pour cette raison que les tribunaux ont retenu que la valeur physique et

non la valeur marchande de l’immeuble doit être utilisée pour procéder à cette évaluation669.

Comme le souligne le juge Yves Mayrand dans l’affaire Greenfield Park (Ville de) c. Sanada

Realties inc., la vétusté de l’article 231 fait uniquement référence à la dépréciation physique

de l’immeuble et non à sa dépréciation fonctionnelle ou économique670. Il ne suffit donc pas

que l’immeuble ait perdu la moitié de sa valeur en raison de sa désuétude, d’un manque d’entretien ou des aléas du marché immobilier671. La valeur physique renvoie plutôt à l’aspect

665 Amzallag c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, 2018 QCCA 1439, par. 30 et 31 (demande pour autorisation

de pourvoi rejetée, C.S.C., 2019-07-04, 38536 et 38537) ; Comité partiaire de l’industrie de la chemise c.

Potash, [1994] 2 R.C.S. 406

666Amzallag c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, préc., note 666, par. 32-36. Une telle intrusion serait contraire

à l’article 24.1 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l’article 8 de la Charte canadienne des

droits et libertés (par. 41). La Cour d’appel conclut cependant que les éléments de preuve obtenus ne sont pas

susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice en vertu de l’article 2858 C.c.Q. (par. 49-50).

667 Id., par. 36 et 40. Voir également Saguenay (Ville de) c. Reid, 2011 QCCS 5339

668 Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, préc., note 353, par. 176 ; Sherbrooke (Ville de) c. Rouleau,

1997 no AZ-97026438 (C.S.) ; Greenfield Park (Ville de) c. Sanada Realties inc., préc., note 65

669 Lac-des-Plages (Municipalité de) c. Jodoin, préc., note 353, par. 176 ; Val-Morin (Municipalité de) c.

Pileggi-Porcelli, 1997 no AZ-50330461 (C.S.), par. 34

670 Greenfield Park (Ville de) c. Sanada Realties inc., préc., note 65

671 Par opposition à la détérioration, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation définit la désuétude

comme « toute cause de diminution de valeur d’un bâtiment, autre que sa détérioration, reliée aux normes et techniques contemporaines de construction, à son utilité́, à sa localisation ou à l’évolution des comportements économiques de tout ordre (modes, tendances, besoins, etc.). » (ORDRE DES ÉVALUATEURS AGRÉÉS DU QUÉBEC

structurel du bâtiment et à son intégrité physique672. En somme, pour déterminer si un édifice

a perdu la moitié de sa valeur physique, il faut se demander s’il y a autant de composantes qui ont atteint la fin de leur vie utile que de composantes encore saines dans l’édifice673.

Pour établir cette perte de valeur, le demandeur doit démontrer qu’une construction a déjà eu une valeur physique établie et que cette valeur a chuté de 50% au moment où le recours est exercé674. Le fait que le coût de démolition d’un immeuble soit moins élevé que le coût de sa

reconstruction ne constitue pas un critère utile pour déterminer si une construction a perdu 50% de sa valeur par vétusté675. En effet, les coûts de démolition d’un immeuble, même sain,

sont dans bien des cas inférieurs à ceux d’une construction neuve. Par contre, lorsque les coûts de rénovation sont deux fois plus élevés que la valeur foncière de l’édifice, le tribunal peut prendre en compte cet élément de preuve pour déterminer qu’un bâtiment a perdu la moitié de sa valeur physique par vétusté676.

Au soutien de sa demande, la municipalité qui s’adresse à la Cour supérieure doit produire un rapport d’expertise pour établir la perte de 50% de la valeur de l’immeuble677. Toutefois,

le rapport d’un évaluateur agréé n’est pas toujours nécessaire pour confirmer la perte de la

ET MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DES RÉGIONS, La dépréciation des bâtiments industriels aux fins

de l’évaluation foncière municipale au Québec, Québec, gouvernement du Québec, 2005, p. 28).

672 Greenfield Park (Ville de) c. Sanada Realties inc., préc., note 65 ; Ste-Julienne (Municipalité de) c.

Illuiri, 2010 QCCS 2620, par. 40. On peut également parler de détériorations physiques incorrigibles qui font

référence aux « situations où les travaux de correction qui seraient nécessaires sont impossibles à effectuer ou économiquement injustifiables, compte tenu des caractéristiques du bâtiment sujet et du contexte existant à la date de référence. Dans ce dernier cas, ces travaux représentent un coût supérieur au gain de valeur qui en découlerait pour la propriété. Les détériorations physiques incorrigibles touchent davantage les éléments de plus longue durée, tels la charpente, les fondations et les autres éléments structuraux, parce que leur rythme de détérioration est plus lent et que le coût des travaux requis pour les remplacer est plus élevé. Cette sous-catégorie peut notamment comprendre des détériorations qui seraient facilement corrigibles, mais qu’il n’est plus pertinent de corriger compte tenu de la faible durée de vie restante du bâtiment où elles sont constatées. » (ORDRE DES ÉVALUATEURS AGRÉÉS DU QUÉBEC ET MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DES RÉGIONS, préc., note 671, p. 29).

