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3   CADRAGE THEORIQUE 17

3.3  L A PERIODE DE TRANSITION DE LA FORMATION A L ’ EMPLOI 52 

3.3.1   S’entendre sur les termes et choisir des angles de vue pour étudier cette période 52

Dans le cadre de leur « portrait thématique des écrits sur l’insertion professionnelle », Martineau, Vallerand et Bergerin (2008) relèvent non seulement le nombre imposant d’écrits publiés autour de l’insertion professionnelle depuis les années 1990, mais aussi la diversité des termes utilisés pour la qualifier ainsi que des approches pour l’étudier. Ceci contribue à entretenir une certaine ambiguïté relative à la notion même d’insertion professionnelle, notion qui de fait devient relativement difficile à circonscrire. C’est la raison qui pousse Mukamurera, Bourque et Gingras (2008) à qualifier l’insertion de « processus multidimensionnel » comprenant quatre plans et deux dimensions illustrés dans la figure 3.

Figure 3 : L’insertion en tant que processus multidimensionnel (Mukamurera, Bourque et Gingras, 2008, p. 53)

L’insertion au plan de l’emploi fait référence aux aspects essentiellement administratifs tels que les modalités d’accès à l’emploi, les types de contrats ou les différents postes fréquentés en début de carrière. L’insertion au plan du travail fait référence à la nature de la tâche effectuée, à ses composantes et conditions ainsi qu’aux liens que le jeune enseignant peut effectuer entre la formation qu’il a reçue et les tâches qu’il effectue. L’insertion au plan organisationnel fait référence à l’intégration du nouvel enseignant dans le milieu du travail, aux rapports avec ses collègues et à sa participation en tant que membre d’une communauté. Enfin, l’insertion au plan de la professionnalité renvoie à l’acquisition et à la consolidation des savoirs et des compétences spécifiques à un rôle professionnel.

Insertion au plan du travail Insertion au plan organisationnel Insertion au plan de l’emploi Insertion au plan de la professionnalité INSERTION PROFESSIONNELLE Dimension objective Dimension subjective

De l’avis de Martineau (2008), l’insertion professionnelle dans ces différentes facettes constitue un processus dynamique et non linéaire qui se déroule sur quelques années, en général les cinq premières. Akkari et Tardif (2005) proposent pour leur part deux dimensions au concept d’ « insertion professionnelle » en distinguant les aspects temporels des aspects liés au travail de l’enseignant. Ils envisagent ainsi :

‐ l’insertion en terme de durée depuis la recherche d’un emploi jusqu’aux premières années dans un emploi fixe d’enseignant ;

‐ et l’insertion en tant que première phase de la carrière d’un enseignant qui comprend des frontières beaucoup moins nettes et s’intéresse à la manière dont le jeune enseignant maîtrise progressivement son travail, découvre ses limites mais aussi ses ressources et se constitue un bagage de savoirs et de compétences issus de l’expérience.

De l’avis de Martineau et al. (2008), la première dimension donne plus d’importance aux aspects développementaux en mettant un accent sur la durée de l’insertion, sur ses étapes et sur les cheminements d’emploi des jeunes enseignants, alors que la deuxième renvoie davantage au vécu subjectif de l’insertion professionnelle par les jeunes enseignants. Pour ma part, j’adopterai sciemment une vision assez large telle que celle choisie par Martineau, Gervais, Portelance et Mukamurera (2008a) dans leur ouvrage qualifiant l’insertion de « phase cruciale du développement professionnel de l’enseignant ». Ces auteurs qualifient l’insertion professionnelle d’ « expérience de vie professionnelle qui nécessite un processus d’adaptation et d’évolution chez le nouvel enseignant et qui se produit au début de la profession » (p. 2).

Si cette définition me convient, c’est qu’elle permet que j’inscrive ma réflexion dans une optique de transition de la formation à l’emploi en reprenant les deux aspects caractérisant toute transition proposés par Zittoun et Perret-Clermont (2001) :

‐ la personne vit une forme de « rupture » avec une forme de vie antérieure ;

‐ la personne est nécessairement « en changement » pour s’adapter à de nouvelles conditions (p. 1).

Dans ce sens, je considère essentiellement la transition comme un « passage », terme que je reprends à Baillauquiès (1999), « passage » durant lequel le jeune enseignant se développe tant personnellement que professionnellement. A la suite de Boutin (1999) ou Mellouki, Akkari, Changkakoti, Gremion et Tardif (2008), je considère également que ce passage s’inscrit dans un processus qui ne débute pas le jour où le nouvel enseignant entre dans sa propre classe en tant que titulaire. Ce passage s’amorce déjà lors de la formation initiale, voire en amont si l’on considère les représentations personnelles formées au cours du parcours de vie de l’individu (socialisation pré-professionnelle selon Nault (1999)). En utilisant les termes d’insertion professionnelle et de transition dans une telle perspective, je peux alors y inscrire tout aussi bien la préparation dans le cadre de la formation initiale, le développement de l’identité et des compétences professionnelles sur un continuum entre la formation et l’emploi ainsi que les éléments liés au contexte qui participent également à la façon qu’a le jeune enseignant de donner du sens et de construire sa profession durant ses premières années de pratique. C’est dans le sens explicité ci-dessus que j’utiliserai les vocables de transition de la formation à l’emploi et d’insertion professionnelle dans la suite

de ce travail. Pour qualifier les enseignants se trouvant dans cette phase de transition, j’ai pris la décision d’utiliser le même terme pour toute la recherche : les « jeunes enseignants ». Ceci n’est pas à considérer en lien à l’âge de la personne, mais bien en rapport à son stade de développement dans une trajectoire professionnelle, ici le stade de débutant dans l’enseignement.

