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3   CADRAGE THEORIQUE 17

3.3  L A PERIODE DE TRANSITION DE LA FORMATION A L ’ EMPLOI 52 

3.4.2   Du côté des recherches dans le champ thématique de l’intégration et de l’inclusion

Alors qu’il existe plusieurs analyses de cas menées auprès de jeunes enseignants spécialisés durant leur première année de pratique professionnelle dans des classes spéciales (voir par exemple Boyer & Lee, 2001 ; Bush et al., 2001 ; Butcher Carter & Scruggs, 2001 ; MacDonald & Speece, 2001 ; Mastropieri, 2001), les recherches menées auprès d’enseignants ordinaires débutants confrontés à l’accueil d’élèves présentant des besoins éducatifs particuliers ne foisonnent pas non plus dans le domaine de la pédagogie spécialisée. Voilà la raison qui me pousse à expliciter de manière détaillée l’étude de Hodkinson (2006) menée également auprès de jeunes enseignants durant la période de transition de la formation à l’emploi à propos des questions intégratives en milieu scolaire. Au moyen d’une enquête quantitative et qualitative, Hodkinson (2006) cherche à capter la manière dont une cohorte de septante futurs enseignants provenant d’une université du nord-ouest de l’Angleterre définissent l’intégration et se positionnent face à celle-ci au terme de leur formation initiale. Au terme de leur première année d’enseignement, Hodkinson (2006) sollicite une nouvelle fois ces mêmes répondants pour une enquête similaire. Malheureusement, seulement dix jeunes enseignants sur les septante ont accepté de participer à la seconde partie de la recherche, ce qui en limite grandement la portée. S’agissant de ces dix jeunes enseignants, Hodkinson (2006) montre une altération des représentations entre la fin de la formation initiale et la fin de la première année d’enseignement : les jeunes enseignants qui ont répondu au questionnaire adhèrent nettement moins favorablement à l’idée d’ « une école pour tous » qu’au terme de leur formation initiale, argumentant que tous les besoins particuliers ne peuvent y être considérés. Il est intéressant de constater que, dans le cadre de cette étude, ces jeunes enseignants invoquent prioritairement des éléments externes sur lesquels ils n’ont que peu ou pas de contrôle comme obstacles à la réalisation d’une véritable politique intégrative, tels que le manque de financement ou de soutien individuel pour les élèves. Ces jeunes enseignants ne considèrent pas pour autant que l’intégration d’élèves présentant des besoins particuliers soit à proscrire, mais ils réclament d’autres conditions pour le faire. Pour expliquer les changements de perception de ces jeunes enseignants, Hodkinson (2006) émet trois hypothèses :

‐ la première concerne la formation initiale : celle-ci n’aurait pas permis l’acquisition du niveau requis pour faire face aux problématiques intégratives lorsqu’elles se sont présentées aux nouveaux enseignants. Notons cependant que les répondants de l’enquête de Hodkinson (2006) estiment dans l’ensemble avoir reçu une bonne formation concernant cet aspect-là ;

‐ la deuxième hypothèse concerne le contexte dans lequel le jeune enseignant fait son entrée dans le métier. Les jeunes enseignants auraient été socialisés dans des milieux ayant des visions différentes de l’intégration que celle transmise dans le cadre de la formation ;

‐ cependant, selon Hodkinson (2006), la raison la plus probable pour expliquer l’altération des représentations de ces jeunes enseignants au cours de leur première année d’enseignement consiste en leur perception d’un manque de financement et de soutien aux élèves présentant des besoins particuliers. Ceci fait dire à plusieurs

d’entre eux que, dans ces conditions, l’intégration n’est favorable ni pour les élèves à besoins particuliers ni pour les autres qui pâtissent de l’attention que l’enseignant doit accorder à l’élève présentant des besoins particuliers. Un des participants à la recherche l’exprime ainsi : « If the support is not available, then this can lead to an ineffective teaching and learning environment and added stress being placed upon the teacher ». (p. 49). Parvenus à cette conclusion, la plupart des jeunes enseignants ayant participé à cette recherche estiment que certains élèves ont leur place en école spécialisée et non à l’école ordinaire.

Les résultats de cette recherche, bien qu’ils doivent être considérés prudemment au vu de la forte mortalité expérimentale de l’échantillon entre les deux temps de mesure, revêtent tout de même un certain intérêt pour la discussion. D’un côté, ils mettent en exergue des facteurs également cités par les enseignants expérimentés, tels les besoins de formation et la nécessité de donner des moyens pour assurer une intégration de qualité (Avramidis et al., 2000 ; Baumberger et al., 2009 ; Bélanger, 2004). Mais ils soulèvent également la question de l’importance de la culture professionnelle propre au contexte comme facteur pouvant influencer l’évolution des représentations et des pratiques des enseignants et, pour ce qui nous intéresse, du jeune enseignant qui s’y insère suite à sa formation initiale.

D’autres auteurs, à l’image de Stanovich et Jordan (2003) ou Pearson (2009), ont également montré comment les normes et la culture scolaire de l’établissement que vient à fréquenter le nouvel enseignant ont une influence importante sur les représentations et les croyances, et ceci particulièrement durant les premières années de pratique. Cet aspect, que j’ai par ailleurs déjà discuté dans le cadre du chapitre consacré à la poursuite de l’apprentissage en situation (voir point 3.3.3), semble revêtir une importance considérable dans le domaine de la prise en charge des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers (Ainscow, 2005). De nombreuses recherches entreprises dans le champ de la pédagogie spécialisée insistent sur ce fait et en font un argument pour un accompagnement personnalisé des jeunes enseignants sur les questions intégratives durant la phase délicate de la transition entre la formation initiale et l’emploi (voir par exemple Conderman & Johnston-Rodriguez, 2009 ; Stanovich & Jordan, 2003).