673 Voir la section 1.1.1.4 La définition de vétusté retenue aux fins de cette étude

674 Sorel-Tracy (Ville de) c. St-Sauveur, préc., note 262, par. 14. À cet égard, l’évaluation foncière peut être

utilisée comme élément de preuve pour établir la perte de valeur physique de l’immeuble. Voir notamment Ville

de Waterville c. 2841-2898 Québec inc., 2018 QCCS 2692, par. 54. Toutefois, à elle seule, cette évaluation

n’est pas suffisante pour établir la perte de valeur physique de l’immeuble ou sa dangerosité. Voir Chertsey

(Municipalité de) c. Dufresne, 2014 QCCS 2923, par. 8-11

675 Ville de Victoriaville c. Vachon, 2018 QCCS 4542, par. 18

676 St-Victor (Municipalité de) c. Bar Saint-Victor inc., préc., note 602, par. 4-5 677 St-Louis-de-France (Ville de) c. Martel, préc., note 662

moitié de la valeur de l’immeuble678. Ainsi, le rapport d’un expert en structure qui a visité le

bâtiment et qui estime qu’il a perdu 100% de sa valeur à la suite de son effondrement peut être pris en compte par le tribunal parmi d’autres éléments de preuve pour conclure que l’immeuble a perdu la moitié de sa valeur au sens de l’article 231679. Néanmoins,

l’appréciation de cette perte de valeur relève de la discrétion du tribunal680. 2.2.2.1.2.3 Le critère de la dangerosité de l’immeuble

Une municipalité peut également prouver qu’un immeuble est dans un état qui « peut mettre en danger des personnes » afin d’obtenir obtenir une ordonannce de réfection ou de démoliton en vertu de l’article 231. Le mot « personnes » de cet article a été interprété largement par les tribunaux. Ainsi, l’évaluation du degré de dangerosité d’un immeuble se fait en tenant compte autant des intrus et des vandales que des gens qui accèdent à l’immeuble avec l’autorisation du propriétaire681. L’article 231 vise également les piétons qui circulent

légalement sur la voie publique et qui sont susceptibles d’être blessés par la chute des briques de la façade d’un bâtiment682. De plus, les tribunaux peuvent se référer à des normes

objectives pour déterminer la dangerosité d’un édifice. Ainsi, le non-respect des lois relatives à la sécurité du public peut être un critère pour déterminer qu’une construction « est dans un état tel qu’elle peut mettre en danger des personnes »683.

L’évaluation de la dangerosité d’un édifice dépend des faits au soutien de la demande et de l’état réel de la construction visée. Dans l’affaire Sorel-Tracy (Ville de) c. St-Sauveur, la Cour supérieure a déterminé qu’un bâtiment résidentiel qui « ne peut absolument être occupé par quiconque sans grave danger de blessures sévères » et dont l’armature est « irrémédiablement atteinte » est dangereux parce qu’il présente un risque pour les incendies et qu’il est

678 Ste-Julienne (Municipalité de) c. Illuiri, préc., note 672, par. 37 679 Id., par. 38

680 Le tribunal n’est pas lié par les conclusions du rapport d’expertise (art. 238 al. 3 C.p.c.)

681Sorel-Tracy (Ville de) c. St-Sauveur, préc., note 262, par. 6-7 citant Val-Bélair (Ville de) c. Baron, 1997 no

AZ-98026046 (C.S.)

682 Sorel-Tracy (Ville de) c. St-Sauveur, préc., note 262, par. 8 citant Sherbrooke (Ville de) c. Rouleau, préc.,

note 668

683 St-Victor (Municipalité de) c. Bar Saint-Victor inc., préc., note 602, par. 2. Par contre, une municipalité ne

peut utiliser ce recours pour forcer un propriétaire à installer des gicleurs dans son bâtiment alors que la loi ne l’oblige pas à le faire (Sorel-Tracy (Ville de) c. Dupuis, 2011 QCCS 3254 conf. par Sorel-Tracy (Ville de) c.

accessible aux vandales684. Dans une autre décision, la démolition d’un chalet non habitable

et non conforme au règlement de zonage a été ordonnée par la Cour supérieure en raison de sa dangerosité. Le propriétaire n’avait d’ailleurs jamais couché dans ce chalet sans installation électrique, fosse septique, plomberie, ou eau courante685. De plus, les fenêtres de

cette construction étaient brisées, les fondations étaient en mauvais état et le plafond était percé686. L’état d’abandon du chalet avait même permis à des vandales d’y pénétrer et d’y

tirer des coups de fusil687. La Cour supérieure a également constaté la dangerosité, dans la

décision Asbestos (Ville d’) c. Roy, d’une maison mobile au système électrique déficient installée sur des blocs de béton instables, dont les murs s’affaissaient vers l’extérieur et dont la toiture, la fenestration et le plancher devaient être complètement refaits688. La Cour est en

arrivée à la même conclusion relativement à un chalet aux fondations « complètement dénudées, à tel point que la semelle de la fondation est dégagée et qu’on peut voir sous la structure du bâtiment »689. Par conséquent, la démolition de ce bâtiment a été ordonnée en