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7. DISCUSSION GÉNÉRALE

7.1 Réflexion sur le rôle du pédiatre

Selon l’Association des Pédiatres du Québec, le rôle du pédiatre est « le

médecin qui assure d’abord et avant tout, aux enfants du Québec, des soins de grande qualité et qui veille à ce que l’état de santé de la jeune population du Québec devienne le garant de la bonne forme et de la qualité de vie de l’ensemble de notre société » (Association des Pédiatres du Québec, 2010). À l’égard de

l’évolution du statut pondéral de l’enfant, ils représentent la première ligne de vigilance. Ainsi, en prenant le temps de mesurer le statut pondéral de l’enfant à chaque visite, ils obtiennent avec précision le parcours pondéral de l’enfant. Une discussion avec le parent peut alors prendre place, que ce soit pour statuer d’une évolution normale ou à surveiller. Des conseils appropriés pourraient alors être donnés aux parents en les référant à une diététiste lorsque la trajectoire du statut pondéral est inquiétante.

Les Canadian clinical practice guidelines on the management and

prevention of obesity in adults and children (Lau, et al., 2007) et le document Putting Evidence Into Practice du Réseau Canadien en Obésité (CON, 2010)

avec d’autres professionnels de la santé (psychologue, diététiste, infirmière), d’adopter une attitude ouverte sans jugement et de discuter avec l’ensemble de la famille. Les stratégies de surveillance et de dépistage comprennent notamment la mesure de l’IMC dès l’âge de 2 ans.

Les stratégies visant la prévention ou le traitement de l’obésité infantile doivent encourager de saines habitudes de vie pour tous les membres de la famille, sans viser une perte de poids ou cibler un membre de la famille en particulier. Ces stratégies comprennent des modifications aux comportements alimentaires, une augmentation de l’activité physique et une thérapie comportementale si nécessaire. Ces interventions doivent tenir compte du stade de changement des familles face à de saines habitudes de vie. Les diètes restrictives et l’usage d’aliments comme récompense sont des pratiques déconseillées. Les interventions précoces seraient la clé de la prévention de l’obésité chez l’enfant (CON, 2010). Les familles reconnaissent d’ailleurs le rôle du pédiatre dans la gestion du poids de l’enfant. En effet, une étude faite auprès des familles d’enfants en surpoids rapporte que les parents veulent que le pédiatre discute clairement du poids de l’enfant, explique rationnellement ses inquiétudes et émette des conseils et recommandations spécifiques (Bolling, Crosby, Boles, & Stark, 2009).

Les obstacles à une telle vigilance sont cependant nombreux. D’abord, cela demande du temps, car il faut non seulement prendre les mesures, mais aussi faire le calcul, l’interpréter sur la courbe et suggérer des conseils appropriés aux parents. Le sentiment que les conseils ne donnent aucun résultat a été invoqué par les pédiatres pour ne pas aborder le sujet (Klein, et al., 2010). Il faut cependant se rappeler que le parent ne décèle pas le surpoids de l’enfant et que l’enfant, souvent, ne rencontre aucun autre professionnel habilité à évaluer son statut pondéral. Le rôle du pédiatre dans ce domaine est donc crucial.

Mettre l’accent sur le dépistage est important. En effet, une étude américaine (Gilbert & Fleming, 2006) rapporte que seulement le tiers des pédiatres utilise l’IMC pendant le rendez-vous, ce qui est peu. En France seulement 53%

des pédiatres rapportent utiliser les courbes de références de l’IMC (Pelletier- Fleury, Le Vaillant, Franc, & Rosman, 2006). L’évaluation systématique du statut pondéral sur les courbes d’IMC devrait être encouragée. Suivant le diagnostic du statut pondéral, les pédiatres devraient être davantage outillés pour conseiller les familles. En effet, plusieurs pédiatres rapportent être incertains de la façon d’informer les familles des facteurs de risques liés à l’obésité (Gilbert & Fleming, 2006). Les médecins généralistes et les infirmières rapportent aussi se sentir peu équipés pour traiter l’obésité et ne croient pas que leurs conseils entraîneraient des résultats, en plus de risquer de modifier négativement la relation avec le patient (Walker, Strong, Atchinson, Saunders, & Abbott, 2007). Le faible usage des courbes d’IMC pour le diagnostic de l’obésité infantile pourrait aussi être dû au faible intérêt de traiter les problèmes de poids pédiatriques. En effet, une étude française montre que seulement 46,5% des pédiatres trouvent professionnellement gratifiant de traiter l’obésité infantile alors que 82% sont convaincus que le traitement de l’obésité infantile est voué à l’échec (Franc, Van Gerwen, Le Vaillant, Rosman, & Pelletier-Fleury, 2009). La quasi-absence de résultats suite aux encouragements de saines habitudes de vie est aussi rapportée par les pédiatres américains (Barlow, Richert, & Baker, 2007). Ce faible intérêt jumelé à un faible sentiment d’efficacité pourrait expliquer le faible diagnostic.

