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3. Matériel et méthodes

3.3. Récolte des données de terrain

Sur la base des données de l’évolution du couvert forestier de la zone d’étude nous avons mené deux saisons de terrain entre janvier 2001 et septembre 2002. Durant ces saisons de terrain nous avons effectué des missions de trois semaines. Au début de chacune des missions, des fragments forestiers ont été visité et brièvement décrits à l’aide d’une fiche de description standard. Cette étape de reconnaissance nous a permis de valider ou non les traitements de télédétection et de sélectionner les fragments pour le travail d’inventaire. Une grande partie des fragments visités n’ont pas pu être retenu pour les inventaires botaniques en raison d’une mise en culture récente ou de conditions topographiques trop particulières. De plus, une partie des fragments présentant une canopée continue sur les images satellites ont leur sous-bois défriché. Cette pratique culturale est courante et constitue un acte d’appropriation d’une portion de forêt par les agriculteurs.

3.3.1. Les individus inventoriés

Afin de répondre à nos différentes hypothèses nous avons décidé de mener les inventaires sur quatre stades de croissance de la régénération. Pour nos travaux nous avons considéré trois stades de croissance pour les individus juvéniles et un stade pour les individus adultes. Cette partition de la régénération permet de déceler quel stade de croissance est le plus affecté par la fragmentation. Les stades choisis pour les juvéniles sont le stade Plantules, le stade Pousses et le stade Sub-adultes.

Les critères utilisés pour distinguer ces classes de régénération sont morphologiques et subjectifs. La hauteur et le diamètre à hauteur de poitrine (130 cm) nous ont permis de définir les trois stades de régénération :

- Les Plantules correspondent aux individus ligneux nouvellement germés, le critère utilisé est une taille inférieure à 15 cm. Ce stade de croissance fait l’objet d’un dénombrement global et n’est pas identifié au niveau spécifique.

- Les Pousses correspondent aux individus ligneux supérieurs à 15 cm mais inférieurs à 2 m.

Ce stade de croissance est également dénombré sans s’intéresser aux espèces en place.

Les Pousses constituent le pool de recrutement des fragments forestiers.

- Les Sub-adultes qui sont les individus ligneux de plus de 2 m de hauteur mais de moins de 5 cm de diamètre. Ce sont les individus qui ont réussi à s’installer dans le sous-bois de façon plus durable que les stades précédents et qui préparent le stade adulte. Tous les Sub-adultes sont identifiés au niveau spécifique. Pour ce stade de croissance nous n’avons inventorié que les individus appartenant à des espèces méso et megaphanérophytes.

Les individus adultes sont inventoriés à partir de 10 cm de diamètre, ils correspondent au peuplement en place. Ce critère de 10 cm de diamètre a été choisi car c’est la limite la plus classiquement utilisée pour les inventaires forestiers. Il est certain qu’une fraction des individus considérés comme adultes dans nos inventaires ne sont pas encore des reproducteurs potentiels. De la même manière, nous avons volontairement occulté les individus compris entre 5 et 10 cm de diamètre dans notre étude. En effet, pour certaines espèces les individus de cette classe de diamètre sont déjà des adultes reproducteurs

Photo 7 : Exemples de Pousses de régénération, A : Diospyros mannii ; B : Chidlowia sanguinea ; C : Chrysophyllum taïense ; D : Ceiba pentandra ; E : Erythroxylum mannii ; F : Pycnanthus angolensis.

3.3.2. Les méthodes d’inventaires

Les inventaires de terrain se sont déroulés selon quatre méthodologies bien distinctes qui sont : le relevé linéaire ; la bande de comptage ; les placettes de régénération ; les placeaux de régénération et, pour les fragments de moins de 4 ha les inventaires complets des individus de plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine.

Les relevés linéaires constituaient la méthodologie utilisée par Adama Bakayoko pour mesurer la structure végétale et inventorier l’ensemble de la flore. Cette technique de relevé de végétation a été mise au point par les Conservatoire et Jardin Botaniques de la Ville de Genève (Gautier et al. 1994) et permet d’avoir un bon aperçu de la structure et de la flore d’un site suivant un plan vertical à travers la végétation. Cette méthode de relevé linéaire, couramment appelée transect linéaire, a déjà été utilisée avec succès dans de nombreux travaux botaniques (Bakayoko 1999 ; Bakayoko 2005 ; Kouame 1998 ; Menzies 2000 ; Messmer et al. 2002 ; Nusbaumer 2003). Nous utiliserons dans nos analyses une partie des informations acquises par cette méthode de relevé.

