• Aucun résultat trouvé

Le réalisation d'un cadastre de la Zone des sables par les Ottomans n’est pas confirmée

1 Les difficultés à cadastrer la Zone des sables : un révélateur de la complexité foncière

1.1 Le réalisation d'un cadastre de la Zone des sables par les Ottomans n’est pas confirmée

Le caractère sablonneux et très peu occupé ou exploité de cette plaine côtière explique certainement que les velléités de cadastrer ces terres ont été tardives. Bien que diverses sources suggèrent que les cadastres réalisés par les Ottomans au Liban en 1862 et 1864 ne concernaient pas la Zone des sables, des experts missionnés dans les années 1950 n’ont cependant pas réussi à trancher la question et celle-ci reste posée aujourd’hui.

La zone avait-elle été cadastrée par les Ottomans ? La Zone des sables a toujours été donnée pour inculte. Elle ne servait traditionnellement qu’au pâturage et à l’extraction des pierres de carrière. C’est la raison pour laquelle, elle n’aurait pas été cadastrée sous les Ottomans. « Le cadastre [commencé sous les Ottomans en 1862 et 1864] n’a pas été réalisé pour des raisons foncières mais pour des raisons fiscales. Ce n’était pas la limitation des propriétés qui était recherchée mais leur distribution pour pouvoir assurer la collecte des impôts. La limitation n’a donc concerné que les propriétés qui donnaient des fruits, classées de la façon suivante : mûres, olives, divers, slikh, maghalek. Les habitations ont été négligées, ainsi que les lieux de cultes, les grottes et les autres terrains ne donnant pas de fruits comme les sables et les forêts »1. L’absence de cadastre n’empêchait cependant pas les ventes d’être légalement enregistrées dans ces zones : « Tous les villages du Mont - Liban contenaient des parcelles sans numéro ni surface et les tribunaux du Mont - Liban certifiaient des actes pour ces parcelles non cadastrées en 1862 et 1864, c’est-à-dire sans numéros ni surface enregistrés, de la même façon qu’ils le faisaient pour les parcelles cadastrées »2.

Cependant, les experts missionnés dans le cadre du procès de la Zone des sables de 1953- 1955 étaient partagés sur la question : bien qu’il soit vraisemblable que cette zone n’ait pas été cadastrée sous les Ottomans, ils ne pouvaient pas l’affirmer de façon sûre, n’ayant pas retrouvé les documents originaux. Quant à ceux qui étaient en leur possession, ils étaient soit contradictoires soit imprécis. On peut noter par exemple un acte de vente de 1884 signalant des sables cadastrés : « Un acte enregistré le 11 février 1300 numéro 1915 et

1 République libanaise, L’affaire des sables ,op. cit., p.15 ; Charafeddine W., La banlieue sud, op.cit., p.80. 2 République libanaise, L’affaire des sables,op. cit., p.15.

2-1. Emplacement de l’ancienne Zone des sables dans l’actuelle banlieue sud

La Zone des sables couvrait les régions sablonneuses aujourd’hui occupées par le quartier irrégulier d’Ouzaï, y compris l’extension du Golf (1), celui de Raml (2), par un quartier de Bourj Brajneh « semi-illégal » (Charafeddine W.) (3), par une partie du camp palestinien de Bourj Brajneh (4) et par une partie de l’aéroport (5). Les limites des villages sont celles des années 1930. Fond de plan, plan photogrammétrique, Oger, 1991.