En terme d’interventions, les pédiatres discutent habituellement avec les familles de saines habitudes alimentaires et d’activité physique, mais le font davantage lorsqu’un diagnostic d’obésité a été émis (Cook, Weitzman, Auinger, & Barlow, 2005). Ils discutent des problèmes de santé reliés à l’obésité, suggèrent des changements simples pour l’ensemble de la famille en personnalisant le message (Barlow, et al., 2007). Cependant, une étude portant sur 600 patients pédiatriques rapporte que seulement 20.5% des patients à risque de surpoids ou en surpoids avaient un diagnostic en ce sens et que 16.9% avaient un traitement au dossier (Dorsey, Wells, Krumholz, & Concato, 2005). De plus, une étude américaine rapporte que plus de 35% des pédiatres ne discutent pas avec les parents du temps passé devant la télévision ni de la consommation de junk food ou de bonbons. On y rapporte aussi que 55% ne discutent pas du tout d’activité

physique (Spivack, Swietlik, Alessandrini, & Faith, 2010). L’uniformisation du dépistage et des traitements suggérés par les pédiatres serait souhaitable.

Afin d’aider les pédiatres à aborder le sujet du statut pondéral de l’enfant, le pédiatre devrait avoir recours à différents outils. Ainsi, il pourrait adapter son intervention au stade de changement du parent quant à la gestion du poids de l’enfant. L’objectif serait donc différent d’un parent à l’autre. Le pédiatre viserait d’abord la reconnaissance de la problématique pour certains alors qu’il axerait ses conseils sur des solutions pratiques avec d’autres. Le pédiatre devrait sensibiliser le parent quant au statut pondéral de son enfant et le conseiller à la mesure de ses compétences. Le rôle du pédiatre, à titre de professionnel de première ligne, est aussi de savoir référer à d’autres professionnels au besoin, comme les diététistes. Dans une étude américaine, parmi le personnel de santé interrogé (pédiatre, infirmière en pédiatrie, diététiste), les conseils alimentaires reliés à la gestion du poids étaient variés et des diètes restrictives étaient parfois encouragées. Dans cette étude, deux tiers des pédiatres et infirmières affirment référer souvent un patient à un diététiste (Barlow, Trowbridge, Klish, & Dietz, 2002). Il ne faut pas oublier que le parent revient habituellement à chaque année faire évaluer médicalement son enfant. Le parent qui est à la base faiblement impliqué à l’égard du statut pondéral de son enfant pourra, avec les rencontres, devenir de plus en plus sensibilisé à la problématique et prêt à écouter quelques conseils.

Quant aux résultats, la reconnaissance de la problématique est visée. Le pédiatre qui voit le statut pondéral stable malgré ses conseils ne devrait pas interpréter son intervention comme un échec. En effet, le parent est peut-être de plus en plus sensibilisé et fera éventuellement des changements. Un parent sensibilisé et une problématique reconnue sont là de grandes réussites qui mèneront peut-être à une évolution pondérale favorable.

Bref, le rôle du pédiatre en est un de dépistage précoce du surpoids chez l’enfant par l’évaluation de l’IMC, de communication aux parents, et d’aide aux parents à l’égard de l’adoption de changements clés en alimentation et dans la pratique d’activités physiques (Perrin, Finkle, & Benjamin, 2007). Le dépistage du

risque d’embonpoint chez l’enfant devrait être systématique et les conseils aux parents auraient avantage à être uniformisés. Les pédiatres devraient être formés sur les facteurs de la dynamique parent-enfant qui peuvent influencer l’alimentation et le statut pondéral de l’enfant. Ainsi, les pédiatres pourraient encourager les parents à adopter les meilleurs comportements, tant au niveau des SPA que des PAP. Le pédiatre devrait, dans un premier temps, insister sur les désavantages reliés à l’usage de restriction, de récompense alimentaire et de pression à manger en plus de l’importance de donner l’exemple en matière de saines habitudes de vie.