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2. RECENSION DES ÉCRITS

2.4 Les styles parentaux (SP)

Dans la prochaine section, il sera question de la définition des SP. Par la suite, la catégorisation des SP sera présentée. Puis, la relation entre les SP et l’alimentation de l’enfant sera exposée. Pour conclure, le lien entre les SP et le statut pondéral de l’enfant sera discuté.

2.4.1 Définition et catégorisation

Le SP consiste en une catégorisation des comportements parentaux devant tenir compte des besoins de l’enfant tant en nurturance qu’en imposition de limites. Le SP est général et non spécifique à un contexte donné comme l’alimentation (D Baumrind, 1991).

Le SP se définit selon deux dimensions, soit les exigences imposées à l’enfant par le parent et la sensibilité du parent face aux besoins de l’enfant (D Baumrind, 1971). Selon Baumrind, les parents peuvent être classés selon trois SP : autoritaire, démocratique et permissif (D Baumrind, 1971).

Le parent autoritaire exprime des directives fermes à l’enfant, il contrôle le comportement et les attitudes de l’enfant selon des normes de conduite. Le parent démocratique utilise l’interrogation et le raisonnement pour guider l’enfant rationnellement dans ses choix, en admettant sa faillibilité et en donnant ainsi un peu d’autonomie à l’enfant. Finalement, le parent permissif laisse l’enfant faire ce qu’il veut, il a peu de demandes, exerce peu de contrôle et consulte régulièrement l’enfant tout en lui laissant une grande liberté. Selon Maccoby, les parents permissifs peuvent être de types indulgents ou négligents. Le tableau 1 présente ces SP (D Baumrind, 1971), (Maccoby EE, 1983).

Tableau 1: Classification des SP (Adapté et traduit de Maccoby (Maccoby & Martin, 1983)

Exigences élevées Exigences moindres

Sensibilité élevée Démocratique Permissif (indulgent)

Sensibilité moindre Autoritaire Permissif (négligent)

Selon Costanzo (Costanzo PR, 1985), les comportements reliés aux SP ont des répercussions qui sont spécifiques au domaine visé par l’intervention du parent (comme la réussite scolaire). Ces répercussions se résument ainsi :

1. Des exigences parentales élevées peuvent limiter l’enfant dans son apprentissage du développement de comportements normaux.

2. Des exigences parentales élevées peuvent interférer avec le processus d’auto-contrôle interne, en s’éloignant des motivations intrinsèques de l’enfant.

3. Une préoccupation élevée du parent peut entraîner celui-ci à utiliser des stratégies émotives (exemple : punition) envers l’enfant ce qui entraîne, chez l’enfant, une internalisation des standards parentaux. L’enfant développe alors peu son auto-contrôle et peut connaître des sentiments de dénigrement de soi lorsqu’il dévie des standards parentaux.

Il faut noter que Constanzo ne s’est pas intéressé aux nuances apportées par l’étude simultanée de l’exigence et de la sensibilité parentale.

Plusieurs méthodes permettent de mesurer le SP. Les questionnaires qui complétés par l’enfant ou l’adolescent comme l’API (authoritative parenting style) divisent les styles de parents en 4 groupes (Jackson, Henriksen, & Foshee, 1998). Le PSI (parenting style inventory) est aussi mesuré auprès d’enfants. Une échelle démocratique où le parent est évalué comme étant plus ou moins démocratique existe aussi, mais ne catégorise pas les autres SP (Steinberg, Lamborn, Dornbusch, & Darling, 1992). La méthode visuelle, où des évaluateurs observent les interactions entre le parent et son enfant et déterminent le SP, est aussi utilisée (Mize & Pettit, 1997). Le SP peut aussi être évalué par un questionnaire destiné au parent. Le questionnaire de Paulson (Paulson, 1994) permet d’obtenir une variable continue de sensibilité et une variable continue d’exigence. Une séparation des deux échelles permet la distinction des 4 SP. Le Parenting Practices Questionnaire permet aussi une catégorisation de 3 différents styles (autoritaire, démocratique et permissif) (C. C. Robinson, Mandleco, Olsen, & Hart, 1995). De plus, la mesure du SP peut être obtenue par une combinaison de questionnaires. C’est le cas de l’étude de Wake et collègues ont mesuré le SP par le Child Rearing Questionnaire pour la sensibilité et le Longitudinal Study of Australian Children pour les exigences (Wake, Nicholson, Hardy, & Smith, 2007).

Les SP ont fait l’objet de différentes études en lien avec la performance académique (Paulson, 1994), l’utilisation du tabac et de l’alcool, le port d’armes, la propension à la colère et la résolution de conflits (Jackson, et al., 1998), l’indépendance et les responsabilités sociales (D Baumrind, 1971). Cependant, en lien avec l’alimentation, seules quelques relations ont été explorées.

2.4.2 Styles parentaux et alimentation de l’enfant

Chez l’adolescent, quelques études établissent une relation entre les SP et l’alimentation du jeune. Une étude ayant questionné des adolescents néerlandais par questionnaires auto-administrés sur différents thèmes : SP général (pour les deux parents, sans distinguer la mère et le père), consommation de fruits et cognition spécifique à la consommation de fruits (attitude, norme subjective, support social, modèles disponibles, auto-efficacité, intention comportementale)

