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7. DISCUSSION GÉNÉRALE

7.4 Réflexion sur le rôle de la communauté et de la société

Malgré le rôle important que joue le parent quant au développement d’une saine alimentation chez son enfant, il a besoin d’appui de taille afin de l’aider dans cette tâche. Comme le suggère l’American Dietetic Association, les interventions pour réduire l’embonpoint pédiatrique devraient cibler les familles, mais aussi les écoles, les communautés et l’environnement (American Dietetic, 2006). Ainsi, si l’offre alimentaire se bonifie et si l’environnement s’adapte pour permettre plus de dépense énergétique, c’est toute une société qui en bénéficie.

Les Canadian clinical practice guidelines on the management and

prevention of obesity in adults and children (Lau, et al., 2007) et le document Putting Evidence Into Practice du Réseau Canadien en Obésité (CON, 2010)

suggèrent une approche globale de lutte à l’obésité infantile, comprenant des programmes de nutrition et d’activités physiques dans les écoles, des aires d’activités communautaires et des efforts communs de tous les acteurs : gouvernements, secteur privé, professionnels de la santé, groupe de consommateurs, la recherche académique et les groupes non-gouvernementaux. La difficulté d’impliquer autant d’acteurs est la déresponsabilisation individuelle. Si chacun attend que l’autre se mobilise, rien ne sera fait. Chaque acteur devrait faire sa part, mais il est utopique de penser qu’à chaque niveau, la société s’impliquera dans la promotion de saines habitudes de vie. Une action concertée ne sera possible qu’entre ceux qui auront d’abord mis l’épaule à la roue. Ainsi, les petites initiatives locales seraient encouragées et soutenues par l’ensemble des acteurs impliqués.

Le Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids (PAG) vise l’adoption de saines

habitudes de vie, dont une saine alimentation et un mode de vie actif par la création d’environnements favorables (MSSS, 2006). Il a été élaboré par le Secrétariat à la jeunesse, l’Office de protection du consommateur et 7 ministères : le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, le ministère des Affaires municipales et des Régions, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et le ministère des Transports. Les objectifs visés sont une réduction de l’embonpoint et de l’obésité et de leurs conséquences chez les adultes et les enfants d’ici 2012. Les interventions du PAG visent principalement les jeunes de 0 à 25 ans puisque les habitudes de vie se développent en bas âge. Il faut noter qu’il est audacieux de s’intéresser à la petite enfance. Le groupe des 0-2 ans est peu ciblé par la prévention de l’obésité, probablement parce qu’on juge que cette responsabilité appartient davantage à la mère à cet âge. En incluant ce groupe d’âge, le PAG statue de l’importance que peut avoir la promotion de saines habitudes de vie dès la petite enfance. Puisque les stratégies alimentaires parentales sont liées aux consommations, aux préférences et au poids de l’enfant québécois de 3 à 5 ans, tel que suggéré par la présente thèse, et parce que les préférences alimentaires se développent en bas âge, il est important de rejoindre les jeunes enfants par la prévention.

Parmi les interventions prioritaires du PAG, on retrouve la promotion de la saine alimentation et d’un mode de vie actif dans divers milieux, dont la famille et les services de garde, donc là où l’enfant d’âge préscolaire passe la majorité de son temps. Un meilleur soutien aux personnes ayant un problème de poids est aussi ciblé par les interventions prioritaires. La formation des professionnels fait partie de ce volet, ce qui est représente un besoin criant, tel que rapporté précédemment par la littérature. Les différents professionnels doivent avoir la théorie et une formation pratique sous forme de stages afin d’être outillés pour promouvoir les bonnes pratiques alimentaires à adopter. Cette formation permettra sans doute de meilleures interventions préventives, et des traitements précoces. Les autres axes d’interventions prioritaires sont : promouvoir des normes sociales

favorables et adapter la recherche (MSSS, 2006).