Illustration 2-1

daté du 7 mars 1301 numéro 4 (concernant des parcelles) cadastrées sous le numéro (noumro) 5 (et) le numéro (raqm) 4 et dépendant du kharaj de Chiah. »3. Ils ont donc laissé la question en suspens. « Les experts ne se sont pas mis d’accord pour déterminer si la zone sablonneuse a été cadastrée ou non par l’ancien cadastre. »4. « Ils n’ont trouvé aucun des cahiers des villages de Bourj el-Brajneh, Bir Hassan, et Tahouita el-Ghadir signé par les topographes qui ont effectué les travaux du cadastre en 1862 et 1864, contrairement au cahier du cadastre de Chiah, » 5 — qui date, lui, du 22 février 1864. Par ailleurs, « étant donné que les deux experts Rachad Jisr et Toufic Hamadé, même s’ils ont indiqué dans leur dernier rapport que les « sables possédés par les émirs ont été cadastrés au moment de l’ancien cadastre et ont été considérés comme une annexe des propriétés agricoles et ceux qui n’ont pas été cadastrés ont été considérés comme des terrains à l’abandon (mouhmala) ou (comme) mouchaa du village », n’ont pas indiqué quels terrains sablonneux n’ont pas été cadastrés et quelle est la partie de ces terrains qui a été annexée aux terrains agricoles »6.

Ces cadastres entamés en 1862 et 1864 furent terminés en 1869. C’est la seule tentative de cadastre qui semble avoir concerné la Zone des sables. On ne connaît pas l’étendue de cette zone sablonneuse dans les temps plus anciens. Des sources font état de son caractère récent, ou du moins, de son extension récente : les dunes ont avancé avec le temps sur des terrains cultivés. Les vagues de sables se seraient déplacées de deux mètres par an en direction nord-est (les vents dominants viennent du sud-ouest), des cultures et extensions urbaines les ont seulement partiellement fixées7. À l’appui de cette hypothèse, « on a trouvé des traces de plantation de mûriers sous les sables » (entretien avec Joseph Naggear). Les sables auraient peut-être été charriés sur la côte depuis le percement du canal de Suez8 entre 1858 et 1869. Si ces étendues sablonneuses existaient déjà, il n’est nulle part question du « cadastre » que l’émir Béchir avait entrepris au début du XIXe siècle (vraisemblablement entre 1806 et 1815, aux alentours de 1810) pour asseoir l’assiette de l’impôt mîrî qui pesait sur les terres amirié du domaine du Sultan. Pourtant, ce levé concernait en particulier les terres de l’émir Qassem Chéhab, qui gouvernait le Sahel

3 Idem, p.80. 4 Idem, p.15. 5 Idem p.150. 6 Idem p.223.

7 Chehabeddine S., Géographie humaine de Beyrouth,Faculté des Lettres de Paris, Sorbonne, juin 1953, p.21. 8 D’après l’entretien avec Joseph Naggear et selon des anciens habitants de Bourj Brajneh, d’après

Charafeddine W., La banlieue sud, op.cit., p.78.

2-2. Commencement de la réalisation du cadastre au Liban et création de la Zone des sables

Le levé cadastral est entamé sur la zone littorale au sud de Beyrouth dès les premières années qui suivent le démarrage des travaux du cadastre au Liban. Après Beyrouth et Baabda en 1926 et la proche banlieue est en 1928, la reconnaissance foncière est entamée en 1930 dans la plaine sud de Beyrouth. Une nouvelle circonscription foncière est alors créée pour être séparée, appelée Zone des sables. Elle sera annulée en 1936 et les terrains seront cadastrés dans les circonscriptions foncières voisines. La réalisation du cadastre pour les circonscriptions suivantes ne commence pas avant 1935. Fond de plan, Cermoc CNRS-L, Atlas des localités

du Liban, à paraître.

Illustration 2-2

où cette zone est située. Il n’est pas non plus question d’un autre cadastre entamé en 1846, commencé pour le district mixte dont faisait partie le Sahel, et qui ne fut jamais achevé9, bloqué par l’aristocratie druze — qui, hostile à Istanbul, « cherch(ait) à bloquer le fonctionnement du Règlement de 1845, et met(tait) [notamment] en échec les projets de recensement et de relevé cadastral, »10 — et par les puissances occidentales qui la soutenaient. « D’autres projets de cadastre dont un fut proposé en 1895 et l’autre par un règlement publié dans les journaux turcs du 10/7/1900 n’ont pas mieux réussi. »11.

1.2 Les travaux du cadastre effectués par les Français achoppent sur la Zone des