La bande de comptage est une méthode classique d’inventaire de surface sous forme d’un quadrat. Elle est utilisée pour l’inventaire des Sub-adultes arborés. La bande de comptage consiste à inventorier l’ensemble des individus Sub-adultes de la régénération ainsi que l’ensemble des individus adultes sur une distance de 5 m de part et d’autre du relevé linéaire. Ainsi une bande de 10 m est inventoriée à travers la végétation. Les deux méthodes, relevé linéaire et bande de comptage, sont donc complémentaires sur le terrain et complémentaires dans les variables qu’elles permettent de mesurer. Sur le terrain, le travail consistait à établir suivant un azimut choisi la position du relevé linéaire à l’aide d’un topofil. Après avoir placé le relevé linéaire, la bande de comptage était matérialisée en délimitant, toujours à l’aide du topofil, les limites situées à 5 m de chaque côté du relevé linéaire. La limite maximale des inventaires est fixée à 200 m, soit alors 0,2 ha. Dans les fragments de faible surface ou les fragments très digités l’inventaire est réduit de manière à ne pas sortir du fragment ou de ne pas inclure les bordures (environ 20 m) des fragments forestiers. Au sein de la bande de comptage les individus Sub-adultes sont comptabilisé par tranches de 2 m ce qui correspond à l’intervalle entre deux mesures du relevé linéaire. Les deux méthodes de relevé (linéaire et bande de comptage) sont effectuées simultanément afin d’optimiser le travail de terrain. En effet, certains individus Sub-adultes et surtout adultes à l’intérieur de la bande de comptage ou en contact avec le relevé linéaire ne sont alors identifié qu’une seule fois. De la même façon, la gestion commune des échantillons inconnus et des morpho-espèces facilite le travail d’identification. Le début et la fin du relevé linéaire ont été distinctement marqués dans les fragments forestiers à l’aide de peinture acrylique rouge. Cette opération a été menée afin de pouvoir retrouver facilement les sites d’études et réaliser plus tard les inventaires des placettes de régénération. Au total nous disposons de 51 relevés de régénération des Sub-adultes et des adultes de la bande de comptage. Sur ces 51 relevés, 4 seulement ont eu lieu dans les grands massifs témoins entourant la zone d’étude. Comme expliqué dans la partie introductive les troubles politiques survenus en Côte d’Ivoire en septembre 2002 ont empêché la réalisation de l’ensemble du travail de terrain. Les dernières missions prévues dans le cadre du projet Fragmentation Forestière n’ont pas pu être conduites. Ces missions annulées devaient permettre de compléter les relevés dans des fragments forestiers pour certaines classes d’isolation peu représentées et surtout d’effectuer des relevés témoins dans le PNT ou les FC du Cavally ou de la Goin-Débé. Pour pallier en partie à ce manque de données auxquelles comparer nos observations issues des fragments forestiers, nous avons ajouté deux parcelles de 1’000 m2 inventoriées par Cyrille Chatelain et Henri Téré en 1999 dans le PNT et la FC du Cavally. Ces parcelles présentaient l’avantage d’avoir recensé tous les individus de plus de 2 m de hauteur avec les informations de diamètre ce qui nous a permis de recomposer deux relevés de régénération.

Afin de mener des analyses sur l’influence de la structure forestière nous avons découpé les bandes de comptage en placeaux de régénération. Tous les individus Sub-adultes étant positionnés, à deux mètres près, nous avons facilement pu découper des placeaux de 10 m de côté. Cela correspond à la largeur de la bande de comptage et nous semble plus adapté aux comparaisons avec les données structurales du relevé linéaire. En effet, à l’échelle d’un relevé de 200 m, la hauteur de la canopée ou le nombre de trouées n’a pas de sens si on le compare à un descripteur de la régénération. Par contre à une échelle de 10 m dans le sous-bois des fragments forestier il est évident que la présence d’une trouée ou qu’une canopée très variable sont des variables du milieu intéressantes à comparer au peuplement de régénération. Nos 51 relevés ainsi que les deux relevés communiqués par Cyrille Chatelain sont découpés de sorte à obtenir des placeaux de 100 m2.

Les placettes de régénération constituent le second volet des mesures de régénération. Ce sont des recensements complets de tous les individus au sein de carrés de 2 m de côté, soit 4 m2, réparties dans la bande de comptage. Pour chaque relevé réalisé, nous avons comptabilisé les Plantules, les Pousses et les Sub-adultes dans 20 placettes de régénération. Ces 20 placettes de régénération par relevé ont toutes été inventoriées en juillet-août c’est à dire entre les deux périodes pluvieuses. Cette volonté d’effectuer les comptages des placettes dans une même période climatique vise à limiter autant que possible les variations annuelles de la germination. Pour le positionnement des placettes de régénération au sein du sous-bois nous avons veillé à maximiser au mieux la distance entre les différentes placettes de régénération ainsi qu’à éviter les premiers et les derniers mètres de la bande de comptage afin de pouvoir disposer des données structurales issus du relevé linéaire. De plus, nous avons alterné la position (droite ou gauche) par rapport au relevé linéaire afin, d’une part, de limiter les effets du piétinement consécutif à la réalisation du relevé linéaire et, d’autre part, à maximiser la distance entre deux placettes successives. Dans la mesure du possible l’intervalle entre deux placettes consécutives a été maximal (de 2 à 4 mètres pour les bandes de comptage réduites et jusqu’à 6-8 mètres pour les relevés de 200 m). Les dénombrements pour chacune des placettes de régénération se sont déroulés en commençant par les Plantules, puis les Pousses et enfin les Sub-adultes ; les Plantules étaient arrachées afin de ne pas interférer avec le comptage des Pousses. Dans plusieurs placettes, la densité de certaines espèces était très importante et les individus se présentaient en un tapis continu. Pour ces placettes nous avons fixé une limite de comptage à 400 individus pour les 4 m2 ; trois relevés (F, Ip et T) ont présenté des placettes sont dans ce cas. Les individus herbacés n’ont pas été pris en compte lors des dénombrements successifs. Durant l’intervalle de temps écoulé entre la réalisation de la bande de comptage et le dénombrement estival par la méthode des placettes de régénération, certains fragments forestiers ont malheureusement été mis en culture tout ou partiellement. Ce constat flagrant de la vitesse de la déforestation dans notre zone d’étude nous a empêché de réaliser le même nombre de relevés de placettes que de relevés de bandes de comptage.