Les actions proposées en milieu familial visent la promotion de la saine alimentation de la femme enceinte, du bébé et l’encouragement à l’allaitement. Les actions suggérées en milieu de garde sont de fournir des mets nutritifs et d’appliquer « un programme éducatif qui vise à favoriser le développement de l’enfant, notamment en l’amenant à adopter de saines habitudes de vie et des comportements qui influencent de manière positive sa santé et son bien- être » (MSSS, 2006). Comme les enfants passent de nombreuses heures en milieu de garde et y consomment plusieurs repas et collations, il est important d’y assurer une saine alimentation et d’y développer de saines habitudes alimentaires. Chez les familles, étrangement, l’accent semble être mis uniquement sur la qualité alimentaire. Pourtant, il n’y a pas que l’éducation nutritionnelle à aborder avec les parents, il faut aussi s’attarder à l’éducation alimentaire qui touche l’acte et les dynamiques qui ont lieu lors de la prise alimentaire. Il semble n’y avoir aucune information éducative sur le développement de l’enfant, sur les stratégies alimentaires ou sur les saines méthodes pour encourager la variété alimentaire destinée aux parents. Il faudrait aussi s’intéresser aux préférences alimentaires car ce n’est pas tout d’augmenter la qualité nutritive de ce que l’enfant ingère, celui-ci doit aussi aimer ces aliments et prendre plaisir à les consommer. Les familles ne sont pas ciblées par les actions proposées. Vu le rôle déterminant de la mère dans l’alimentation de son enfant, et pas seulement sur le plan de l’offre d’aliments nutritifs, le PAG aurait avantage à intégrer l’éducation aux parents en matière d’offre alimentaire, de repas familial, de style alimentaire parental et de PAP. Cet enseignement ne doit pas être réservé aux milieux de garde car les parents aussi en bénéficieraient. L’offre d’aliments nutritifs n’est pas suffisante pour permettre l’adoption de saines habitudes alimentaires par l’enfant. La présente thèse montre que plusieurs comportements parentaux peuvent influencer l’alimentation de l’enfant et doivent être pris en compte dans la promotion de saines habitudes de vie. Ainsi, la prévention devrait présenter un juste équilibre entre l’éducation nutritionnelle (ex. valeur nutritive) et l’éducation alimentaire (ex. les pratiques

alimentaires à déployer) offertes aux parents. En effet, en insistant uniquement sur l’importance de fournir à l’enfant des aliments nutritifs, les parents sont encouragés à insister sur la consommation en nutriments de l’enfant, ce qui pourrait mener le parent à utiliser des PAP défavorables à l’enfant afin de lui faire consommer ces aliments nutritifs jugés importants. Ces pratiques laissent malheureusement peu de place à l’éducation alimentaire que les parents doivent connaître (ex. ne pas utiliser la restriction, la récompense et la pression à manger, qui choisit la grosseur des portions de l’enfant) et enseigner à leur enfant (ex. reconnaître les signaux de satiété et de faim).

Le ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) a élaboré sa Vision

de la saine alimentation pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé (MSSS, 2010) pour faire suite au PAG. Cette vision se veut commune

pour les acteurs qui influencent l’environnement alimentaire. Un des volets propose la classification des aliments en « aliments d’exception », en « aliments d’occasion » et en « aliments quotidiens ». Alors que cette classification est plus souple que celle des bons et des mauvais aliments, elle a cependant ses limites. Dans plusieurs environnements, elle favorisera de saines habitudes alimentaires, comme dans les écoles, les hôpitaux, les restaurants, etc. Toutefois, il faut se questionner sur l’utilisation de cette catégorisation auprès des familles. En effet, si ce vocabulaire est utilisé par les acteurs qui interviennent auprès des familles, il y a un risque d’encourager les restrictions alimentaires parentales, stratégies ayant des effets négatifs sur le comportement alimentaire des enfants. Cette classification des aliments va sans doute diminuer la culpabilité face à la consommation occasionnelle d’aliment de faible densité nutritionnelle, mais pourrait augmenter la confusion. Que feront les parents des aliments d’exception ou d’occasion? Seront-ils rangés hors de portée des enfants? Seront-ils utilisés comme récompense? Se verront-ils imposer une restriction en fréquence ou en quantité? Il faut se questionner sur l’impact de cette classification, si elle est utilisée par les intervenants auprès des familles, sur les stratégies parentales qui seront utilisées à l’égard de ces aliments. Bref, cette stratégie est prometteuse quant à la qualité de l’offre alimentaire, mais quelques effets pervers sont à

surveiller.

Avant toute chose, il faut remettre le plaisir de manger à l’agenda. Le repas familial doit être un endroit de plaisir et de convivialité. Par un sain partage des responsabilités où le parent choisit l’heure et la constitution du repas et l’enfant décide ce qu’il mange, un premier pas est franchi pour augmenter le plaisir du repas familial. Ainsi, comme les sources de conflits sont réduites, les membres de la famille pourront fermer la télévision et discuter.

Il faut aussi travailler à ce que tombe le préjugé selon lequel les aliments sains ne sont pas délicieux et n’apportent pas de plaisir lors de leur consommation. Manger une variété d’aliments aux couleurs variées devrait être un plaisir. Finalement, le plaisir alimentaire devrait aussi passer par la fierté de cuisiner. Le partage des compétences culinaires du parent à l’enfant contribue au plaisir de manger ce qui a été cuisiné par la famille, en plus d’inciter l’enfant à goûter aux nouveaux aliments qu’il aura manipulé en cuisine.

8. LIMITES ET PISTES DE RECHERCHE ET