Après avoir défini les termes que j’utilise, je reviens maintenant sur l’insertion professionnelle en tant qu’objet de recherche. En fonction de mes propres observations et à la suite de la revue de littérature proposée par Martineau et al. (2008), force est de constater que la thématique de l’insertion professionnelle des jeunes enseignants est abordée et analysée sous de nombreux angles. J’en cite ici quelques-uns sans prétendre à l’exhaustivité. Premièrement, la recension des difficultés et problèmes de tous ordres éprouvés par les jeunes enseignants occupe une place de choix dans les écrits consacrés à l’insertion professionnelle (voir par exemple Baillauquès & Breuse, 1993). Un certain nombre de ces études, dans des endroits comme les Etats-Unis ou le Québec par exemple où le « décrochage » voire la désertion de la profession enseignante inquiètent, cherchent à comprendre les aspects récurrents du malaise enseignant pour tenter d’y remédier et retenir les nouveaux enseignants dans la profession (voir par exemple Mukamurera et al., 2008 ; Sun, 2012). Certaines recherches s’intéressent alors aux dispositifs formels d’aide à l’insertion professionnelle des jeunes enseignants (voir par exemple Boyer & Lee, 2001 ; Lamontagne, Arsenault, & Marzouk, 2008). La construction de l’identité professionnelle du jeune enseignant occupe également une place importante dans la littérature du domaine (voir par exemple Boutin, 1999). Certains chercheurs investissent la période de l’insertion pour analyser l’activité réelle des enseignants débutants, dans le but de permettre une meilleure adéquation entre la formation initiale et l’emploi (voir par exemple Leblanc, 2007 ; Ria, Sève, Durand, & Bertone Stefano, 2004). L’insertion professionnelle est aussi problématisée en tant que période de « socialisation professionnelle » durant laquelle le jeune enseignant acquiert la culture de son nouveau milieu en se sentant appartenir au groupe de pairs (voir par exemple Angelle, 2002). L’ensemble de ces objets de recherche s’inscrit dans un contexte de transformation propre à la transition et au passage décrit plus haut. Ainsi, pour Mellouki et al. (2008), les jeunes enseignants passent progressivement d’une vision de la profession qualifiée de « romantique » (p. 64) à une vision plus réaliste qui s’opérationnalise au travers de divers changements sur eux-mêmes et sur leur environnement. Pour synthétiser, je dirais que les principaux objets de recherche sont les suivants : changement du statut d’étudiant à celui d’enseignant – et par conséquent nécessité de s’affirmer en tant que tel –, adaptation à une nouvelle culture professionnelle pour devenir membre d’une communauté et socialisation professionnelle, défis et enjeux propres à la période de transition et nature des soutiens disponibles et souhaitables, mais aussi désillusion quant à la nature même du travail, aux conditions réelles d’exercice du métier ou à l’écart perçu entre la formation et la réalité du terrain.

Bien que l’ensemble de ces objets aient du sens et des visées spécifiques, j’ai choisi de m’intéresser à la problématique de l’insertion professionnelle en privilégiant deux axes inter- reliés : l’insertion en tant que processus contextualisé (Andersson & Andersson, 2008 ; Angelle, 2002 ; Boutin, 1999) et l’insertion en tant que période de poursuite d’apprentissage (Clement & Vandenberghe, 2000 ; Day, 1999 ; Stumpf & Sonntag, 2009). Ces deux dimensions me semblent particulièrement intéressantes à traiter en relation à l’accueil d’un élève présentant des besoins éducatifs particuliers au sortir de la formation initiale pour deux

raisons. Premièrement, la présence dans la classe d’un élève qui présente des besoins éducatifs particuliers implique la plupart du temps un réseau de professionnels et le fait de travailler à plusieurs autour de la situation, voire de travailler à plusieurs en classe. Il m’importe alors de comprendre les enjeux de ces présences et des collaborations que le jeune enseignant peut ou doit établir à ce moment précis de son parcours professionnel. D’autre part, la formation initiale dans le domaine de la prise en charge des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers s’adressant à de futurs « généralistes » de l’enseignement, tous les cas de figures ne peuvent y être envisagés. La formation s’articule davantage autour d’une posture générale de prise en charge de la diversité des élèves en salle de classe. De ce fait, le jeune enseignant est, peut-être encore plus que dans d’autres domaines, amené à apprendre dans la situation, au cas par cas. Il m’importe de mieux comprendre ce que le jeune enseignant apprend en situation, comment il le fait et quelles ressources il mobilise pour le faire. Mes choix explicités, je développe ces deux dimensions dans la suite de mon travail.

3.3.2 D’une approche centrée sur l’individu vers une vision contextualisée de