suggère une fréquence de consommation plus grande de fruits chez les adolescents de parents de style démocratique par rapport aux trois autres styles (Kremers, et al., 2003). La consommation de fruits et la cognition spécifique à la consommation de fruits seraient significativement plus élevées chez les adolescents de parents démocratiques. Ceux dont les parents sont indulgents consomment plus de fruits que ceux de parents autoritaires ou négligents (Kremers, et al., 2003). Une étude chez 2516 adolescents américains d’origines ethniques variées montre une corrélation positive entre le SP permissif du père et la consommation de fruits et légumes par sa fille ainsi qu’une corrélation négative entre le SP autoritaire du père et la consommation de fruits et légumes de sa fille (Berge, et al., 2010). Une étude portant sur 328 adolescents du Royaume-Uni suggère que les adolescents qui décrivent leurs parents comme démocratiques consomment quotidiennement plus de fruits, moins de collations peu nutritives et plus fréquemment un déjeuner comparativement aux adolescents qui décrivent leurs parents comme étant de style négligent (Pearson, Atkin, Biddle, Gorely, & Edwardson, 2010). Finalement, une étude sur 106 adolescents américains suggère que la sensibilité de la mère est bénéfique pour l’alimentation de l’adolescent, étant associée à une plus faible consommation d’énergie et de gras saturés (Kim, et al., 2008). Chez l’adolescent, l’ensemble des études présentées suggère un effet bénéfique du parent démocratique sur la qualité de l’alimentation.

En ce qui concerne l’enfance, la relation entre les SP et l’alimentation de l’enfant ne fait pas l’unanimité dans la littérature. Une étude menée au Royaume- Uni auprès 48 enfants d’âge préscolaire et leurs deux parents montre que le SP permissif est associé à une surveillance moindre de la consommation d’aliments peu nutritifs par l’enfant (Blissett & Haycraft, 2008). Une étude belge sur 1614 dyades parent-enfant dont les enfants sont âgés de 11 ans n’a observé aucune relation significative entre les SP et les habitudes alimentaires de l’enfant (C. Vereecken, Legiest, De Bourdeaudhuij, & Maes, 2009). L’absence de relation est aussi remarquée dans une étude sur 77 enfants d’âge préscolaire (Drucker, Hammer, Agras, & Bryson, 1999). Une étude américaine sur des enfants américains d’origine chinoise et leur mère rapporte une relation significative et

négative entre le style démocratique de la mère et la consommation d’aliments riches en sucre de son enfant d’âge scolaire (8 à 10 ans) (J. L. Chen & Kennedy, 2005).

La littérature discordante s’explique par différentes hypothèses. Tout d’abord, il se peut que l’impact des SP sur l’alimentation de l’enfant s’effectue à long terme, ce qui expliquerait une incertitude quant à l’impact durant l’enfance, mais une influence quasi certaine à l’adolescence. Les divers instruments de mesure, autant pour déterminer les SP que pour les apports alimentaires, expliquent aussi en partie ces variations. Finalement, les origines ethniques variées des sujets des études présentées peuvent contribuer à créer une ambiguïté dans l’existence d’une relation entre le SP et l’alimentation de l’enfant.

2.4.3 Styles parentaux et statut pondéral de l’enfant

Certaines études établissent un lien entre les SP et le statut pondéral de l’enfant. C’est le cas d’une étude s’attardant à l’impact des différents SP de la mère (mesurés par observation d’interaction parent-enfant) sur le poids corporel de l’enfant (n=872, âgé de 6 ans, poids et taille mesurés, IMC calculé et comparé aux courbes de croissance du National Center for Health Statistics). Cette étude suggère que l’enfant de mère autoritaire soit plus à risque de faire de l’embonpoint que celui dont la mère est de style démocratique. Les enfants de mères indulgentes ou négligentes seraient deux fois plus à risque de faire de l’embonpoint que ceux de mères démocratiques. Aucune différence n’a été remarquée entre les filles et les garçons dans cette étude (K. E. Rhee, Lumeng, Appugliese, Kaciroti, & Bradley, 2006).

Une récente étude suggère des relations plus complexes entre les SP et le poids de l’adolescent lorsque les différentes combinaisons possibles de SP maternels et paternels sont explorées. Par exemple, un SP autoritaire (rapporté par l’adolescent, mesuré par des questions inspirées de la conceptualisation du SP par Baumrind et Maccoby) serait lié à un poids plus élevé chez l’adolescent (poids et taille mesurés), alors que la combinaison d’une mère autoritaire et d’un père

négligent serait associée à un IMC plus élevé chez les garçons (Berge, Wall, Bauer, & Neumark-Sztainer, 2009).

Plusieurs études ne parviennent pas à obtenir de relations significatives entre les SP et le statut pondéral de l’enfant. Une étude portant sur 49 préadolescents qui n’obtient aucune corrélation significative entre les SP du père et de la mère (mesuré par le Parenting Practices Questionnaire) et l’indice de masse corporelle du garçon préadolescent (poids et taille mesurés, IMC calculé et converti en percentiles) (Brann & Skinner, 2005). Une autre étude, portant sur 4983 enfants australiens de 4 et 5 ans, n’obtient aussi aucune relation significative entre l’IMC des enfants (IMC mesuré par une mesure de poids et de taille, et évalué par l’Obesity task force age and gender specific critera for BMI) et le SP des mères (SP mesuré par la dimension de chaleur parentale par le Child rearing Questionnaire et la dimension de contrôle parental par le National Longitudinal survey for Child and Youth). Cependant, le SP des pères pourrait être lié à l’IMC de l’enfant d’âge préscolaire (Wake, et al., 2007).

Une étude australienne s’intéressant aux caractéristiques maternelles en lien avec l’obésité chez l’enfant (âgé de 6 à 13 ans, n=329) suggère que seul l’IMC de la mère (poids et taille mesurés par l’équipe de recherche) ainsi que la structure de la famille (1 parent vs deux parents) influenceraient l’IMC de l’enfant (poids et taille mesurés, IMC de l’enfant évalué en fonction des données de référence du CDC) dans l’étude de différents facteurs en analyse multivariée où le SP de la mère était aussi exploré (SP mesuré par le Parenting-Scale) (Gibson, et al., 2007).