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5   METHODOLOGIE 74

5.2  C ONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES ET TECHNIQUES 81 

5.2.3   Récolte des données 92

Les entretiens ont duré entre 45 minutes et 2 heures suivant les répondants et les temps de la recherche. Les premiers entretiens ont eu lieu pour la plupart comme prévu dans le canevas de recherche, à savoir avant que les jeunes enseignants ne commencent à enseigner dans leur nouvelle classe. Cependant, au vu de la constitution progressive de la population de recherche décrite au point 5.2.2.2, certaines situations se sont finalisées juste après le début de l’année scolaire. Certains entretiens du temps 1 ont de ce fait eu lieu durant le mois de septembre 2009, alors que les jeunes enseignants avaient déjà quelques jours ou semaines d’enseignement derrière eux.

Lors du premier entretien, j’ai d’emblée essayé d’instaurer un climat agréable et détendu avec mes répondants, tout d’abord en les remerciant, puis en leur souhaitant la bienvenue, comme je le ferais à un nouveau collègue avec qui je vais collaborer. Il me semblait important d’éviter au maximum de tomber dans ce que Kaufmann (2007) qualifie de « rôle de bon élève » (p. 61). Car ici plus qu’ailleurs ceci pourrait être pris au sens littéral, vu que ces jeunes enseignants ont pour la plupart été « mes élèves », à un moment ou à un autre de leur formation initiale. Il était par conséquent important que je leur signifie clairement que l’on se trouvait maintenant dans une posture autre, que je les considérais comme des collègues enseignants et que je m’intéressais fortement à leur vécu dans leur milieu professionnel au sortir de la formation. Après avoir clarifié ceci, j’ai à chaque fois précisé les buts et objectifs de l’entretien ainsi que les aspects pratiques liés à sa durée ou à la présence du microphone. J’ai également expliqué que je modifierais les noms et endroits afin de garantir leur propre anonymat ainsi que celui des élèves dont ils me parleraient. J’ai procédé ensuite à l’aide d’un guide d’entretien (voir annexe 2) que j’avais préparé en fonction de mes objectifs et questions de recherche. Ce guide devait être suffisamment souple pour permettre des digressions en fonction des chemins empruntés par les répondants, mais il devait aussi permettre de voir rapidement un sujet non exploré sur lequel je devais absolument orienter le cours de l’entretien. L’ordre des questions ou des thématiques m’importait peu. La première question, d’ordre assez général, permettait de démarrer l’entretien. Je l’ai à chaque fois posée. Par la suite, j’ai à chaque reprise tenté de prendre en compte ce que le jeune enseignant disait pour demander des précisions, inviter à développer, à décrire plus en profondeur, tout ceci en manifestant une grande attention ainsi qu’un réel intérêt pour ce qui était en train de se dire et de se vivre dans le cadre de la rencontre et de l’échange.

Avant de mener la deuxième série d’entretiens, j’ai retravaillé mon guide d’entretien en y intégrant l’idée d’évolution du temps 1 au temps 2 (voir annexe 3). J’ai également sélectionné pour chaque répondant des verbatims du premier entretien sur lesquels je souhaitais revenir au terme du premier semestre. J’ai pu constater l’apport de cette manière de procéder. A de nombreuses reprises, les jeunes enseignants se sont montrés surpris de ce qu’ils avaient pu dire auparavant. Certes, il arrivait souvent qu’ils confirment leurs dires précédents en ajoutant notamment d’autres exemples, mais il arrivait aussi qu’ils s’exclament : « C’est moi qui ai dit ça ? » et qu’ils rigolent, rectifient et fassent état d’un changement dans leur manière d’envisager la thématique ou la situation. Ces entretiens du temps 2 ont généralement duré plus longtemps que les premiers : les jeunes enseignants avaient à cœur de décrire ce qu’ils vivaient, les problèmes et interrogations qu’ils

rencontraient, les gestes qu’ils posaient, les souvenirs qu’ils avaient de leur formation en rapport avec la réalité vécue dans leur classe, etc. Le matériel sur lequel portait leur discours semblait beaucoup plus riche de sens pour eux à ce moment-là.

Les entretiens du temps 3, au terme de l’année scolaire, se sont déroulés de manière relativement similaire à ceux du temps 2 (voir annexe 4). J’y ai également proposé un retour sur certains verbatims tirés des entretiens 1 et 2 dans le but de cerner l’évolution des significations données par les acteurs à propos de certains thèmes au fil de l’année.

Au fur et à mesure de l’avancement de ma récolte de données, j’ai réellement pris conscience qu’un entretien compréhensif possède un rythme propre, qu’il y a des temps dans l’entretien où tout s’enchaîne, qu’il y a aussi des silences qu’il faut apprendre à apprivoiser car ils peuvent déranger l’un ou l’autre des protagonistes, mais aussi s’avérer nécessaires à une certaine clarification de la pensée. Le guide d’entretien m’a souvent été utile pour cerner rapidement quelles thématiques liées à mes objectifs de recherche devaient encore être abordées ou approfondies. Mais la plupart du temps les éléments s’enchaînaient et je pouvais rebondir sur des propos de mes répondants, suivre les pistes qu’ils arpentaient et qui me devenaient petit à petit plus familières. Parfois, ce qui était dit me rappelait une lecture ou un résultat de recherche connu, c’était alors l’occasion d’un échange qui se nourrissait réciproquement. D’autres fois, les propos d’un répondant faisaient écho à ceux d’un autre jeune enseignant que je venais de rencontrer : lorsque je le jugeais pertinent, j’évoquais ceci pour mettre mon répondant à l’aise et lui montrer que d’autres avaient les mêmes pensées que lui. Lors de chaque entretien, je pense avoir montré un réel intérêt à écouter mes répondants et à tenter de les comprendre dans ce qu’ils évoquaient.

Cependant, tous les entretiens ne se sont pas déroulés d’une manière si optimale : je me suis retrouvée en face d’une personne particulièrement peu loquace et j’étais parfois en situation personnelle de fatigue. Je devais alors accepter la situation, m’adapter au mieux à elle et tenter de faire le meilleur avec les conditions du moment : donner confiance, persévérer, mobiliser un maximum de ressources personnelles. Lors de certains entretiens, j’ai dû aussi faire attention à recentrer les choses et à ne pas prendre malgré moi le rôle de « conseillère pédagogique ». Je considère ceci comme un écueil possible dû à ma posture de formatrice d’enseignants dans le domaine que j’investigue : le répondant me connaît et peut saisir l’occasion de notre rencontre pour me demander des conseils sur « comment agir » avec un élève qui lui pose problème. Heureusement, j’ai pu prendre conscience assez rapidement de ce risque de dérive et donner des réponses à certaines interrogations sans pour autant perdre de vue les objectifs des entretiens en cours.

Durant la conduite des entretiens, j’ai aussi finalement cherché à rester moi-même. Je me retrouvais en effet face à d’anciens étudiants avec qui j’avais un vécu commun : ils ont pour la plupart suivi certains de mes cours et connaissent de ce fait un peu de ma personne, de mes réactions et de ma façon d’entrer en relation. J’ai parfois voulu me mettre trop de pression pour réaliser de bons entretiens selon les propositions bien pensées de Kaufmann (2007). Ceci n’a pas toujours été concluant. Je me suis alors rendu compte que j’avais surtout besoin de me sentir à l’aise face à ces répondants qui, s’ils ont accepté de se livrer à moi, ont certainement signifié de la sorte qu’ils avaient confiance en moi.