Nous disposons de l’information des 20 placettes de régénération pour 46 sites par rapport aux 51 pour la bande de comptage.

Figure 11 : Schéma des méthodes d’inventaire, la bande de comptage de 10 m est figurée en grisé avec le découpage des placeaux de 10 m, les placettes de 2 m sont figurées en rouge, le transect linéaire est représenté en pointillés verticaux. Dessin par Cyrille Chatelain.

Des inventaires complets des adultes dans les fragments forestiers de moins de 4 ha ont été mené pour 26 sites. Ce travail a consisté à dénombrer tous les individus de plus de 10 cm de diamètre, dans les fragments de moins de 4 ha qui ont fait l’objet de la bande de comptage. Ces données nous permettent d’avoir, pour une partie des relevés, la liste et l’abondance des espèces susceptibles de produire des graines. Ces inventaires se sont réalisés à la suite des relevés de la bande de comptage.

Les différentes méthodologies mises en œuvre sur le terrain nous permettent d’avoir une bonne estimation du peuplement de régénération. Nous avons d’une part des données quantitatives sur trois stades de croissance successifs au sein de placettes de régénération. Ces données concernent les effectifs de l’ensemble des espèces végétales ligneuses. Nous avons ensuite sur de grandes surfaces les inventaires quantitatifs des Sub-adultes des espèces méso et mégaphanérophytes. Ces inventaires de la bande de comptage sont également qualitatifs dans la mesure où tous les individus ont pu être

identifié au niveau spécifique. Nous disposons également des inventaires, au niveau spécifique, pour tous les individus adultes des bandes de comptage et pour tous les fragments inventoriés de moins de 4 ha.

Au total, ce sont donc 47 fragments forestiers et 4 sites en forêt continue qui ont fait l’objet des inventaires de la régénération. A cela s’ajoute les 2 inventaires de Chatelain et Téré. La Figure 12, page suivante, présente leur distribution au sein de la zone d’étude. Les caractéristiques spatio-temporelles ainsi qu’une description des fragments forestiers (topographie, aspect du sous-bois, traces d’exploitation, cours d’eau, arbres émergents…) sont présentées dans l’Annexe 4.

Photo 8 : Aspect classique des fragments forestiers, relevé AB, remarquer la forte densité d’individus de régénération et la fermeture du sous-bois.

Figure 12 : Distribution des 53 sites d’étude, étoiles, de la régénération ; les inventaires complets des adultes dans les fragments de moins de 4 ha sont représentés par un tiret.

La répartition des 47 fragments inventoriés par rapport aux classes des trois facteurs d’isolation principaux retenus pour l’échantillonnage est présentée dans le Tableau 12 à la page suivante.

En comparant les caractéristiques des fragments inventoriés au plan d’échantillonnage prévu nous constatons que nous manquons de données dans les fragments isolés avant 1984 et distants de 4 à 6 km des massifs forestiers. Les seuls fragments anciens et éloignés des massifs que nous avons rencontrés sur le terrain étaient des forêts galeries ou des forêts de pente marquée que nous n’avons pas inventorié pour ne pas apporter une variabilité floristique trop importante à nos relevés.

Tableau 12 : Classes d’isolation des 47 fragments inventoriés par la bande de comptage.

Surface des fragments Distance aux

massifs

Année d'isolation

0-2 ha 2-8 ha 8-32 ha

Total Distance Année

74 4 4

84 4 4

1 à 2 km

90 4 5 6 15

74 2 1 3

84 2 4 6

4 à 6 km

90 4 4 7 15

Total par

surface 20 14 13 47

Notre échantillonnage est donc déséquilibré, les tests d’anovas sur l’influence simultanée de la Durée d’isolation et de la Surface des fragments seront donc partiels. Pour les deux autres tests envisagés, Surface des fragments bloqués et Durée d’isolation bloquée nous disposons d’un nombre suffisant de données.

Photo 9 : Fragment forestier au sud de Taï bordé de production vivrière (manioc, banane, ananas). Nous pouvons noter la présence d’arbres isolés dans les cultures et l’implantation importante de Chromolaena odorata.